Lorsqu’un adulte commet un acte sexuel sur un mineur de moins de 15 ans, la loi ne considère pas systématiquement que c’est un viol. Le juge peut estimer qu’il s’agit d’une « atteinte sexuelle ». Il faut ensuite que la défense démontre que la victime, même mineure, n’était pas consentante.
Des critères inadaptés
Selon le Code pénal, pour qu’il y ait viol il faut prouver qu’il y a eu « violence, contrainte, menace ou surprise ». Quatre éléments qui peuvent être inadéquats en cas de viol sur mineurs. « On comprend très rapidement que ces critères ne sont pas adaptés à de jeunes enfants », explique la sénatrice de Vendée Annick Billon. Celle-ci veut poser dans la loi une limite claire prévoyant l’interdiction absolue de tout acte sexuel entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans, en créant une infraction autonome, et en punissant ces agissements de 20 ans de réclusion criminelle. (VIDEO)
Un seuil à 13 ans
Pour remédier à cet état de fait, la présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a déposé une proposition de loi qui crée un seuil d’âge en dessous duquel un acte sexuel entre un mineur et un adulte serait automatiquement considéré comme un viol. Annick Billon veut fixer ce seuil à 13 ans.
« Poser un interdit clair »
Un seuil d’âge du consentement sexuel pour les mineurs qui avait déjà été proposé en 2018 lors de l’examen du projet de loi de Marlène Schiappa sur les violences sexuelles et sexistes, (il avait été fixé à 15 ans) pour être ensuite abandonné car jugé inconstitutionnel. (VIDEO)
Débat au sein de la commission des lois
Au Sénat, ce seuil d’âge seuil d’âge fait débat. Il y a 2 ans, au Palais du Luxembourg, les sénateurs de la commission des lois avaient rejeté la création d’un seuil d’âge au profit d’une « présomption de contrainte » en cas d’acte sexuel d’un majeur sur un mineur.
Présomption de contrainte
Une « présomption de contrainte, élément constitutif du viol, en raison de la différence d’âge, qui ne peut, de ce fait, être inversé », explique Muriel Jourda, sénatrice LR du Morbihan et membre de la commission des lois. Avocate de profession, Muriel Jourda ajoute qu’ « apporter la preuve d’un fait négatif, à savoir l’ignorance de l’âge de la victime, apparaît quasi impossible ». Avec la présomption de contrainte, c’est à l’auteur d’apporter la preuve qu’il n’y a pas eu de contrainte.
Bilan de la loi de 2018
Même questionnement chez Marie Mercier, sénatrice LR de Saône-et-Loire et rapporteure de la proposition de loi d’Annick Billon. Quid de « la présomption de contrainte en cas de non-discernement et du grand écart d’âge que nous avions imposés dans la loi sur la lutte contre les violences sexuelles en 2018 » ? Est-ce suffisant ou bien faut-il aller plus loin ? Selon la sénatrice LR, « ce n’est pas parce que le but est louable que le chemin est évident ». Et de plaider en faveur « de lois juridiquement applicables au sein des tribunaux ».
Crime autonome
Marie Mercier n’est pas favorable à l’idée de créer « un crime autonome à l’image de ce que veut faire Annick Billon dans sa proposition de loi ». Avant d’émettre ces propositions, la rapporteure va auditionner associations et magistrats pour faire un point de situation sur « l’existant ».
Ecart d’âge
Celle qui se dit prête à changer d’avis, estime qu’il faudrait « creuser l’idée de l’écart d’âge au lieu de créer un seuil d’âge en dessous duquel une relation sexuelle entre un majeur et un mineur serait interdite ». En créant un seuil d’âge à 13 ans comme le souhaite Annick Billon, Marie Mercier craint que l’on « crée un vide juridique pour les enfants de 13-15 ans ».
Des mentalités qui évoluent
Au sein de la commission des lois présidée par François-Noël Buffet, la majorité des membres est dans l’ensemble plutôt favorable à la création d’un seuil d’âge mais certains sénateurs y sont très hostiles. « C’est une affaire de mentalités, il faut prendre le temps d’expliquer quelles valeurs on protège et ne pas voir cette question seulement d’un point de vue juridique », estime François-Noël Buffet, « mon rôle c’est de favoriser l’alignement des planètes ». Le président de la commission des lois a jusqu’au 21 janvier, date de l’examen de la proposition de loi au Sénat.