Un air de déjà-vu pour Laurence des Cars. La présidente-directrice du musée du Louvre est à nouveau auditionnée par la commission de la culture du Sénat, ce mercredi 17 décembre, un peu moins de deux mois après une première audition qui s’est tenue dans la foulée du vol rocambolesque des bijoux de la couronne de France. Dans le cadre des missions de contrôle qui incombent au Parlement, le Sénat cherche à faire la lumière sur les conditions de sécurisation du plus grand musée du monde et de ses collections. Le 19 octobre dernier, il n’a fallu que quelques minutes à un commando de quatre personnes pour s’introduire dans la galerie d’Apollon et y dérober plusieurs pièces historiques de joaillerie d’une valeur inestimable.
Lors de son premier passage devant les élus, le 22 octobre, Laurence des Cars a évoqué une « blessure profonde » et pointé du doigt l’insuffisance de la protection sur la voie publique, en particulier les carences de la vidéosurveillance sur les abords extérieurs du musée du Louvre. La conservatrice a rappelé avoir plusieurs fois alerté les pouvoirs publics sur l’état de vétusté du musée et la nécessité d’engager d’importants travaux de mise aux normes des bâtiments, mais aussi d’agrandissement des aires d’accueil du public – ce qui a donné lieu, en janvier dernier, au lancement du plan « Nouvelle Renaissance du Louvre », sous l’égide d’Emmanuel Macron.
« J’ai été effarée de la situation de la sûreté et de la sécurité du Louvre à mon arrivée », en 2021, a-t-elle encore reconnu, expliquant avoir lancé un nouveau schéma directeur des équipements de sûreté, dont les études préalables ont été menées de 2022 à 2024. Laurence des Cars a également fait valoir le recrutement d’une quarantaine de nouveaux agents depuis sa prise de fonction, portant les effectifs à 788 équivalents temps pleins travaillés. « Je n’ai pas arbitré en faveur d’une priorité plutôt qu’une autre. J’ai fait de la sécurité une urgence absolue », s’est-elle défendue.
Les remontrances de la Cour des comptes
Mais depuis ce premier échange de nombreux éléments sont venus apporter du grain à moudre aux membres de la commission. À commencer par un rapport sévère de la Cour des comptes sur les finances du musée, couvrant la période 2018-2024, et selon lequel la direction du Louvre aurait consacré « sa solide trésorerie » au déploiement « d’opérations visibles et attractives », ainsi qu’à l’acquisition de nouvelles œuvres, plutôt qu’au traitement des urgences techniques. Cette situation aurait conduit à plusieurs reports de la mise en œuvre du schéma directeur de sûreté, pourtant initié dès 2017, sous la précédente direction.
Auditionné mardi 16 décembre, Jean-Luc Martinez, prédécesseur de Laurence des Cars, a pourtant indiqué avoir fait de ce schéma directeur sa « priorité numéro un », et expliqué qu’il était déjà largement engagé lors du passage de relais avec la nouvelle direction. « Avec comme objectif d’être prêt pour les Jeux olympiques de 2024 », en particulier s’agissant de la sécurisation du domaine, a-t-il précisé. Pour autant, Laurence des Cars a cru bon de lancer de nouvelles études, concernant notamment la création d’un poste central de sécurité et la modernisation des systèmes de vidéosurveillance.
La vulnérabilité de la galerie d’Apollon déjà pointée dans un rapport de 2018
En parallèle du rapport de la Cour des comptes, l’enquête administrative diligentée après le casse par Rachida Dati, la ministre de la Culture, a révélé des « dysfonctionnements successifs ». Les enquêteurs pointent la complexité du fonctionnement de l’établissement public du musée du Louvre, avec un partage important des responsabilités. Ainsi, les questions de sécurité sont morcelées entre plusieurs directions.
Cette enquête a également révélé l’existence d’un audit privé, commandé en 2018 par l’ancien directeur du département des Objets d’art, Jannic Durand, au joaillier Van Cleef & Arpels dans le cadre d’un mécénat de compétences. Il y est largement question de la sécurisation de la galerie d’Apollon et de ses vitrines, finalement remplacées en 2019. Ce document identifie par ailleurs la fenêtre par laquelle se sont introduits les cambrioleurs, le 19 octobre, comme un élément important de vulnérabilité. Mais Laurence des Cars a fait savoir qu’elle n’avait jamais eu connaissance de cet audit avant le vol.
Appels à la démission
Ces différents éléments, qui n’étaient pas connus des sénateurs lors de la première audition de Laurence des Cars, ne manqueront pas de motiver de nouvelles salves de questions à l’attention de la présidente-directrice. Les échanges pourraient également être marqués par quelques moments de tensions. Après le cambriolage, Laurence des Cars avait présenté sa démission, finalement refusée par le ministère. Mais « au regard de tous les éléments, Madame des Cars, aurait dû représenter à nouveau sa démission », estime la sénatrice LR de Paris Agnès Evren, qui a notamment dénoncé « un concours de la défausse entre les équipes ». Cet appel à la démission a également été relayé par Max Brisson, le vice-président LR de la commission de la culture du Sénat, dans une tribune publiée sur le site internet du Figaro.