Weekly Cabinet Meeting, Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024

Culture, audiovisuel : Rachida Dati attendue au tournant par les sénateurs

La nomination de Rachida Dati à la tête du ministère de la Culture suscite de nombreuses attentes mais aussi des inquiétudes au sein de la Haute assemblée. La nouvelle ministre va souffrir de la comparaison avec sa prédécesseure Rima Abdul Malak dont la méthode de travail était appréciée sur tous les bancs. L’audiovisuel public est le gros chantier sur lequel elle est attendue.
Simon Barbarit

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Après la surprise, l’heure est aux questionnements. Cinquième ministre de la Culture de l’ère Macron, Rachida Dati n’arrive pas en terrain conquis au Sénat. D’abord par ce qu’elle succède à une ministre qui a su se faire apprécier par tous les bancs de la Haute assemblée. « Avec Rima Abdul Malak, nous avions un vrai dialogue. Nous sommes quand même parvenus à adopter deux textes à l’unanimité (une proposition de loi relative à la restitution des restes humains et un projet de loi sur les biens culturels spoliés entre 1933 et 1945). Une troisième loi sur les restitutions était attendue cette année et pour tout vous dire nous avions un rendez-vous avec la ministre le 16 janvier à ce sujet. Je doute que cela se passe aussi bien avec Rachida Dati quand on voit sa façon de faire au conseil de Paris. Elle va aussi devoir faire face à l’hostilité des LR », analyse Pierre Ouzoulias (communiste) figure de la commission de la culture du Sénat.

« Je regrette beaucoup le départ de Rima Abdul Malak. C’était une femme courageuse et de convictions. Elle est arrivée en tant qu’ancienne conseillère de l’Elysée donc on pouvait avoir un a priori. Mais le travail c’est bien passé avec elle. Rachida Dati est une femme de droite et je ne connais aucune de ses convictions en matière culturelle », complète Sylvie Robert, sénatrice socialiste.

A quand une grande loi sur l’audiovisuel public ?

A droite, on oscille entre indifférence et énervement depuis le débauchage de Rachida Dati. Jean-Raymond Hugonet (apparenté LR) attend la nouvelle locataire de la rue de Valois sur le dossier qui depuis quelques années constitue un point de friction avec l’exécutif : la réforme de l’audiovisuel public. « C’est le chantier majeur. Celui sur lequel on va voir si Rachida Dati à une marge de manœuvre. Rima Abdul Malak n’en avait aucune. Mais je n’ai jamais eu de problème avec elle humainement. Il n’empêche qu’on attend toujours une grande loi sur l’audiovisuel public. C’est un énième mammouth à dégraisser et le pouvoir politique reste pétrifié devant cette tâche. Rachida Dati est une femme d’action est-ce qu’elle va réussir à faire bouger les lignes ? », espère le sénateur de l’Essonne.

Pour mémoire, en 2022, un rapport des sénateurs LR Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, formulait une proposition choc : la fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA en une entreprise unique. Créer une « BBC à la française » était une promesse de campagne du candidat Macron avant d’être abandonné progressivement au profit de mesures d’économie et d’innovation.

Depuis la suppression de la redevance, la question du financement de l’audiovisuel public sera aussi le dossier urgent de cette année. Depuis deux ans, le budget prévoit de compenser la suppression de la redevance par l’affectation d’une fraction de TVA. Un système n’est pas destiné à perdurer car la loi organique du 28 décembre 2021, relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (LOLF), prévoit qu’au-delà de 2025 une affectation de taxe ne peut être maintenue que si celle-ci est en lien avec la mission de service public qu’elle vient financer. Lors de l’examen du projet de loi de finances, Rima Abdul Malak avait évoqué la nécessité d’une nouvelle loi organique en 2024, « afin de donner la visibilité nécessaire aux entreprises de l’audiovisuel public ».

Liberté de création

« Quelle sera la position de Rachida Dati sur la concentration des médias, les ingérences étrangères, les aides à la presse… ? L’année dernière, plusieurs spectacles vivants ont été annulés en raison d’intimidations. On attend de voir aussi comment la nouvelle ministre va aborder la question de la liberté de création », s’interroge Sylvie Robert.

Le bilan de Rima Abdul Malak a effectivement été marqué par des positions fortes contre l’extrême droite, qui en avait fait sa cible. Elle n’avait pas non plus hésité à s’en prendre à l’empire Bolloré C8 et l’émission « TPMP » de Cyril Hanouna, ainsi qu’à CNews — en évoquant la possibilité de retirer leurs fréquences, après plusieurs rappels à l’ordre de l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel. « Il n’y a rien à attendre de Rachida Dati de ce côté-là », estime Pierre Ouzoulias.

« Les représentants de la communauté arménienne qui j’ai eus au téléphone sont terrifiés par cette nomination »

Le sénateur communiste a également pointé la proximité de Rachida Dati avec l’Azerbaïdjan. « Sa nomination intervient à quelques jours du vote au Sénat d’une proposition de résolution visant à condamner l’offensive militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabagh. Les représentants de la communauté arménienne qui j’ai eus au téléphone sont terrifiés par cette nomination ».

En cette année de Jeux Olympiques, Rachida Dati va reprendre le dossier des festivals de l’été dont certains pourraient encore être annulés par manque de personnels pour assurer la sécurité. « Dans le dernier budget, nous avons pu mettre l’accent sur les salles de musiques actuelles qui sont touchées par l’inflation. Mais il y a encore des réflexions sur la pérennité de certains lieux, la situation des intermittents et des artistes de notre pays » souligne Sylvie Robert.

Enfin, la nouvelle ministre va devoir faire face aux plateformes de streaming musical depuis l’adoption dans le dernier budget d’une contribution obligatoire destinée à assurer le financement du nouveau Centre national de la musique (CNM), une instance créée en 2020, pour soutenir la filière musicale française. Une nouvelle taxe dont les modalités restent à définir et qui provoque une levée de boucliers des géants du secteur comme Apple, Deezer, Meta, Spotify, YouTube et TikTok, qui plaident pour une contribution volontaire.

 

 

 

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