« Le cinéma français a devant lui un grand avenir », a conclu la mission d’information chargée de dresser des perspectives pour la filière cinématographique. Meurtri par les restrictions sanitaires liées à la pandémie de covid-19, le secteur semble avoir enfin sorti la tête de l’eau. Mais malgré un bilan encourageant en 2023, les rapporteurs du texte ont dressé une série de recommandations pour sauvegarder la place singulière de cette industrie en France. Une proposition de loi « visant à conforter la filière cinématographique en France » sera examinée par les sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport mercredi prochain.
Diversifier l’accès aux œuvres
Après trois années marquées par des taux de fréquentation moroses, les salles de cinéma ont connu un rebond en 2023 : 181 millions d’entrées, soit une hausse de 19 % par rapport à 2022 selon le Centre National du Cinéma (CNC). Une reprise très attendue alors que les chiffres étaient en berne depuis les taux historiques affichés entre 2017 et 2019.
Toutefois, un rapport du CNC pointe une disparité géographique dans l’accès aux films classés « Art et Essai ». Ces œuvres sont moins diffusées dans les zones rurales et les petites villes. Pour pallier ces inégalités, les rapporteurs proposent que les distributeurs soient désormais soumis à des engagements de diffusion. L’article 4 de la proposition de loi précise donc qu’une part minimale des films proposés devrait être réservée à des cinémas situés dans des territoires ayant un faible nombre d’habitants. Le texte prévoit également une sanction administrative de la part du CNC, si l’obligation n’était pas respectée.
Le rapport souligne également la nécessité de favoriser le renouvellement des jeunes publics. Pour atteindre cet objectif, il recommande notamment au CNC de veiller à ce qu’une partie des places de cinéma acquises par le biais du Pass Culture soit réservée aux films français et européens.
Conditionner les aides du CNC
Pour rendre l’industrie du cinéma « exemplaire », deux autres modifications du code du cinéma et de l’image animée (CCIA) sont envisagées par les sénateurs. La première consiste à conditionner les aides du CNC au respect de critères environnementaux, en vérifiant les bilans carbone des tournages notamment. La seconde, elle, vise à protéger les règles de rémunération minimale des auteurs. La subvention du CNC serait ainsi accordée uniquement si les clauses de rémunération (fixées par la ministre de la Culture) sont respectées. Jusqu’à maintenant, le montant de la rémunération se négociait librement entre les représentants des auteurs et les producteurs.
Un dernier changement législatif est également défendu par les rapporteurs du texte. À partir des conclusions du rapport de Bruno Lasserre, l’article 1 de la proposition de loi se concentre sur les politiques commerciales des exploitants. Tout d’abord, un prix de référence par place devra être déterminé pour les cinémas souhaitant commercialiser des cartes d’abonnement illimité. Ce tarif, qui servira de base pour rémunérer les distributeurs et les ayants droit, sera fixé en fonction du prix des entrées sur une période donnée. Enfin, un « contrat type » devrait être mis en place pour les exploitants souhaitant se joindre à un dispositif de carte illimitée. Ces deux révisions ont pour objectif d’assouplir l’encadrement de ces cartes d’abonnement, soumis à un agrément délivré par le CNC. Par cet amendement, les rapporteurs souhaitent notamment remédier à la « lourdeur » administrative de la procédure.
Le texte, déposé par les sénateurs Céline Boulay-Espéronnier (LR), Sonia de La Provôté (UC) et Jérémy Bacchi (CRCE), sera discuté en séance publique au Sénat à partir du mercredi 14 février.
Myriam Roques-Massarin