Violences : les temps forts de l’audition de Nicole Belloubet devant les sénateurs

Violences : les temps forts de l’audition de Nicole Belloubet devant les sénateurs

Après Christophe Castaner et Bruno Le Maire, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a été auditionnée ce mercredi par les sénateurs sur les violences qui ont émaillé la manifestation des gilets jaunes du 16 mars dernier.
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Nicole Belloubet rappelle le cadre constitutionnel de sa politique pénale

Audition Sénat: Nicole Belloubet rappelle le cadre constitutionnel de sa politique pénale
10:10

En introduction, la ministre de la Justice a souhaité rappeler le cadre constitutionnel dans lequel s’inscrit sa politique pénale. « La Constitution de même que la Convention européenne des droits de l’Homme protège la liberté de manifestation qui est une liberté fondamentale (…) Le Conseil Constitutionnel (…) a précisé qu’elle pouvait être limitée pour se concilier avec la présomption des atteintes à l’ordre public et notamment des atteintes à la sécurité des personnes et des biens » a-t-elle détaillé.

Au sujet des infractions pouvant être relevées lors des manifestations des gilets jaunes, Nicole Belloubet souligne que les violences à l’encontre des forces de l’ordre ou des personnes « doivent donner lieu à des déferrements dans le cadre de comparutions immédiates ». « Les alternatives aux poursuites doivent être réservées aux infractions les moins graves ou des situations isolées ».

La ministre de la Justice a également demandé aux procureurs de délivrer aux policiers et aux gendarmes des réquisitions aux fins de contrôles d’identité ou de fouilles de bagages pour prévenir des transports d’objets qui pourraient être utilisés comme armes par destination.

Enfin, Nicole Belloubet a rappelé la mise en place de la nouvelle contravention pour participation à une manifestation interdite sanctionnée d’une amende de quatrième classe.

Violences lors des manifestations : 9 000 gardés à vue, 2 000 condamnations, 800 peines de prison ferme

Les chiffres de la manifestation : 9 000 gardés à vue, 2 000 condamnations, 800 peines de prison ferme rapporte Nicole Belloubet
10:32

Nicole Belloubet dresse le bilan judiciaire du mouvement des Gilets jaunes. À ce jour, 9 000 personnes ont été placées en garde à vue. Les magistrats ont été mobilisés le soir et le week-end pour faire face à « un afflux inédit » de procédures. Ces dernières ont abouti à 150 jugements de relaxe, 1 800 décisions de classement sans suite et 1 800 décisions d’alternatives aux poursuites. 4 000 affaires ont fait l’objet d’un renvoi et 2 000 condamnations ont été prononcées. Sur ce chiffre, 40 % correspondent à de l’emprisonnement ferme et 60 % correspondent à des peines alternatives. Des interdictions de séjour, notamment à Paris, ont aussi été prononcées.

290 plaintes contre les forces de l’ordre

Sur les plaintes déposées à l’encontre des forces de l’ordre, Nicole Belloubet précise que « des enquêtes sont systématiquement diligentées ». On recense 290 plaintes contre les forces de l’ordre, dont les investigations sont confiées à l’IGPN [la police des polices N.D.L.R.]. À ce jour, aucune poursuite n’a été effectuée et 17 procédures ont été classées sans suite. Toutefois, « si des manquements graves sont constatés, une sanction pénale devra être prononcée » rappelle la ministre.

Nicole Belloubet rappelle qu’ « en soi, le recours au lanceur de balles de défense n’est pas illégal », s’appuyant sur une décision du Conseil d’État. Par contre, leur utilisation doit être « nécessaire et proportionnée », sous peine de poursuites. La ministre rappelle « son attachement au respect des règles de l’État de droit », puisqu’ « il en va de la crédibilité de nos institutions ».

Manifestante de 73 ans blessée à Nice : « Il y a un souci de transparence dont le procureur a témoigné »

Question de la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie au sujet de la manifestante de 73 ans, Geneviève Legay, porte-parole de l'association Attac dans les Alpes-Maritimes, grièvement blessée à Nice, lors d’une manifestation des gilets jaunes. « Le 25 mars, le procureur de Nice affirme que les policiers ne sont pas en cause », « et le président de la République reprend les mêmes propos », rappelle la sénatrice PS, « mais les associations et personnes blessées établissent qu’il n’en est rien » et « le procureur de la République a reconnu le 29 mars qu’il y avait une mise en cause des policiers ». Pour Marie-Pierre de la Gontrie, « il y a eu un dysfonctionnement de la part du parquet ». Et de demander : « Quel a été votre initiative en direction de ce procureur ? (…) La parole d’un procureur, c’est important. Mais un procureur ou un préfet qui ne disent pas la vérité ou s’avancent de manière imprudente, c’est un problème ».

Manifestante de 73 ans blessée à Nice : « Il y a un souci de transparence dont le procureur a témoigné » affirme Nicole Belloubet
01:09

Réponse de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet : « Je ne souhaite pas commenter cette affaire qui est actuellement en cours. Je ne souhaite pas aller au-delà de ce qu’a dit procureur ». « L’article 11 du code de procureur pénal prévoit que le parquet peut communiquer sur les affaires en cours. Je n’interviens pas pour commenter la façon dont le parquet a appliqué ce texte en l’affaire, qui est en cours ».

