Bilan 2025 des festivals : le secteur alerte sur « une coupe massive » des aides des collectivités territoriales

La commission de la Culture s’est réunie ce mercredi matin au Sénat, pour entendre les revendications du secteur des foires et festivals, mais aussi de la musique et du spectacle vivant. Sur la table, la situation complexe de ces festivités en France, à l’approche de la fin de la saison estivale 2025, et avec en ligne de mire : une baisse constatée des aides publiques.
Aglaée Marchand

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Alors que ces événements festifs rythment l’été, et plus globalement l’année des Français, sur quelques jours à plusieurs mois, près de la moitié d’entre eux a enregistré un déficit financier. Ces difficultés, essentiellement économiques, s’installent et menacent leur réédition. De quoi inquiéter les professionnels du secteur, qui en appellent à des politiques publiques culturelles plus ambitieuses, pour pallier une « érosion qui va mener bientôt à la rupture », a alerté Aurélie Foucher, directrice déléguée de Scène Ensemble.

La « fragilité financière » des festivals

Le président de la commission, Laurent Lafon, a tenu à ouvrir cette table ronde par un rappel de la « fragilité financière » des festivals, dont 48 % sont sortis déficitaires de la saison 2024, selon les chiffres du Baromètre 2024, du ministère de la Culture. Un « effet coup de ciseau », selon les professionnels du secteur, qui devrait se poursuivre dans les années à venir puisque « les saisons se succèdent, les mêmes difficultés ressortent », s’est impatientée Malika Séguineau, directrice générale d’Ekhoscènes. La faute à des difficultés économiques qui constituent « la première cause d’annulation des manifestations festivalières », d’après le sénateur, en dépit d’une augmentation « de 40 % » du remplissage des billetteries, qui ne permet pas de soutenir des coûts également en hausse, liés aux cachets des artistes, à la logistique ou encore à la sécurité. Également en cause : les aléas climatiques, l’évolution des pratiques des festivaliers et les obligations réglementaires sonores et de structure.

Un point d’attention particulier a été porté aux montants des cachets des artistes, mais qui ne relèvent pas de la « compétence » des professionnels, selon Stéphane Krasniewski, du Syndicat des Musiques Actuelles (SMA). « Les producteurs de spectacle ne s’en mettent pas plein les poches », a signalé Malika Séguineau. Cette dernière a replacé les festivals en bout de chaîne d’un « écosystème plus global », « mondialisé » et « hyper concurrentiel », dans lequel ce sont les artistes « qui décide[nt] ».

Des modes de financement à repenser

En termes de recettes, les événements peuvent s’appuyer sur des subventions ou du mécénat, mais les billetteries restent le plus gros apport financier, a indiqué Malika Séguineau. Et si le public est plus que jamais au rendez-vous, il paraît « compliqué » de « jouer » sur les tarifs des tickets dans le souci de conserver des « spectacles accessibles », a avancé Stéphane Krasniewski.

Alors les festivals déficitaires « dépendent des aides publiques », a estimé le sénateur communiste Pierre Ouzoulias. Chronophages, les appels à projets se multiplient, sans nécessairement porter leurs fruits, avec des subventions qui diminuent ou qui sont retirées « brutalement en milieu d’année », a rapporté Alexandra Bobes, à la tête de France Festivals. Elle a déploré une « dégradation des politiques publiques de la culture plutôt qu’une dégradation des festivals », avec des réductions budgétaires qui proviennent surtout des régions et des Délégations régionales académiques à l’éducation artistique (DRAAC), s’accordent à constater les professionnels. Au total, sur l’année c’est une « coupe massive », de « 67 millions d’euros de la part des collectivités locales », « sur la culture » qui a été recensée en 2025, d’après Stéphane Krasniewski. La sénatrice UDI Annick Billon a évoqué un risque qu’elle a pu constater : lorsqu’une collectivité territoriale se retire d’un projet, les autres suivent. Et lorsque ces aides sont attribuées, elles peuvent arriver avec du retard, s’est alarmée Sylvie Hugues, présidente du réseau LUX.

Avancée par certains sénateurs, la piste des mécènes ne constitue « pas la panacée » et « pas une solution pour tout le monde », a nuancé Stéphane Krasniewski, notamment en raison des « disparités territoriales d’attractivité du mécénat » et des risques « d’ingérence dans la programmation », rapportés par Sylvie Hugues.

Les représentants des festivals ont profité de cette rencontre pour pointer du doigt le fonctionnement de la taxe de la billetterie affectée au Centre national de la musique (CNM). Un « outil précieux » pour la « péréquation » entre les secteurs, selon Stéphane Krasniewski, mais dont les professionnels souhaitent l’arrêt du plafond, aujourd’hui situé à 50 millions d’euros, une mesure que la sénatrice socialiste Sylvie Robert a rappelé soutenir. Malika Séguineau a dénoncé les « près de 5 millions d’euros » qui ont « été écrêtés au profit du budget général de l’Etat » cette année. A également été réclamé la « sécurisation » du Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (FONPEPS), par Alexandra Bobes, ces aides pour l’emploi pérenne rencontrent actuellement des retards de paiement.

Quant au Pass Culture, la part collective peut représenter « 10 % des billetteries », et finance principalement des événements d’éducation artistique et culturelle, ce qui n’est « pas anodin », a avancé Aurélie Foucher. Une enveloppe complémentaire de 15,2 millions d’euros a par ailleurs été mise en place à la rentrée, à destination des établissements scolaires. Mais « ce n’est pas assez », a-t-elle affirmé, regrettant que « sur le Tinder de la culture, nous sommes les grands perdants ». La part individuelle peut, elle, être utilisée dans des festivals de musique sur des « soirées spécifiques pour les jeunes » où les programmations commencent à être pensées pour cette tranche du public, a précisé Alexandra Bobes. Stéphane Krasniewski a argué que le Pass Culture n’a « pas contribué à réguler l’offre sur l’ensemble du territoire ».

Des craintes d’influence politique et de censure

Alors que les festivals sont l’opportunité de « recréer » de la « proximité », et sont « porteurs de la mission de service public » et des « catalyseurs de participation citoyenne » et de « démocratie », selon Aurélie Foucher, elle s’est dite préoccupée de l’investissement potentiel d’ « acteurs avec des projets politiques » et d’une « possible récupération identitaire ».

Au-delà des inquiétudes budgétaires, la commission est revenue sur les risques d’entraves à la liberté d’expression et de la création, auxquels peuvent être confrontés les festivals, alors que cette liberté est protégée par la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) de 2016. Un vaste plan porté par le ministère de la Culture est venu compléter ce texte, annoncé en décembre dernier, comme l’a rappelé la sénatrice socialiste Karine Daniel. Il a néanmoins été fait état de différents faits de pression, si ce n’est de censure, avec des alertes qui « sont de plus en plus fréquentes », d’après la sénatrice Sylvie Robert, ce qui est « très inquiétant » pour Stéphane Krasniewski.

Une position partagée par les autres professionnels, Malika Séguineau précisant que « certains sujets ne sont pas considérés comme acceptables ou acceptés ». Pour Aurélie Foucher, il existe aussi des « difficultés de lien » avec certains « élus locaux » à l’année, sur certaines programmations. Et Sylvie Hugues de rapporter les « attaques » et « saccages » de deux expositions lors d’un festival à Nîmes, des événements qui risquent d’amener les festivals à « s’auto-censurer », « même si on n’a pas envie de répondre à ces intimidations ».

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