Attaques du 7 octobre : pour Joann Sfar dessiner c’est échapper à « l’horreur de la photographie »

Plus qu’un dessinateur, un romancier, ou un réalisateur, c’est un véritable philosophe. Sa plume ne compose pas d’essais, ne rédige pas de traités, mais elle dessine avec talent, la complexité des vies humaines - leur beauté, mais aussi toute leur violence. Un artiste qui n’a pas hésité à s’engager après les attaques du 7 octobre en Israël, ne cédant ni à l’obscurantisme ni à la haine de l’Autre. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Joann Sfar dans l’émission d’entretien Un monde, un regard.
Axel Dubois

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Au matin du 7 octobre, il a ressenti un sentiment d’effroi, de terreur… puis le dégout, et l’indignation. Face aux pires horreurs, comment réagir ? Comment s’exprimer ? Pour Joann Sfar, cela commence par un simple post sur son compte Instagram : un « Haï ». « La vie. Ça ne veut pas dire nous vaincrons, ça veut juste dire la vie, nous vivrons. » explique le dessinateur, une manière pour lui de ne pas céder à l’appel de la violence et d’affirmer, contre tout obscurantisme, l’unité du peuple juif par-delà les seules frontières d’Israël.

Une attaque qui selon lui restera « un traumatisme mondial dans la communauté juive », d’une ampleur inégalée : « C’est le plus grand massacre de juifs depuis la seconde guerre mondiale, avec des méthodes qui rappellent les Einsatzgruppen et les méthodes exterminatoires ». Des mots durs, mais qui traduisent une réalité : celle d’une mémoire juive, traumatisée par l’histoire du XXème siècle, et qui s’est durement rappelée aux souvenirs des familles ce samedi 7 octobre.

 

Les vertus du dessin

Pour le dessinateur c’est par la sublimation et la représentation que l’on peut composer avec la dureté du réel : « Quand le réel est trop choquant pour être regardé, le dessin, d’abord l’explique, mais permet de l’embrasser de manière plus intellectuelle et moins viscérale ». Un euphémisme donc ? Non, car le « dessin peut avoir ce rôle citoyen qui consiste à transmettre un témoignage » ce qui échappe à « l’horreur pulsionnelle de la photographie » insiste Joann Sfar, dans une époque pourtant obsédée par l’image.

Cette vertu, le dessinateur l’a identifiée depuis l’enfance : « J’ai dessiné depuis tout petit pour faire apparaitre des choses qui me manquaient, ou qui me faisaient plaisir. Devenir narrateur, c’est aussi devenir maître de son destin. ». Un « projet totémique » selon lui, qui émancipe, qui libère, et permet d’« échapper à la manipulation, qu’elle soit familiale, ou politique ».

 

Un art politique

Et c’est sur ce terrain politique que son art montre encore de l’intérêt ; lui qui s’est donné pour tâche de démystifier, décortiquer, et dénoncer les travers les plus sombres des sociétés humaines. « Il y a une tentation de nous déchirer aujourd’hui » regrette-t-il. Mais jamais fataliste, « ce choc Orient-Occident tant voulu par les Le Pen » n’est pas pour lui l’horizon indépassable de notre temps : « le futur ressemblera avant tout à ce qu’on décide ».

Une œuvre politique, certes, mais « un regard, plutôt qu’une intention ». Héritage familial – sans doute – d’un artiste élevé par « un grand-père nihiliste anti-religieux et un père avocat ayant farouchement combattu les néonazis ». Combat qu’il a cherché à poursuivre dans ses œuvres. « Je rêve parfois d’être anarchiste comme le chat, mais en vrai je suis souvent père de famille comme le rabbin. » tempère-t-il toutefois avec amusement.

 

Retrouvez l’intégralité de l’émission ici.

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