Pour informer, elle a échappé à la mort une bonne douzaine de fois. Aujourd’hui, elle revient sur les moments qui ont marqué sa carrière dans un livre, Maman s’en va t’en guerre(ed.du Rocher). Sa condition de femme reporter de guerre dans un milieu historiquement masculin, sa volonté de concilier métier et maternité ou ses combats féministes ; la reporter de guerre Dorothée Olliéric se raconte au micro de Rebecca Fitoussi, cette semaine, dans « Un monde, un regard ».
Angelina Bruno : « mes proches m’ont vu comme une handicapée, pour moi j’étais une survivante »
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Prudence ? Sagesse ? Eloquence ? Justice ? Si Angelina Bruno devait choisir l’une des quatre vertus du dôme Tournon, elle retiendrait la sagesse. « C’est ce à quoi je tends de plus en plus », souffle-t-elle en souriant. Une vertu à son image. Derrière sa bonne humeur pétillante, Angelina Bruno tire de son histoire personnelle une sagesse désarmante.
À 17 ans, elle manque de mourir dans un accident de voiture, qui la laisse amputée d’un bras. Passé le choc, Angelina Bruno ressent surtout un sentiment de soulagement, qui contraste avec le regard de ses proches dans sa chambre d’hôpital. A commencer par les remarques de sa mère qui lui lâche : « Qui va vouloir de toi arrangée comme ça maintenant ? », ou le conseil douloureux d’un médecin : « il faut envisager une vie différente ».
Pour elle l’essentiel est ce qui lui reste. « Ils me voyaient comme une handicapée, moi je me voyais comme une survivante », raconte Angelina Bruno. La dureté du regard des autres ne la décontenance pas. « Si je devais donner un conseil à la petite fille que j’étais, je lui dirais que sa vie va être incroyable, qu’elle doit garder espoir. La vie peut nous réparer plus tard ».
Le hip-hop pour thérapie
Ce qui répare Angelina Bruno, c’est le hip-hop. Son visage s’illumine quand elle évoque son amour pour cette discipline, découverte à l’âge de 18 ans, en pleine perte de repères. « Autour de moi, toutes mes copines étaient heureuses et parlaient de leur futur. Moi je ne savais plus dormir ni ouvrir mon plumier. Je n’avais pas d’espace pour sortir ma douleur », se souvient-elle. Le hip hop le lui offre : « Il se passe un truc dans mon corps. C’est une danse tonique. À ce moment-là toute la colère je peux la sortir, de manière détournée, sans y mettre de mots. » Dans cet art où « tous les corps sont les bienvenus.
En ouverture des jeux paralympiques
Danseuse, son handicap devient une force pour se démarquer des danseurs valides. Comme lors du casting pour intégrer la tournée du rappeur Black M. « Un ami m’a dit : Tu n’as pas quelque chose de moins, tu as un truc en plus, donc tu vas attirer le regard. C’est une chance, fais-en une force. Au départ, je cachais mon bras. Au bout d’un moment, je me suis dit : il mérite d’exister. »
En août 2024, sa prestation lors de la cérémonie d’ouverture des jeux paralympiques, aux côtés du chanteur Lucky Love, est saluée. « J’ai reçu énormément de messages de gens touchés par ce moment », se remémore-t-elle. « Un geste vaut des milliers de mots”, se félicite Angelina Bruno.
« Les Jeux paralympiques ont un impact et peuvent changer notre regard sur le handicap », avance-t-elle. Avant de tempérer son enthousiasme. « J’ai un problème avec le terme de superhéros et l’injonction de devoir se surpasser pour arriver au même niveau que quelqu’un de valide. Oui je suis devenue danseuse mais si mon rêve c’était de devenir caissière, ce qui a un bras et demi n’est pas facile non plus, ça devrait être aussi mis en lumière. »
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