Sécurité globale : le Sénat vote définitivement le texte, la gauche dénonce ses dérives « liberticides »

Sécurité globale : le Sénat vote définitivement le texte, la gauche dénonce ses dérives « liberticides »

Les sénateurs ont adopté les conclusions de la commission mixte paritaire sur le texte sur la sécurité globale, où Assemblée et Sénat ont trouvé un compromis. L’article 24 a été réécrit et le recours aux drones encadrés. Mais la gauche dénonce avec force les dangers de la proposition de loi.
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« Nous arrivons aujourd’hui au terme d’un long périple ». Le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse, corapporteur du texte sur « la sécurité globale préservant les libertés », le nouveau nom de la proposition de loi, après l’accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP), la semaine dernière, ne cache pas sa satisfaction. Les sénateurs ont adopté largement ce mercredi les conclusions de cette CMP par 241 voix contre 98. Il reste encore aux députés à faire de même la semaine prochaine, jeudi 15 avril, pour que le Parlement adopte définitivement le texte. Le gouvernement pourra alors prendre les décrets d’application.

Entente entre les rapporteurs et Gérald Darmanin

Sur ce texte sensible, qui a mis des milliers de personnes dans la rue, à cause notamment de l’article 24 qui mettait à mal la liberté de la presse, les sénateurs ont su faire redescendre la pression. Les rapporteurs du Sénat, Marc-Philippe Daubresse donc et le sénateur UDI Loïc Hervé, ont trouvé un terrain d’entente en de nombreux points avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Si la tension monte parfois très fort, entre le Sénat et l’exécutif, la Haute assemblée s’est montrée très constructive sur ce texte, dont la majorité sénatoriale de droite et du centre partage les objectifs avec le gouvernement : instaurer un « continuum de sécurité », de la police municipale, qui voit ses pouvoirs renforcés – tout comme la sécurité privée, mieux encadrée – à la police nationale, qui profite de nouveaux moyens. L’utilisation des drones va maintenant bénéficier d’un cadre légal, inexistant jusqu’ici.

Le rapporteur Loïc Hervé souligne la « vraie exigence de préservation des libertés publiques »

« La CMP est parvenue à un accord qui préserve la quasi-intégralité des apports du Sénat », s’est réjoui Marc-Philippe Daubresse au micro de la Haute assemblée. « Cet accord en CMP est une bien bonne nouvelle pour le Parlement, et pour le Sénat qui a pu apporter à ce texte des ajouts robustes juridiquement, puisés dans l’expérience et les remontées de terrain des collectivités territoriales, que nous représentons, et dans une vraie exigence de préservation des libertés publiques », a salué Loïc Hervé.

Sur le fameux article 24, les sénateurs ont imposé leur réécriture, qui convient, il est vrai, au ministre de l’Intérieur. Ils ont supprimé toute référence à la loi sur la liberté de la presse de 1881. « Nous avons purgé le vice initial », lance Marc-Philippe Daubresse. Les sénateurs ont créé à la place un nouveau délit de « provocation à l’identification » des policiers. Sur les drones, ils « seront réservés à des circonstances vraiment utiles, pour les infractions graves ou les lieux difficiles d’accès » et « avec une autorisation préalable et l’interdiction du recours à la reconnaissance faciale », a rappelé Loïc Hervé.

Marlène Schiappa salue « la grande qualité du travail des rapporteurs »

La ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a apprécié « la hauteur de vue et la très grande qualité du travail des rapporteurs ». Elle ajoute :

Nous n’allons pas bouder notre plaisir et l’heure est à saluer l’esprit de consensus qui a animé les membres de la CMP et qui permet de présenter ensemble un texte de compromis.

Selon la ministre, « ce texte contient de très belles avancées ». Elle récuse toute idée de « désengagement de l’Etat » au profit de la sécurité privée ou de la police municipale. « Avec cette loi, nous ne créons pas une sécurité à double vitesse », assure-t-elle. « Le Sénat a encadré l’usage des drones, avec de nombreuses garanties », souligne encore Marlène Schiappa.

« La réécriture technique de l’article 24 laisse entière la menace contre la liberté de la presse »

Pour les opposants au texte, autrement dit la gauche, qui dans son ensemble a voté contre, la lecture des conclusions de la CMP a été l’occasion d’un dernier baroud d’honneur contre un « texte porteur de dérives », selon Laurence Harribey, sénatrice PS.

Elle met en garde sur « la réécriture technique de l’article 24, qui laisse entière la menace contre la liberté de la presse et renforce les sanctions contre les diffuseurs d’images ». Elle a rappelé l’opposition des socialistes sur le port d’arme autorisé pour les policiers hors service dans les établissements recevant du public. Tout en notant les absences du texte : « Rien sur la réforme de l’IGPN, l’interdiction de l’usage des LBD ou la lutte contre les contrôles abusifs et discriminatoires ».

« Le gouvernement et la droite sénatoriale sont à l’unisson »

Pour la sénatrice EELV, Esther Benbassa, il n’est pas étonnant que la CMP soit conclusive. « Le gouvernement et la droite sénatoriale sont à l’unisson, réunis à l’ordre de marche ou dans les starting-blocks de la course aux extrêmes », lance la sénatrice écologiste. Elle dénonce un « texte qui prône la surveillance de masse, la légalisation et l’extension de l’usage des drones ». Le nouveau délit de provocation à l’identification, créé par l’article 24, « est une notion floue, et ouvre la voie à des interprétations abusives et arbitraires, pouvant nuire au travail des journalistes », estime Esther Benbassa. Et de conclure :

La succession de textes liberticides et sécuritaires dans notre pays devient alarmante.

Mêmes critiques du côté de la présidente du groupe CRCE (communiste), Eliane Assassi. « Nous avons un recul sans précédent de nos libertés publiques », déplore l’élue de Seine-Saint-Denis. Eliane Assassi pointe les risques de dérives, comme sur « les agents de sécurité privée, qui pourront être autorisés par le préfet à effectuer des missions de surveillance de la voie publique dans le cadre de la lutte antiterroriste. Et ils n’auront plus besoin d’habilitation pour procéder à des palpations dans le cadre de certaines manifestations. Comment octroyer de tels pouvoirs à des entreprises, qui par définition, n’ont qu’un but marchand ? » « Gageons que les sages du Conseil constitutionnel vous feront entendre raison », espère la sénatrice communiste. La socialiste Laurence Harribey a prévenu : le groupe PS « saisira le Conseil constitutionnel ».

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