Angelina Bruno : « mes proches m’ont vu comme une handicapée, pour moi j’étais une survivante »

En août 2024, elle a dansé aux côtés de l’artiste Lucky love, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Paris. Avant ça, elle a intégré la tournée du rappeur Black M. Rescapée d’un accident de la route et amputée d'un bras, la culture hip hop lui a offert une renaissance. Le regard sur les personnes en situation de handicap, le pouvoir réparateur de la danse pour se reconstruire sont autant de sujets qu’elle évoque dans un livre, Danser pour survivre (éd du Rocher). Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit la danseuse Angelina Bruno dans l’émission « Un monde, un regard ».
Agathe Alabouvette

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Prudence ? Sagesse ? Eloquence ? Justice ? Si Angelina Bruno devait choisir l’une des quatre vertus du dôme Tournon, elle retiendrait la sagesse. « C’est ce à quoi je tends de plus en plus », souffle-t-elle en souriant. Une vertu à son image. Derrière sa bonne humeur pétillante, Angelina Bruno tire de son histoire personnelle une sagesse désarmante.

À 17 ans, elle manque de mourir dans un accident de voiture, qui la laisse amputée d’un bras. Passé le choc, Angelina Bruno ressent surtout un sentiment de soulagement, qui contraste avec le regard de ses proches dans sa chambre d’hôpital. A commencer par les remarques de sa mère qui lui lâche : « Qui va vouloir de toi arrangée comme ça maintenant ? », ou le conseil douloureux d’un médecin : « il faut envisager une vie différente ».

Pour elle l’essentiel est ce qui lui reste. « Ils me voyaient comme une handicapée, moi je me voyais comme une survivante », raconte Angelina Bruno. La dureté du regard des autres ne la décontenance pas. « Si je devais donner un conseil à la petite fille que j’étais, je lui dirais que sa vie va être incroyable, qu’elle doit garder espoir. La vie peut nous réparer plus tard ».

Le hip-hop pour thérapie 

Ce qui répare Angelina Bruno, c’est le hip-hop. Son visage s’illumine quand elle évoque son amour pour cette discipline, découverte à l’âge de 18 ans, en pleine perte de repères. « Autour de moi, toutes mes copines étaient heureuses et parlaient de leur futur. Moi je ne savais plus dormir ni ouvrir mon plumier. Je n’avais pas d’espace pour sortir ma douleur », se souvient-elle. Le hip hop le lui offre : « Il se passe un truc dans mon corps. C’est une danse tonique. À ce moment-là toute la colère je peux la sortir, de manière détournée, sans y mettre de mots. »  Dans cet art où « tous les corps sont les bienvenus.

En ouverture des jeux paralympiques 

Danseuse, son handicap devient une force pour se démarquer des danseurs valides. Comme lors du casting pour intégrer la tournée du rappeur Black M.  « Un ami m’a dit : Tu n’as pas quelque chose de moins, tu as un truc en plus, donc tu vas attirer le regard. C’est une chance, fais-en une force. Au départ, je cachais mon bras. Au bout d’un moment, je me suis dit : il mérite d’exister. »

En août 2024, sa prestation lors de la cérémonie d’ouverture des jeux paralympiques, aux côtés du chanteur Lucky Love, est saluée. « J’ai reçu énormément de messages de gens touchés par ce moment », se remémore-t-elle. « Un geste vaut des milliers de mots », se félicite Angelina Bruno.

« Les Jeux paralympiques ont un impact et peuvent changer notre regard sur le handicap », avance-t-elle. Avant de tempérer son enthousiasme. « J’ai un problème avec le terme de superhéros et l’injonction de devoir se surpasser pour arriver au même niveau que quelqu’un de valide. Oui je suis devenue danseuse mais si mon rêve c’était de devenir caissière, ce qui a un bras et demi n’est pas facile non plus, ça devrait être aussi mis en lumière. »

Partager cet article

Dans la même thématique

Angelina Bruno : « mes proches m’ont vu comme une handicapée, pour moi j’étais une survivante »
7min

Culture

Affaire Legrand-Cohen : « La thèse du complot, ne tient guère », défend Sibyle Veil, la patronne de Radio France, devant le Sénat

Auditionnée par la commission de la Culture du Sénat ce mercredi 8 octobre, Sibyle Veil, la directrice générale de Radio France, est longuement revenue sur l’affaire Thomas Legrand - Patrick Cohen et les attaques pour partialité dont le service public est la cible depuis plusieurs mois. Face à elle, plusieurs sénateurs LR ont évoqué une forme de connivence stratégique entre la radio France Inter et le Parti socialiste.

Le

Angelina Bruno : « mes proches m’ont vu comme une handicapée, pour moi j’étais une survivante »
6min

Culture

France Télévisions : finances, affaire Legrand-Cohen, CNews… Delphine Ernotte Cunci sur le grill des sénateurs

Auditionné mardi 7 octobre au Sénat dans un contexte de fortes turbulences pour l’audiovisuel public, Delphine Ernotte Cunci, la présidente de France Télévisions, s’est défendue des accusations de partialité. Elle a également fait valoir les efforts budgétaires mis en place sous sa direction alors que les finances de l’entreprise ont été épinglées par un récent rapport de la Cour des comptes.

Le

Angelina Bruno : « mes proches m’ont vu comme une handicapée, pour moi j’étais une survivante »
3min

Culture

« Redonner le goût de la vie aux plus d’enfants et adolescents possible », le combat d’Isabelle Carré 

Actrice emblématique du théâtre et du cinéma français, Isabelle Carré s’est imposée par sa sensibilité et son engagement auprès de la jeunesse. Récompensée en 2003 par le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Se Souvenir des belles choses, la comédienne poursuit une carrière exigeante entre écriture et représentations. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, un regard, elle revient sur son parcours et ses combats personnels.

Le

12min

Culture

Polémique Legrand-Cohen...Cnews...Réseaux sociaux : revivez l’audition du président de l’Arcom au Sénat

Suivez notre live sur l’audition de Martin Ajdari, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), ce mercredi 1er octobre. Ce responsable est entendu par le Sénat dans un contexte de fortes turbulences, entre la crise financière que traverse France Télévisions et le bras de fer qui s’est engagé entre l’audiovisuel public et les médias privés du groupe Bolloré.

Le