Le discours à Cannes de Justine Triet, qui a reçu la Palme d’or pour Anatomie d’une chute, relance le débat sur le financement du cinéma français. « La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française », a lancé la réalisatrice au moment de recevoir son prix. Des propos qui avaient estomaqué Rima Abdul-Malak, la ministre de la Culture. Auteur d’un rapport sur la question, publié en mai dernier, le sénateur LR Roger Karoutchi, vice-président du Sénat, a pointé dans ses travaux le poids total des aides publiques en faveur du septième art, soit 747 millions d’euros en 2021, hors mesures d’urgence déployées pour faire face à la crise sanitaire. Invité vendredi 9 juin de l’émission « Extra local » sur Public Sénat, l’élu des Hauts-de-Seine a plaidé pour un rééquilibrage des financements.
« Nous sommes dans un système où en réalité le financement du cinéma français vient en partie du nombre de tickets vendus pour des films américains. Tant qu’à faire, si les films américains ont du succès, autant que cela nous rapporte quelque chose », sourit Roger Karoutchi, qui évoque Les Dix commandements de Cecil B. DeMille comme son film favori. Le sénateur résume ainsi le fonctionnement d’un système où les taxes prélevées sur le prix des places et les recettes publicitaires des chaînes de télévision sont redirigées vers la production française via le Centre national du cinéma (CNC).
« Quand on parle d’avantage fiscal, je rappelle que c’est l’Etat qui paye »
« Le Centre national du cinéma finance plus de 290 films chaque année, c’est énorme. À mon sens, des films avec des réalisateurs, des producteurs et des acteurs très connus n’auraient pas autant besoin d’argent public parce qu’ils vont trouver leurs spectateurs, estime Roger Karoutchi. « Et puis il faut financer le cinéma d’art et d’essai, ce que je comprends très bien. Mais à un moment, il faut trouver un équilibre. Le CNC le fait plutôt bien, mais il faudrait peut-être que des comités d’experts regardent cela de plus près », glisse l’élu.
Quant aux Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA), « elles ont un avantage fiscal à 48 %, alors qu’il était à 36 % il y a peu », relève Roger Karoutchi. Mises en place dans les années 1980, les SOFICA sont des structures qui permettent de rassembler des fonds privés pour le financement de la production cinématographique, moyennant une réduction d’impôt. « Quand on parle d’avantage fiscal, je rappelle que c’est l’Etat qui paye car la déduction fiscale est bien prise quelque part », souligne notre invité. « À un moment, oui au financement public du cinéma, mais oui aussi à ce qu’il soit un peu plus rationalisé. »
Revenant sur le discours de Justice Triet, le sénateur Roger Karoutchi admet avoir été agacé par cette prise de parole : « Je n’aime pas la confusion des genres, je trouve cela un peu insupportable », lâche le vice-président du Sénat. « Moi, personne ne me demande, et heureusement, d’être dans un jury de cinéma. On me dirait, de quoi se mêle-t-il ? », tacle-t-il. « Vous pouvez émettre des critiques sans jeter le bébé avec l’eau du bain. »