La ministre ajoute encore :

« Le parquet a communiqué sur la base des informations qu’il a, à un moment données. Elles ont dû être rectifiées au fur et à mesure qu’il a eu connaissance de nouvelles données et d’images vidéo. Il me semble qu’il y a là-dessus un souci de transparence dont le procureur a témoigné. L’enquête se poursuit. Nous verrons plus tard comment on peut faire un retour d’expérience sur ce sujet ».

Interrogée sur le décalage de chiffres concernant les plaintes contre les policiers, entre celui de 290 donné par la ministre de la Justice, et celui de 180 donné par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, Nicole Belloubet « maintien(t) le chiffre de 290 plaintes qui donnent lieu à 290 enquêtes. Les 180 relèvent de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), le reste de la gendarmerie ou d’autres services de police. C’est la raison pour laquelle on a cette différence ».

 « Le simple renseignement ne fait pas une preuve »

« Le simple renseignement ne fait pas une preuve » estime Nicole Belloubet
06:57

Répondant à Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret, sur l’application de la loi du 2 mars 2010, à propos de personnes « connues », « identifiées » qui appellent à la violence, Nicole Belloubet explique : « Vous savez fort bien Monsieur le sénateur, entre ce que l’on dit et la preuve judiciaire, il y a parfois une nuance ou un gouffre. Bien sûr, il est important que nous ayons des renseignements. Mais le simple renseignement ne fait pas une preuve (…) Et c’est la raison pour laquelle nous ouvrons des informations judiciaires pour pouvoir objectiver ces renseignements (…) Nous sommes obligés de travailler sur des faits objectifs. »

Interrogée pour savoir si les textes législatifs sont suffisants pour contrer les personnes susceptibles d’appeler à la violence sur les réseaux sociaux, la garde des Sceaux répond : « J’ai le sentiment qu’[ils] sont suffisants et que nous pouvons travailler sur cette base-là pour saisir la justice. Mais il y a parfois dans l’utilisation des réseaux sociaux, des phrases très ambigües (…) Nicolle ou Drouet [figures des « gilets jaunes » - NDLR] utilisent les réseaux sociaux (…) mais le font d’une manière tangente. Ce qui pourrait devenir une infraction. »    

 Concernant des questionnements de Jean-Pierre Sueur sur la durée des enquêtes de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), Nicole Belloubet a répondu que c’est la complexité de ces enquêtes qui entraînait « certains délais » : « Je fais confiance aux services d’inspection qui ont été saisis, aux enquêtes qui sont saisies. »

« Je ne crois pas qu’on puisse parler de laxisme », se défend Nicolle Belloubet

« Je ne crois pas que l'on puisse parler de laxisme », se défend Belloubet
16:26

 

Questionnée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (LR) sur la judiciarisation du maintien de l’ordre, la garde des Sceaux assure qu’il y a eu « une réorganisation autour de ces moyens d’interpellation ». « Il y a un travail conduit entre le procureur et le préfet pour préparer la phase de judiciarisation », a d’abord expliqué Nicole Belloubet en affirmant qu’un « travail efficace de la justice se prépare en amont d’une manifestation ».

La ministre a aussi assuré que les effectifs des forces d’interpellation ont été renforcés dans le cadre des manifestations citant l’exemple des « brigades volantes qui sont là pour assurer les interpellations quand c’est nécessaire ». Nicole Belloubet a en outre rappelé les mesures qu’elle a mises en œuvre pour garantir l’identification et l’interpellation des « casseurs » : Le 22 mars dernier, j’ai diffusé une nouvelle circulaire qui présentait la contravention de 4e classe mais qui présentait également l’utilisation de tous les moyens de preuve dont on a fait état : marquages, vidéos, etc.. »

« Les parquets indiquent que la plupart des prévenus sont des personnes qui sont insérées socialement »

La ministre de la Justice s’est livrée à une forme de descriptif des profils les personnes prises en charge par la justice à ce stade des interpellations :

« Dans la quasi-totalité ce sont des hommes. 5 % de femmes ont été condamnées. La majeure partie des personnes qui sont poursuivies et condamnées ont entre 20 et 35 ans (…) la part des mineurs est assez faible. Les personnes jugées sont en grande majorité de nationalité française. Les catégories socio-professionnelles des prévenus sont variées, les parquets indiquent que la plupart des prévenus sont des personnes qui sont insérées socialement. Les personnes qui sont jugées sont principalement des primo-délinquants (…) On note la présence de personnes proches de la mouvance d’extrême-gauche ou d’extrême-droite ou de mouvements anarchiques. »       

« S’ils n’ont pas une peine qui est dissuasive, ça incite les autres à essayer d’aller chez Cartier ou d’aller faire leurs courses de Noël »

Devant les sénateurs, Nicole Belloubet s’est défendue de toute approche laxiste en arguant que parmi « les 9 000 gardés à vue la moitié était déjà passée en jugement ». En réponse à la sénatrice LR Jacky Deromedi, la ministre a poursuivi : « Je ne crois pas qu’on puisse parler de laxisme. Lorsque vous dîtes que la répression n’est pas à la hauteur, je n’ai pas ce sentiment-là si l’on considère que les trois quarts des personnes ont fait l’objet d’une prise en charge par la justice et toutes les prises en charge ».

Pas de quoi rassurer la sénatrice Jacky Deromedi qui estime que si les prévenus « n’ont pas une peine qui est dissuasive, ça incite les autres à essayer d’aller chez Cartier ou à aller faire leurs courses de Noël ». La garde des Sceaux a toutefois rappelé qu’il appartient aux magistrats de statuer sur les peines.

 

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