La fin d’un fief RN ? « Il y a sur ce territoire une nécessité également de lutter contre toute atteinte à la probité » martelait Pierre Couttenier, procureur de la République de Draguignan. L’origine du dossier remonte à 2017. Trois ans après son élection à la mairie de Fréjus en 2014, David Rachline est nommé à la présidence de deux sociétés d’économie mixte locales : Fréjus Aménagement et la Gestion du port de Fréjus. Ces mandats, cumulés à sa fonction de maire, lui auraient permis de percevoir environ 1 000 euros par mois supplémentaires. La justice reproche à l’élu varois d’avoir participé, entre 2017 et 2020, aux délibérations municipales validant ses propres nominations, souvent à main levée, alors qu’il aurait dû se retirer. Saisie par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la justice avait ouvert une enquête en 2021, classée sans suite en 2023. Mais à l’automne, le procureur de Draguignan, Pierre Couttenier, fraîchement nommé, a décidé de rouvrir le dossier, estimant que la première enquête n’avait examiné que la question financière, et non le rôle de l’élu dans les délibérations municipales. « Je n’ai jamais voulu faire de pression particulière », s’est-il défendu ce matin lors de sa comparution au tribunal. Le maire de Fréjus a expliqué s’être reposé sur le directeur des services pour l’alerter lorsqu’il devait quitter la salle. « Tout est public, il n’y a rien de caché », a-t-il ajouté, affirmant avoir toujours agi « uniquement dans l’intérêt de Fréjus ».
Un an d’inéligibilité requis
Ce matin à l’audience, le procureur a requis une amende de 30 000 euros, dont 20 000 avec sursis, l’affichage de la condamnation en mairie, ainsi qu’une peine d’inéligibilité d’un an, éventuellement assortie du sursis et sans exécution provisoire. Une amende ferme de 10 000 euros a aussi été évoquée « Je ne vous mets pas en cause pour un enrichissement personnel dans cette affaire, mais la déontologie, ça ne se délègue pas. » a martelé Pierre Couttenier lors de l’audience.
Une ascension rapide au sein du RN
À seulement 37 ans, David Rachline a déjà derrière lui plus de vingt ans de carrière militante. Figure montante du parti depuis son entrée au Front national à 16 ans, il gravit rapidement les échelons : conseiller municipal à 20 ans, maire et sénateur à 26 ans, directeur du Front national de la jeunesse, puis directeur de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017. En 2022, il est nommé deuxième vice-président du Rassemblement national, consacrant sa place parmi les cadres du parti.
Sous ses deux mandats municipaux de 2014 à aujourd’hui, la ville de Fréjus, station balnéaire de 57 000 habitants, est devenue une vitrine politique du RN. Le parti y a régulièrement organisé ses rentrées politiques, mettant en avant la gestion municipale de l’élu comme un exemple de « bonne administration locale » destinée à crédibiliser son projet national.
Une enquête journalistique
Parallèlement au procès en cours, David Rachline est fragilisé par un autre dossier. En 2023, la journaliste Camille Vigogne Le Coat publie « Les Rapaces », un livre dans lequel elle met en cause la gestion municipale de l’élu. La journaliste pointe des liquidités abondantes circulant autour du maire. C’est en s’intéressant notamment à l’achat en liquide d’une de ses montres d’une valeur de 15 000 euros, au nom de son chauffeur, que la journaliste raconte avoir découvert le train de vie luxueux du maire varois. Ces révélations ont entraîné l’ouverture d’une enquête distincte, avec des perquisitions menées notamment à la mairie de Fréjus en mars 2024. David Rachline dément catégoriquement ces accusations, qu’il qualifie de « pures inventions », et a porté plainte contre l’auteure.
Un bastion politique ébranlé
Proche de Marine Le Pen, qui le décrivait encore en 2022 comme son « meilleur ami », David Rachline est aujourd’hui le grand absent des rendez-vous du Rassemblement national. Ses démêlés judiciaires pèsent sur son image et l’éloignent de la scène nationale. Dans le Var, une autre élue RN occupe désormais le devant de la scène, la députée Laure Lavalette, présentée comme la nouvelle vitrine du parti dans le département. Pour le RN, qui cherche à démontrer sa capacité à gérer des collectivités de manière irréprochable, l’affaire Rachline constitue un contretemps embarrassant. Elle rappelle également que Fréjus, longtemps vitrine du lepénisme municipal, reste une ville marquée par les affaires. Son prédécesseur Élie Brun, a lui‑même été confronté à la justice pour prise illégale d’intérêt.
La décision du tribunal sera rendue le 27 janvier à 08 h 45, soit deux mois avant les municipales. Une affaire qui pourrait fragiliser son avenir politique à l’approche des municipales de mars 2025, où il espère décrocher un troisième mandat.