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Energie : la proposition de loi Gremillet sème la zizanie entre macronistes et LR

A l’Assemblée nationale, les débats autour de la proposition de loi sénatoriale de programmation énergétique ont vu le « socle commun » se fissurer une nouvelle fois sur les questions environnementales. Un amendement LR adopté grâce aux voix du RN fixe un moratoire sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque. Un amendement qui devrait conduire à un rejet du texte mardi, lors du vote solennel, et gêner un peu plus le Premier ministre plus que jamais sous la menace d’une censure.
Simon Barbarit

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Vendredi, dans l’émission Parlement Hebdo, le député Ensemble pour La République, Pieyre-Alexandre Anglade, tirait une conclusion implacable des débats sur la proposition de loi de programmation énergétique. Dans un hémicycle clairsemé, le texte du sénateur LR Daniel Gremillet, adopté en octobre par la chambre haute, était sérieusement modifié. Un amendement déposé par le groupe LR de Laurent Wauquiez, adopté grâce aux voix du RN, impose un moratoire immédiat sur toute nouvelle installations éoliennes et photovoltaïques. Deux jours plus tôt, le Rassemblement national avait adopté un amendement, techniquement et financièrement irréalisable, consistant à réouvrir la plus vieille centrale nucléaire française, Fessenheim.

Socle commun LR-RN-UDR

« Quand on voit des députés du Rassemblement national exulter avec des députés LR sur des reculs environnementaux, je trouve ça inacceptable et honteux », a condamné Pieyre-Alexandre Anglade, estimant que le socle commun était plutôt entre le Rassemblement national et Les Républicains avec le trait d’union qui s’appelle UDR. Il y a plus de choses qui nous séparent avec LR qui nous rassemblent aujourd’hui », a-t-il tancé.

« Il faut se garder ce genre de déclarations en ce moment, c’est assez maladroit », regrette la sénatrice Modem, Isabelle Florennes. « Ça ne m’étonne pas que des propositions de lois qui trouvent un accord au Sénat soient des sujets de tensions à l’Assemblée où il n’y a pas de majorité. On sait très bien que le RN fait de l’énergie un cheval de bataille pour faire du populisme local. Donc, forcément, les débats leur donnent de l’écho », analyse-t-elle.

Quelques jours plus tôt, les députés de droite et du RN étaient aussi parvenus à supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) et à faire reculer le « zéro artificialisation nette » (ZAN), dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols, dans le cadre du projet de loi simplification adopté de justesse par 275 voix contre 252. Le président du groupe EPR Gabriel Attal avait pourtant enjoint les députés macronistes à voter contre, pointant « des régressions, en particulier sur l’écologie ». Mais l’appel de l’ancien Premier ministre avait été partiellement suivi, 14 députés EPR s’étaient abstenus et 8 avaient voté pour.

Alors que se tient, mardi, le vote solennel sur la proposition de loi Gremillet, le patron des députés Modem, Marc Fesneau a annoncé que son groupe votera contre. « L’équilibre économique a laissé place à une véritable chimère énergétique », a-t-il justifié. Marc Fesneau a lui aussi pointé le manque de « solidarité » de la droite et son absence de « ligne cohérente » sur ce texte. « La loyauté, elle doit être réciproque, sinon ce bloc ne tient plus », a-t-il estimé. Les groupes Horizons et EPR devraient aussi voter contre, ce qui laisse peu de chances de voir la proposition de loi amendée.

« Des députés de notre parti ont fait n’importe quoi avec son texte »

« Je ne vois pas comment on pourrait éviter que ce texte soit rejeté. Nous préférerions qu’il soit adopté car Daniel Gremillet a travaillé avec le rapporteur à l’Assemblée, Antoine Armand pour revenir aux versions des articles 3 et 5 sur la relance du nucléaire qui nous convenaient », indique la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Estrosi Sassone (LR). Quant à l’amendement du député de l’Orne Jérôme Nury (LR), fixant un moratoire sur les énergies renouvelables, la sénatrice botte en touche et estime qu’il est « complexe » de comprendre le jeu politique de l’Assemblée. « Je sais que Daniel Gremillet n’est pas content de voir que des députés de notre parti ont fait n’importe quoi avec son texte qui était équilibré », confie un sénateur LR.

Pour mémoire, dans la version adoptée par le Sénat, la proposition de loi ciblait 60 % de nucléaire dans le mix électrique d’ici 2030, et 50 % à horizon 2050, correspondant à une mise en service de 14 nouveaux EPR 2. Côté énergies renouvelables, la majorité sénatoriale de droite avait abaissé l’objectif de 40 % à 33 % du mix électrique, alors que le seuil fixé par la directive européenne RED III est de 44 %.

Interrogé sur son texte par par publicsenat.fr, la semaine dernière avant le vote à l’Assemblée nationale, Daniel Gremillet rappelait l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 en faisant « cohabiter une énergie accessible à nos concitoyens et pouvoir maintenir des emplois et de l’économie ». Nous n’avons pas réussi à joindre Daniel Gremillet ce lundi.

Le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard considère, lui, que « Les Républicains se sont associés avec le RN pour une politique de décroissance des énergies renouvelables ». « Si le texte était adopté tel quel, bon nombre d’entreprises des secteurs des énergies photovoltaïques et éoliens seraient directement touchées ». La semaine dernière, France renouvelables, qui représente 360 professionnels du secteur, avait dénoncé un amendement représentant « un des plus grands plans sociaux décidés à l’Assemblée ».

Du côté du RN, on rejette toute alliance avec Les Républicains « même s’il y a quelques courageux dans leurs rangs qui votent avec nous », souligne Joshua Hochart. Le sénateur RN du Nord souligne que « seuls quatre députés LR ont voté l’amendement sur le moratoire et un seul a participé au vote sur la réouverture de Fessenheim pour s’abstenir. On redéposera ces amendements au Sénat en deuxième lecture et on verra le vrai courage de LR », prévient-il.

Cet imbroglio autour d’un texte sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) met un peu plus de pression sur le Premier ministre déjà fragilisé sur le dossier des retraites. Même en cas d’échec du conclave, le retour de la réforme de 2023 au Parlement faisait partie du pacte de non-censure avec les socialistes, ce que François Bayrou ne semble plus prêt à accepter.

« Le Premier ministre cumule les indicateurs pour être censuré »

La loi Energie – Climat de 2019 prévoyait un nouveau texte pour la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2025-2035. Mais avec une majorité déjà relative à l’Assemblée nationale en 2022, puis disparue en 2024 avec la dissolution, les gouvernements successifs préféraient miser sur une révision de cette programmation par décret. C’était sans compter sur la droite et le Rassemblement national qui n’ont cessé de faire pression pour que le débat se tienne au Parlement. En l’absence de projet de loi émanant du gouvernement, la majorité sénatoriale avait pris l’initiative à l’automne en adoptant la proposition de loi Gremillet. Souhaitant faire de l’avenir énergétique de la France l’un de ses marqueurs, le RN ne cesse de laisser planer la menace d’une censure en l’absence de vote de la PPE par le Parlement. La publication du décret a finalement été décalée à la rentrée, mais la navette parlementaire ne sera peut-être pas terminée. Un décret qui ne reprendrait pas les propositions du RN pourrait sonner la fin du gouvernement Bayrou. « Le Premier ministre cumule les indicateurs pour être censuré », constate Joshua Hochart. La question est de savoir si cette censure interviendra avant l’examen du budget.

 

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