À l’heure où sa famille politique se fracture, « être de gauche, c’est beaucoup de tourment » reconnaît Philippe Torreton. « C’est comme une intuition, mais je ne sais plus ce que ça veut dire aujourd’hui » confie-t-il. « On s’aperçoit qu’il y a un sentiment de citoyenneté, de justice sociale partout. Dans ce moment d’errance politique, on croit que l’on a encore le temps d’une politique des partis. Je ne crois pas. La situation est suffisamment grave sur le plan national et international pour s’entendre sur le qui et pas sur le quoi. La question c’est qu’est-ce que l’on fait ! »
Pendant un temps, il a tenté de faire. Élu du neuvième arrondissement de Paris, il s’est engagé politiquement et a mis « les mains dans le cambouis » comme il dit. Il en est revenu. « C’était beaucoup de travail et difficile de concilier les deux » explique-t-il. « Si j’ai quitté la politique, c’est par respect, parce qu’elle mérite que l’on s’y investisse ».
« Imposer le silence par sa phrase, respecter l’autre, celui d’avant, celui qui va venir »
S’il n’est plus un acteur politique, il en reste un observateur attentif. « Si vous ne vous intéressez pas à la politique, elle s’intéressera à vous » prévient Philippe Torreton. Et se mobilise à sa manière, grâce à d’autres formes d’engagement. Contre la guerre, aux côtés des professeurs ukrainiens, et par le théâtre, en allant dans les classes pour transmettre à des élèves cet art qui le passionne tant. « Il ne faut pas voir le théâtre comme un moyen de véhiculer des valeurs. Les mômes les trouvent tous seuls. Le théâtre c’est un vecteur d’émancipation personnelle. Faire du théâtre, c’est s’apercevoir que l’on peut imposer le silence par sa phrase. On apprend à respecter l’autre, celui qui passe avant, celui qui va venir. »
Lui, qui se décrit comme l’un « ces adolescents un peu fins que le monde bouscule », a eu une révélation en découvrant le théâtre. Une prescription quasi médicale d’un professeur de collège, qui lui a permis de travailler sur sa très grande timidité. « Le théâtre ça m’a plu tout de suite, même si j’ai mis des mois avant d’oser monter sur un plateau. Ce que j’aimais c’était être un petit de cinquième et avoir l’attention des grands de troisième. Les profs qui n’étaient plus tout à fait des profs dans ces moments-là, nous maquillaient, fabriquaient les décors. On passait dans un entre-deux, on était dans le collège quand il n’y a personne » se remémore l’acteur.
« La démocratisation culturelle c’est comme la marche, c’est constamment à faire »
En janvier 2024, Emmanuel Macron proposait l’instauration de cours obligatoires de théâtre au collège à partir de septembre 2024. Mesure non appliquée, à laquelle Philippe Torreton reste attaché. « La culture c’est un lien. Face à la société qui se disloque, il faut mettre la culture au premier plan » appuie-t-il. Il voit dans l’inégalité d’accès à la culture une injustice plus grande encore que la naissance. « L’accès à la culture est conditionné par qui on va avoir en face de soi à l’école, ceux qui ont une activité extrascolaire après l’école ».
« J’en ai marre de jouer devant les personnes âgées » s’insurge-t-il. « J’ai envie que les théâtres s’ouvrent, je n’arrête pas d’en parler aux directeurs de théâtre, de leur demander s’il y a des scolaires, des bords plateaux…J’ai le sentiment qu’en France, puisqu’il y a eu André Malraux et quelques autres gugusses, on se dit c’est fini, la démocratisation culturelle c’est fait. Mais non c’est comme la marche. Si on s’arrête de marcher, on n’avance plus » met en garde Philippe Torreton.
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