« Je ne veux pas que le gouvernement, ni le Parlement ne cèdent aux facilités du moment », avait tancé la semaine dernière Emmanuel Macron après une longue séquence marquée par plusieurs détricotages, au Parlement, du bilan d’Emmanuel Macron en matière d’écologie. En premier lieu, l’abrogation obtenue par la droite et l’extrême droite avec l’appui de certaines voix macronistes et de LFI, des zones à faibles émissions (ZFE), point fort de la loi climat et résilience de 2021, qui restreignent la circulation des véhicules très polluants.
La mesure figure dans le projet de loi de simplification adopté de justesse par les députés ce mardi. Malgré une division du camp gouvernemental, le texte a été adopté par 275 voix contre 252. La droite et l’alliance RN-ciottistes ont voté pour, comme le MoDem et Horizons. La gauche a massivement voté contre. Ce week-end, après une réunion de groupe, les députés Ensemble pour la République emmenée par Gabriel Attal avaient également annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte pointant « des régressions, en particulier sur l’écologie ».
Pour mémoire, la droite et le RN étaient aussi parvenus à faire reculer le « zéro artificialisation nette » (ZAN), dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols, en permettant aux collectivités de « dépasser jusqu’à 30 % » la limite de surfaces aménageables.
En votant contre, les députés Ensemble pour la République espèrent revenir à une version plus neutre, devant la commission mixte paritaire (CMP, sept députés et sept sénateurs) chargée de trouver un compromis. Du côté du Sénat, cela fait maintenant plusieurs années que la majorité de droite et du centre alerte sur le manque d’accompagnement au déploiement des ZFE, considérées comme trop abruptes, pour les automobilistes.
« Qu’on ne dise pas qu’on serait contre l’écologie »
« Une grande partie de nos concitoyens vont être pénalisés car ils ne pourront plus aller dans de grands centres urbains avec leur véhicule diesel. On restera sur notre positon en commission mixte paritaire », prévient la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Estrosi Sassone avant d’ajouter : « Dans une commission mixte paritaire, vous savez comment ça se passe. Si on veut aboutir, il faut faire des compromis. Mais aujourd’hui, nous n’avons pas de raison de nous dédire par rapport à ce qu’on a voté ».
Si la droite a reçu ces dernières années, une écoute attentive, voire un soutien de la part du gouvernement sur le régalien, la loi immigration ou encore celle sur le narcotrafic portent une large empreinte du groupe LR du Sénat, les relations se crispent lorsqu’il s’agit de la transition écologique. « Qu’on ne dise pas qu’on serait contre l’écologie. On a toujours été contre une écologie punitive, qui contraint nos concitoyens. Nous sommes en faveur d’une écologie de proposition, d’innovation. Mais là, ce ne sont que des contraintes que connaissent nos concitoyens en termes de pouvoir d’achat », explique la sénatrice.
« C’est compliqué d’entendre des ministres critiquer des textes qui viennent du Sénat »
Pas de quoi remettre en cause la participation du parti au gouvernement. « Ce n’est pas un scoop, il y a des divergences au socle commun. On a rejoint le gouvernement parce qu’il fallait un gouvernement. Après il faut mettre les formes. Il y a eu des mots malheureux. C’est compliqué d’entendre des ministres critiquer ouvertement des textes de loi qui viennent du Sénat », regrette l’ancienne Secrétaire d’Etat à la Consommation du gouvernement Barnier, Laurence Garnier (LR).
Une pierre dans le jardin de la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher qui a dénoncé au début du mois le cynisme » et « la démagogie » des députés ayant voté la suppression des ZFE. « Ils sont portés par une forme de lâcheté et de déni et que leur position est plutôt de fermer les yeux », a-t-elle fustigé dans l’émission « Questions politiques » sur France Inter, de France Télévisions et du « Monde ».
« Il faut que le gouvernement entende les sénateurs »
Le sénateur LR, Jean-Baptiste Blanc qui a porté la proposition de loi TRACE, (Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus locaux) adoptée au Sénat après un débat houleux, dénonce aussi « un problème de méthode » de la part du gouvernement. « On est souvent d’accord avec l’objectif, pas avec la méthode descendante, planificatrice qui tombe de Paris dans les territoires de manière uniforme, unilatérale et arbitraire ». « Il y a une urgence climatique bien entendu. Mais il faut nous prendre au sérieux. Sur le sujet du ZAN par exemple, j’en suis à 80 déplacements. Il faut que le gouvernement entende les sénateurs qui ne sont pas des réactionnaires, mais qui proposent une autre méthode. Dans un socle, il faut écouter tous ses partenaires. Et il me semble que nous ne sommes pas des partenaires négligeables », note-t-il.
Le président du groupe LR, Mathieu Darnaud compte lui aussi se faire entendre auprès de l’exécutif. Dans un courrier publié dans le Parisien, le patron des sénateurs LR demande au Premier ministre de revoir les modalités de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), trop défavorable, selon lui, au logement chauffé à l’électricité. « Dans le contexte actuel, où on a eu le sentiment qu’on allait remettre en cause MaPrimeRenov’, nous réaffirmons notre attachement au pouvoir d’achat », explique le sénateur à Public Sénat.
Face au mécontentement du secteur du bâtiment, le gouvernement a, en effet ; décidé de maintenir le dispositif d’aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’ pour les travaux isolés, tout en avertissant qu’il ne s’agirait pas « d’un puits sans fond illimité ».
« C’est un ‘stop and go’. Et il n’y a rien de pire si on veut décourager nos concitoyens de faire des travaux et laisser nos artisans dans l’immobilisme », appuie Dominique Estrosi Sassone.
Cette écologie « du bon sens » mise en avant par la droite consiste à « lever les contraintes sans pour autant s’affranchir de tout », résume-t-elle. Une écologie « compatible avec les valeurs de droite » que détaillait en 2021, le président de LR, Bruno Retailleau dans son livre, « Aurons-nous encore de la lumière en hiver ? » (ed. de l’Observatoire). « L’écologie vue par la droite ce n’est pas cette idéologie écologiste, cette forme de pensée dominante qui abdique toute forme de référence à la science, et qui se fonde sur une apparence de la vertu au détriment de la réalité », définissait, la semaine dernière, la présidente de la commission des lois du Sénat, Muriel Jourda.