Paris: sFin rencontre Olivier Faure du PS et Sebastien Lecornu Premier ministre demissionnaire
ISA HARSIN/SIPA

Les socialistes partagés sur la censure du gouvernement Lecornu : « Demain, ça passe ou ça casse »

Alors que Sébastien Lecornu tient sa déclaration de politique générale ce mardi, la survie de son gouvernement est déjà en jeu. Les regards se tournent vers le PS, qui va décider s’il le censure ou non. Le parti d’Olivier Faure se retrouve en réalité divisé, entre les « censeurs compulsifs » et ceux prêts à la non-censure, à condition que les avancées soient suffisantes, à commencer par la suspension de la réforme des retraites.
François Vignal

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La scène se passe à l’heure du déjeuner, dans un restaurant parisien, proche des ministères, où journalistes et politiques ont leurs habitudes pour échanger « off the record », pour dépasser la communication et le récit officiel. Un responsable socialiste croise un cadre des LR. « Vous avez eu la bonne idée de ne pas entrer au gouvernement », lance le premier au second, avant d’ajouter dans un sourire : « Je suggère aux ministres de ne pas trop décorer leur bureau trop vite… »

Ce socialiste rieur évoque évidemment la possibilité que le gouvernement Lecornu II, tout juste nommé dimanche soir, tombe à peine après avoir pris son envol, victime d’une motion de censure. Et à ce petit jeu, tous les regards se tournent à nouveau sur les socialistes. Car c’est encore le PS qui a la clef. De leur décision de voter ou non la censure dépend le sort du gouvernement. Et inversement, charge au premier ministre de montrer qu’il est en capacité de les entendre.

Les socialistes ne veulent pas transiger sur la suspension de la réforme des retraites

Si beaucoup d’incertitudes demeurent, une chose est sûre : on en saura plus, demain mardi, suite à la déclaration de politique générale (DPG) de Sébastien Lecornu. « Les socialistes prendront leur décision après le discours du premier ministre. Et si d’aventure les actes ne suivent pas, la censure demeurera », a prévenu le numéro 1 du PS, Olivier Faure, dans La Tribune dimanche. Si les demandes du PS sont multiples, un point concentre ces derniers jours les crispations, c’est la réforme des retraites. « Nous demandons la suspension intégrale de la réforme des retraites. C’est-à-dire à la fois sur la mesure de l’âge légal et sur l’accélération de la réforme Touraine », a cadré dans Libération Boris Vallaud, à la tête du groupe des députés PS, qui compte 69 membres. Un point sur lequel les socialistes ne sont pas prêts à transiger.

Point important pour comprendre les rapports de force : si LFI, Ecologistes, PCF et RN votent la motion de censure des Insoumis, dont le débat devrait intervenir mercredi en fin de journée, il manque 24 voix pour faire tomber le gouvernement (lire notre article sur les différentes hypothèses).

« Avoir le terme clair de suspension de la réforme des retraites lors de la DPG »

Chez les socialistes, on met la pression. « Lors de notre bureau national extraordinaire de vendredi dernier, nous avons acté trois exigences : avoir le terme clair de suspension de la réforme des retraites lors de la DPG, avoir une mesure de justice fiscale sur la taxation des très hauts patrimoines au-dessus de 100 millions d’euros, et une mesure de justice sociale, c’est-à-dire de hausse du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes », résume la députée et porte-parole du PS, Dieynaba Diop.

Face à ce « vaudeville », les socialistes veulent « de vrais gages de rupture », lance la députée des Yvelines, qui ajoute :

 Si nous avons nos trois exigences satisfaites, ça voudra dire que nous ne censurerons pas à l’issue de la DPG. Par contre, on se réserve le droit d’avoir le débat budgétaire et en fonction, nous verrons si nous censurons ou pas. 

Dieynaba Diop, députée des Yvelines, porte-parole du PS.

« Sébastien Lecornu nous a écoutés »

Alors que le PS avait retrouvé son unité, depuis son université d’été à Blois fin août, reste qu’on sent – comme souvent chez les socialistes – que deux lignes s’affrontent en réalité en interne. Car certains sont plus enclins à souligner les pas faits vers eux par Sébastien Lecornu, à l’image du président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, même si tout doit être encore précisé et confirmé. « Sébastien Lecornu nous a écoutés et entendus, durant nos 7 heures de réunions, sur plusieurs points : l’abandon du 49.3, l’assouplissement de l’effort budgétaire, avec un déficit à un peu moins de 5 %, soit 7-8 milliards d’euros de marges de manœuvre, c’est important. Nous, on a demandé 5 % je rappelle ». Et si les mesures de justice fiscales « ne vont pas assez loin », le sénateur du Nord relève « la reconduction de l’impôt exceptionnel sur les grandes sociétés, celui sur les hauts revenus, la nouvelle taxe antioptimisation fiscale sur les holdings. Il y a aussi le levier de la flat taxe, la taxe sur les superdividentes ». Dans sa liste de courses, il « n’oublie pas un grand plan de relance » ou même « l’arrêt de la navette sur le texte Dati sur l’audiovisuel public ». Mais reste « une très grande interrogation sur les retraites », regrette Patrick Kanner.

