[Info Public Sénat] Les pistes du gouvernement pour réduire le nombre d’agences de l’Etat
Crédit : HOUPLINE-RENARD / SIPA

[Info Public Sénat] Les pistes du gouvernement pour réduire le nombre d’agences de l’Etat

Le ministère des Comptes publics a identifié plus d’une soixantaine d’opérateurs et d’agences pouvant faire l’objet de fusion, de réorganisation, ou encore de mutualisations des moyens, selon un document de travail consulté par Public Sénat.
Guillaume Jacquot

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« L’État va faire du ménage dans son organisation. » C’est la promesse faite par la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, le 27 avril. Bercy espère engager d’ici la fin de l’année, dans le cadre de l’élaboration du budget 2026 et des prochains lois de finances, la suppression ou la fusion d’un tiers des opérateurs et agences de l’État. Cette réorganisation doit aboutir à une diminution de l’emploi public dans les organismes en question, qui regroupent 180 000 personnes. La cible d’économies projetées à horizon 2027 est une réduction de « 2 ou 3 milliards » d’euros des dépenses opérateurs et agences, soit 3,1 % à 4,7 % de leur budget total, un quantum d’économies supérieur à ce que le Sénat tente d’imposer chaque année en loi de finances.

Des rapprochements, des fusions, des réinternalisations voire des suppressions

Pour y parvenir, la ministre avait notamment évoqué le non-remplacement d’agents au moment de leur départ à la retraite. « On a plein de moyens sans faire dans la casse sociale ou dans la tronçonneuse », défendait le mois dernier Amélie de Montchalin, en précisant que les universités — qui font partie de la famille des opérateurs — seront exclues de ce travail de rationalisation.

Lors de son audition au Sénat mi-mai devant la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, la ministre a confirmé l’approche du gouvernement : pas de coup de « serpette ou de tronçonneuse », mais viser plus « d’efficacité ». L’audition avait été l’occasion pour la ministre des Comptes publics de préciser les différents leviers pour aboutir aux 2 à 3 milliards d’économies à terme. Bercy veut agir pour partie sur le fonctionnement des agences, procéder également à des « rapprochements et des fusions », ou à des « reministérialisations des politiques publiques », c’est-à-dire un retour des missions d’agences dans le giron des ministères. Amélie de Montchalin a également évoqué la possibilité de « suppressions » d’opérateurs, « sur des missions qui sont échues ».

Des travaux au niveau du gouvernement qui doivent aboutir à la mi-juin

Le gouvernement a déjà élaboré une revue des transformations possibles sur les plus de 800 opérateurs, agences et organismes qui agissent pour le compte de l’Etat. Ce travail fait toujours l’objet d’arbitrages et les plans ministériels doivent aboutir d’ici la mi-juin, précisait le 7 mai Laurent Marcangeli ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification. Depuis février, les ministres et les directeurs d’administration centrale sont chargés d’examiner les actions de leurs directions respectives.

Dans des documents, que Public Sénat a pu consulter, les services du gouvernement (Secrétariat général du gouvernement, Direction interministérielle de la Transformation publique, ou encore Direction du budget) ont formulé plusieurs propositions d’évolutions pour aboutir à des économies dans la sphère des opérateurs et des agences. Une soixantaine figurent sur la liste.

L’Agence bio, l’Institut national de la consommation ou encore Centre Inffo pourraient être concernés par « une fusion ou une cession »

Certains seraient ainsi promis à une « fusion ou cession », un volet qui concerne finalement peu d’agences dans le document de synthèse. C’est par exemple le cas de l’Agence française pour la promotion et le développement de l’agriculture biologique, plus connue sous le nom d’Agence Bio. Celle-ci était déjà menacée de disparition mi-janvier, à la faveur d’un vote du Sénat, contre lequel la ministre de l’Agriculture Annie Genevard ne s’était pas opposée. L’amendement n’a finalement pas été retenu dans la version finale de la loi de finances.

L’Institut national de la consommation (INC), qui fournit entre autres un appui technique aux associations de défense des consommateurs, figure aussi parmi les organismes qui pourraient être concernés par une « fusion ou une cession ». Face aux sénateurs le 15 mai, Amélie de Montchalin avait cité en exemple l’INC comme une structure pouvant être amenée à disparaître. Le document intergouvernemental évoque également dans cette l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité), qui garantit l’origine géographique et les labels des produits agricoles, ou encore Centre Inffo, qui délivre de l’information sur la formation, l’apprentissage et l’orientation professionnelles.

