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Siege du groupe France TV France televisions reunissant toutes les chaines du service public//MASTAR_1621.00185/Credit:Mario FOURMY/SIPA/2303151638

Audiovisuel public : le Sénat adopte en commission la création d’une holding et le plafonnement de la publicité

Les sénateurs ont adopté en commission une proposition de loi du centriste Laurent Lafon qui prévoit la création d’une holding rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Un amendement du rapporteur LR, Jean-Raymond Hugonet, prévoit de limiter les recettes publicitaires. Une étape à ses yeux, avant la suppression totale.
François Vignal

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Tout un programme. Les sénateurs ont adopté ce mercredi matin en commission la proposition de loi (PPL) de Laurent Lafon qui prévoit la création d’une holding de l’audiovisuel public. Le texte permet la création de « la société France Médias (qui) est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital ».

Comme il nous l’expliquait début mai, Laurent Lafon insiste sur le fait que « cette holding sera une structure complètement indépendante ». Autrement dit, il « n’y a aucun rapprochement à faire avec l’ORTF », assure celui qui est le président UDI de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de la Haute assemblée.

« La suppression de la publicité sur les antennes du service public doit demeurer un objectif à long terme »

Cette PPL, qui sera examinée en séance au Sénat le 12 juin, fait écho au rapport des députés Jean-Jacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance), présenté également ce mercredi en commission. Les députés préconisent eux aussi la création d’une holding, ainsi que la suppression totale de la publicité après 20 heures, y compris les parrainages, appliquée progressivement. Les plateformes numériques sont aussi concernées.

Une idée défendue sur le principe par le rapporteur de la proposition de loi sénatoriale, le sénateur LR Jean-Raymond Hugonet. Mais il préconise, pour l’heure, d’y aller doucement. La commission a ainsi adopté ce matin un amendement du sénateur de l’Essonne qui prévoit un plafonnement des recettes de la publicité sur les chaines publiques. Le niveau serait fixé dans le contrat d’objectifs et de moyens.

« Aujourd’hui, ce plafond existe pour Radio France mais pas pour France Télévisions. Il s’agit aussi d’harmoniser cela sur le linéaire et le digital », précise Jean-Raymond Hugonet. Comme l’explique l’objet de l’amendement, « si la suppression de la publicité sur les antennes du service public doit demeurer un objectif à long terme, le plafonnement en valeur de ces recettes apparaît dans l’immédiat indispensable afin de mieux distinguer et préserver l’offre du service public ». L’amendement souligne au passage que « la place croissante » que prend cette publicité sur les supports digitaux « nuit aux entreprises du secteur privé gratuit dont elles constituent la seule et unique ressource ». La fin de la pub sur le public serait en effet une aubaine pour le privé, alors que le marché publicitaire télévisé est en baisse au premier trimestre. Pour Jean-Raymond Hugonet, il convient de clarifier les sources de financement :

 Il faut arrêter l’hypocrisie. Comme son nom l’indique, secteur public, financement public. Secteur privé, financement privé. 

Jean-Raymond Hugonet, sénateur LR de l'Essonne

Cette idée de la suppression de la publicité questionne évidemment les moyens, pérennes et suffisants, de l’audiovisuel public. La suppression de la redevance, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron adoptée l’été dernier par le Parlement, est pour l’heure compensée par une fraction de TVA, mais à titre temporaire, jusqu’en 2024.

La fusion mise de côté, jugée trop « irritante »

Dans un rapport écrit il y a un an avec son collègue LR, Roger Karoutchi, Jean-Raymond Hugonet défendait « la suppression de la publicité » et ce que le sénateur appelle « le stade ultime » de la réforme de l’audiovisuel public, à savoir « la fusion » de ses entreprises. « Mais comme c’est un irritant trop important, Laurent Lafon a préféré en rester à la holding dans sa PPL. C’est quelque chose qui était déjà dans le rapport sénatorial de Leuleux-Gattolin de 2015. L’idée avait été reprise par Franck Riester, alors ministre de la Culture du quinquennat précédent, qui avait présenté un projet de loi. Il avait été validé par la commission de la culture de l’Assemblée en 2020. Mais le texte n’est pas allé au bout », retrace Jean-Raymond Hugonet, qui continue : « Le gouvernement avait dit que c’était à cause du covid-19, mais c’était un alibi total. Ils ont arrêté car ils n’avaient aucune envie de réformer l’audiovisuel public », selon le sénateur LR, qui pense que la ministre de la Culture actuelle, Rima Abdul Malak, ne reprendra pas l’idée d’une réforme. « Tout le monde a bien compris que la ministre ne bougera pas là-dessus. On voit bien qu’il n’y a aucune initiative et qu’elle n’a pas envie de bouger », soutient le sénateur de l’Essonne.

Dans l’immédiat, faute de mieux, le sénateur préfère déposer cet amendement sur la publicité, qu’il qualifie de « très très light », et se concentrer « sur les grandes convergences » avec le rapport de l’Assemblée. « Comment voulez-vous que l’Assemblée nationale reprenne les choses, s’il y a des irritants à toutes les pages ? Le but, c’est de faire avancer les choses », revendique le sénateur LR. Après la plus que possible adoption de la PPL par le Sénat, où les LR et les centristes détiennent la majorité, l’objectif est bien que le texte soit inscrit à l’agenda de l’Assemblée pour tenter d’y trouver une majorité.

« Arrêter une situation où l’écosystème de la TNT est vitrifié »

En commission, les sénateurs ont aussi adopté un autre amendement du rapporteur, qui prévoit d’autoriser l’Arcom « à agréer une modification de contrôle d’une société détenant une autorisation TNT, sans contrainte de délai après délivrance de l’autorisation », qui est actuellement valable 5 ans. « C’est pour arrêter une situation où cet écosystème est vitrifié. Car aucune modification ne peut être faite avant 2032. La loi avait été prise suite au scandale de la revente de la chaîne numéro 23, qui était une spéculation très claire. Le CSA n’avait pas rempli son rôle alors. Ensuite, on a pris des dispositions pour éviter ce genre de scandale, mais ça vitrifie le secteur où aucune réalisation industrielle ne peut avoir lieu. Car c’est corseté. L’idée de l’amendement est de fluidifier pour permettre l’investissement », explique Jean-Raymond Hugonet. L’Arcom pourrait donner son accord à une revente si « le respect des obligations conventionnelles relatives à la programmation du service, de l’impératif fondamental de pluralisme et de l’intérêt du public » est respecté, tout en laissant à l’Arcom la possibilité, « si elle l’estime nécessaire », de bloquer tout changement « pendant une durée précise » afin d’« éviter la démarche spéculative », précise l’amendement.

Toujours sur la TNT, la commission de la culture a également adopté un amendement du rapporteur qui « vise à autoriser l’Arcom à modifier les conventions des chaînes en cours d’exécution afin de tenir compte de l’évolution très rapide de leur écosystème », précise l’objet de l’amendement, qui ajoute que « cette souplesse apparaît indispensable pour préserver l’attractivité du média télévision face à la concurrence des plateformes ». Netflix pourrait peut-être penser à une mini-série sur la réforme de l’audiovisuel public…

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