« Si on a des engagements précis demain, la censure peut ne pas être automatique », assure l’ancien ministre. Tout dépendra de la teneur du discours de Sébastien Lecornu ce mardi, à 15 heures. « Demain, à la déclaration de politique générale, ça passe ou ça casse », résume le président du groupe PS du Sénat. Mais pour Patrick Kanner, « demain, ce n’est que la DPG, ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la politique du gouvernement. Il faut qu’il puisse nous convaincre ».

« S’il y a ce qu’il faut, alors il n’y a pas de raison de censurer »

« S’il y a ce qu’il faut, alors il n’y a pas de raison de censurer. Au contraire, il y aura un débat gigantesque », va dans le même sens le sénateur PS Rachid Temal, qui avait soutenu lors du congrès du PS Nicolas Mayer Rossignol, tout comme Patrick Kanner. Il renvoie « la responsabilité aujourd’hui sur la plume du premier ministre reconduit ». Alors faut-il être prêt à un deal ? « Quand on négocie, à un moment donné, il faut savoir arrêter une négociation », a souligné vendredi dernier le député PS Jérôme Guedj, sur BFMTV…

D’autres sont en réalité beaucoup moins ouverts. « Il y a une voie étroite (pour la non-censure), mais elle est vraiment très très étroite », soutient ainsi le député PS Arthur Delaporte, autre porte-parole du PS, qui estime que « le compte est loin d’y être ». « Arthur fait partie des 3-4 députés très remontés. Mais il est très minoritaire », minimise un de ses camarades socialistes…

« Le groupe est divisé »

En réalité, les députés PS sont bel et bien divisés. Un député décrit un groupe où il faut « composer avec des gens, qui sont des censeurs compulsifs, et d’autres qui sont plus prêts à la non-censure ». Mais selon le socialiste qu’on interroge, la vision du rapport de force diverge. « Le groupe est divisé entre un tiers sur la non-censure, un tiers sur la censure, un tiers qui peut basculer d’un côté ou de l’autre », estime un cadre du groupe PS, bon connaisseur du parti.

Un autre député donne plutôt « deux tiers pour la censure si pas de suspension immédiate sur les retraites, contre un tiers pour la non-censure ». Le même assure que la renomination de Lecornu a fini d’exaspérer les plus calmes. « Ils sont remontés comme des coucous » lâche le même. « Il y a 90 % de chances qu’il y ait une censure. Apparemment, ce ne serait qu’une suspension partielle », lâche même un sénateur PS pro Olivier Faure.

« La motion d’Olivier Faure est très pro censure, celle de Nicolas Mayer-Rossignol très anti-censure et celle de Boris Vallaud n’est pas pour la censure mais ils sont très exigeants »

Autre lecture pour mieux comprendre les rapports de force internes, celle selon les textes d’orientation, c’est-à-dire les anciennes motions. « La motion d’Olivier Faure est très pro censure. Celle de Nicolas Mayer-Rossignol très anti-censure et celle de Boris Vallaud n’est pas pour la censure, car chacun mesure la situation, mais ils sont très exigeants. C’est la motion charnière », décrypte un député socialiste avisé.

Le PS est censé décider de sa position à l’occasion d’un bureau national (BN) et d’une réunion de groupe des députés PS. Mais en fin de journée, une nouvelle tombe : « Le BN est avancé à 13 heures, au lieu de 18h30 », écrit un membre de la direction. Soit avant la DPG. Le même y voit une volonté de décider avant le discours le dépôt d’une motion PS – car les socialistes « ne voteront pas la motion LFI » mercredi soir – soit le vote de celle des écologistes. Peut-être un signe de plus vers la censure. Mais un autre BN post-DPG n’est cependant pas exclu.

« Même les ados, on arrive à négocier avec eux »

Ce lundi, chacun y va de sa boule de Crystal. « Ça va se jouer à 10-15 voix. Comme je suis joueur, je mets une pièce sur non-censure. Il faut toujours acheter à la baisse », sourit un parlementaire socialiste. Un autre mise au contraire sur la censure, croyant savoir que les éléments qu’aurait reçus officieusement Olivier Faure ne pousseraient pas à l’optimisme. Si tout capote et que le PS fait tomber Lecornu, un député rappelle que la responsabilité reviendra à Emmanuel Macron, qui n’aura pas été prêt à lâcher : « C’est un dingue. Même les ados, on arrive à négocier avec eux ».

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