Des « rapprochements » envisagés pour des agences telles que l’Ademe, Santé Publique France ou encore FranceAgrimer

L’un des autres leviers d’action mobilisables pour générer des économies est celui des « rapprochements », Laurent Marcangeli a parlé de « mise en réseau ». Celui-ci est plus répandu que le précédent axe de travail. Là encore, le gouvernement a déjà identifié plusieurs opérateurs susceptibles de passer par cette étape. On y trouve par exemple l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et le Centre national d’études spatiales. Le sujet est ancien et remonte au moins aux années 90, ces deux organismes ont déjà noué des partenariats et des coopérations.

Les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique comprennent également une série d’opérateurs et d’agences qui apparaissent dans le champ des rapprochements envisageables. Les sigles sont bien connus des sénateurs et des collectivités territoriales : l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou encore l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Au ministère de l’Agriculture, figure FranceAgrimer comme entité pouvant être concernée par des rapprochements. Cet établissement public des produits de l’agriculture et de la mer, qui fonctionne avec plus de 1200 personnes (équivalent temps plein), est déjà le résultat d’une fusion de plusieurs organismes sectoriels en 2009. Actuellement, il est chargé de mettre en œuvre  les interventions publiques, et les aides européennes, d’animer les filières ou encore de suivre l’ensemble des marchés.

D’autres organes amenés à se rapprocher d’autres structures sont listés, dans le domaine de la recherche et l’enseignement supérieur : Campus France (établissement public chargé de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger) et l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger), ou encore Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV).

Les ministères sociaux ne sont pas en reste. Le gouvernement cite plusieurs organismes, tels que le Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), ou encore l’Office nationale d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (IVAM), et le FIVA (Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante). Santé publique France apparaît aussi dans la liste. Organe bien connu des Français depuis la crise sanitaire, aux missions « étendues » selon un rapport sénatorial, il agit aussi bien dans la surveillance épidémiologique, la veille sanitaire, que dans les actions de prévention.

Des agences promis à une « reministérialisation »

Dans les réformes possibles apparaissent aussi des reministérialisations. « Il faut aussi, je le pense, se poser la question de sa réinternalisation, car celle-ci peut permettre de renforcer la prise directe des autorités politiques sur ces opérateurs », déclarait le ministre Laurent Marcangeli début mai. 

Selon les propositions du document récapitulatif élaboré il y a plusieurs semaines, certains organismes et agences de premier plan pourraient ainsi réintégrer le giron de leurs ministères respectifs. C’est notamment le cas de l’Agence nationale du sport, du Réseau Canopé (le réseau de formation des enseignants) ou encore de l’Agence de services et de paiement (ASP), ce dernier étant le principal organisme payeur désigné pour gérer les deux fonds agricoles européens de la Politique agricole commune.

La liste des opérateurs et agences susceptibles d’évoluer dans les prochains comprend également une dizaine d’autres noms, sans que l’on sache très bien quel « levier de transformation » serait activé pour générer des économies. Ils apparaissent néanmoins dans la liste. C’est le cas de structures comme Business France, d’Atout France, de l’Agence nationale des titres sécurisés (France Titres), de l’Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) ou encore de petites structures, comme les médiateurs ou les délégués ministériels.

Les doutes de la rapporteure LR de la commission d’enquête du Sénat

On le voit, les organismes qui pourraient être fusionnés sont finalement moins nombreux que ceux qui pourraient être rapprochés d’autres organes aux missions voisines, ou simplement réinternalisés par leurs ministères. Le volume d’économies voulu par le gouvernement laisse d’ailleurs sceptique Christine Lavarde, la rapporteure de la commission d’enquête sur les opérateurs de l’Etat, conduite en parallèle du travail de rationalisation du gouvernement. La sénatrice LR des Hauts-de-Seine a du mal à voir comment l’Etat pourrait être au rendez-vous de la cible d’économies avec de simples mesures sur le fonctionnement. « Nous ne sommes pas certains d’arriver à un milliard d’économies […] On parle plutôt en millions d’euros d’économies », estimait-elle il y a quelques jours. Pour elle, ce sont les crédits d’intervention, autrement dit les politiques publiques portées par ces opérateurs, qui pourraient faire les frais des diminutions des enveloppes budgétaires.

Face à la ministre, Christine Lavarde avait appelé à porter un discours de vérité. « On va devoir remettre en cause des politiques publiques. C’est très différent dans le discours, car quand vous venez diminuer des crédits d’intervention, vous diminuez des interventions aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, je dis qu’il faut, avec honnêteté, l’annoncer, plutôt que laisser croire que c’est les structures et leur réorganisation qui permettent de générer 2 à 3 milliards », avait-elle réagi.

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