retrait des billets de banque dans un distributeur
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Directive européenne : Non, les découverts bancaires ne seront pas « interdits » en 2026

Une directive européenne transposée en droit français par une ordonnance sur les règles de découverts bancaires suscite la polémique et l’inquiétude au point de conduire le ministre de l’Economie, Roland Lescure à réunir les acteurs du secteur bancaire et des représentants de consommateurs à Bercy, cet après-midi.
Simon Barbarit

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Depuis la fin de la semaine dernière, les élus LFI alertent sur le changement des règles d’attribution des découverts bancaires en 2026. La députée LFI, Clémence Guetté a même lancé une pétition contre « l’interdiction des découverts bancaires » qui a rassemblé plus de 50 000 signatures à ce jour.

A droite aussi on s’émeut de la nouvelle réglementation. « L’Union européenne ne trouve rien de mieux à faire que d’interdire les découverts bancaires automatiques. Nouvelle aberration alors que de nombreux Français n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois », a écrit sur X le 29 octobre, le patron des députés LR, Laurent Wauquiez.

Face à la polémique montante, Roland Lescure, le ministre de l’économie a réuni des acteurs du secteur bancaire et des représentants de consommateurs à Bercy mardi après-midi afin de les « rassurer ».

Directive « soutenue par tous les parlementaires français »

Une directive européenne relative aux contrats de crédit aux consommateurs, adoptée par l’Union européenne le 18 octobre 2023 est au cœur de cette polémique. Son objectif est pourtant de protéger les consommateurs européens du surendettement par une harmonisation des normes, notamment celle sur le crédit immobilier issue d’une directive de 2014 et transposée en droit français en 2016. Au Parlement européen, la quasi-totalité des 79 eurodéputés français, LFI, RN, Renaissance, LR… ont voté pour. « Ce texte a été soutenu par tous les parlementaires français […] La vraie question n’est pas dans cette directive, mais dans la transposition par les autorités nationales », a expliqué l’eurodéputé LR, François-Xavier Bellamy dans la matinale de Public Sénat. Il dénonce « la surtransposition » de cette directive qui rajoute « une couche de complexité supplémentaire ».

Les crédits de 200 euros et moins exclus des crédits à la consommation

En avril 2025, le Parlement a habilité le gouvernement à transposer cette directive par ordonnance. L’ordonnance a été publiée au Journal officiel en septembre dernier. Elle doit être ratifiée prochainement. A partir du 20 novembre 2026, les banques auront l’obligation de faire une analyse de solvabilité pour tous les découverts inférieurs à 200 euros et de moins d’un mois. Ce qui pourrait conduire à refuser des découverts à certains clients aux revenus trop faibles ou surendettés. Dans le droit actuel, les crédits de 200 euros et moins sont exclus des crédits à la consommation. Les crédits à la consommation seront désormais compris entre 1 à 100 000 euros.

Pour autant, se dirige-t-on vers un durcissement des conditions de découvert ? Laurent Denis, avocat au barreau de Versailles et spécialiste du droit bancaire s’inscrit en faux « contre l’instrumentalisation politique » faite autour de cette directive. « C’est assez français en fin de compte. Vous avez un mépris des parlementaires pour les sujets bancaires. Ils ne se sont pas intéressés au processus démocratique qui s’est déroulé pendant des années à Bruxelles. Ils se réveillent une fois la directive adoptée. Et j’entends des termes qui n’ont aucun rapport avec ce que contient le texte qui est quand même là pour protéger les consommateurs ».

« Il n’existe pas de droit au crédit »

Laurent Denis rappelle tout d’abord qu’il « n’existe pas de droit au crédit qui serait ici arraché aux Français ». « Ce qui va changer en 2026, c’est que les découverts vont entrer dans le régime du crédit à la consommation. Ça va donner un peu plus de travail aux banques, qui devront faire preuve de plus de formalisme et de transparence auprès de leurs clients. L’exclusion des sommes de 200 euros et moins du régime des crédits à la consommation provenait d’une directive précédente de 2008 et de sa transposition en 2010. Il s’agissait sans doute d’une demande des banques car, moins d’obligations de protection des consommateurs correspondent à moins de charges et moins de risques. Notons que dans la nouvelle réglementation, les définitions d’autorisation et de dépassement de découvert ne changent absolument pas ».

Pourquoi les banques n’ont pas intérêt à interdire les découverts ?

Les banques n’ont pas intérêt à limiter les découverts car en contrepartie, le client doit payer à sa banque des intérêts, sources non négligeables de revenus pour ces établissements. « C’est ce qu’on appelle le commerce bancaire. Les banques gagnent de l’argent en prêtant. Pour cela, elles font une analyse de la solvabilité de leurs clients, en examinant les revenus, les charges et leurs historiques de comptes. Les banques ne vont pas se priver des petits découverts qui représentent des sommes énormes. En 2025, le taux d’usure était de 23,49 % pour les sommes de moins de 3 000 euros », explique l’avocat.

Du côté des banques, c’est la création de nouvelles normes dans un secteur où il en existe déjà beaucoup qui est ici dans leur viseur. Daniel Baal président de la Fédération bancaire française et du Crédit Mutuel a notamment estimé que ce durcissement des règles « compliquera la vie de nombreux ménages ».

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