« Être de gauche, je ne sais plus ce que ça veut dire aujourd’hui »  confie l’acteur Philippe Torreton

Comédien au théâtre, acteur de cinéma et un temps conseiller municipal, il est un citoyen engagé sur scène comme à la vie. Alors que la gauche française apparaît plus divisée que jamais, il se confie son désarroi, sa relation à la politique et la panne de la démocratisation culturelle. Cette semaine Philippe Torreton est l’invité de Rebecca Fitoussi dans l’émission Un monde, un regard sur Public Sénat
Agathe Alabouvette

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

À l’heure où sa famille politique se fracture, « être de gauche, c’est beaucoup de tourment » reconnaît Philippe Torreton. « C’est comme une intuition, mais je ne sais plus ce que ça veut dire aujourd’hui » confie-t-il. « On s’aperçoit qu’il y a un sentiment de citoyenneté, de justice sociale partout. Dans ce moment d’errance politique, on croit que l’on a encore le temps d’une politique des partis. Je ne crois pas. La situation est suffisamment grave sur le plan national et international pour s’entendre sur le qui et pas sur le quoi. La question c’est qu’est-ce que l’on fait ! »

Pendant un temps, il a tenté de faire. Élu du neuvième arrondissement de Paris, il s’est engagé politiquement et a mis « les mains dans le cambouis » comme il dit. Il en est revenu. « C’était beaucoup de travail et difficile de concilier les deux » explique-t-il. « Si j’ai quitté la politique, c’est par respect, parce qu’elle mérite que l’on s’y investisse ».

« Imposer le silence par sa phrase, respecter l’autre, celui d’avant, celui qui va venir »

S’il n’est plus un acteur politique, il en reste un observateur attentif. « Si vous ne vous intéressez pas à la politique, elle s’intéressera à vous » prévient Philippe Torreton. Et se mobilise à sa manière, grâce à d’autres formes d’engagement. Contre la guerre, aux côtés des professeurs ukrainiens, et par le théâtre, en allant dans les classes pour transmettre à des élèves cet art qui le passionne tant. « Il ne faut pas voir le théâtre comme un moyen de véhiculer des valeurs. Les mômes les trouvent tous seuls. Le théâtre c’est un vecteur d’émancipation personnelle. Faire du théâtre, c’est s’apercevoir que l’on peut imposer le silence par sa phrase. On apprend à respecter l’autre, celui qui passe avant, celui qui va venir. »

Lui, qui se décrit comme l’un « ces adolescents un peu fins que le monde bouscule », a eu une révélation en découvrant le théâtre. Une prescription quasi médicale d’un professeur de collège, qui lui a permis de travailler sur sa très grande timidité. « Le théâtre ça m’a plu tout de suite, même si j’ai mis des mois avant d’oser monter sur un plateau. Ce que j’aimais c’était être un petit de cinquième et avoir l’attention des grands de troisième. Les profs qui n’étaient plus tout à fait des profs dans ces moments-là, nous maquillaient, fabriquaient les décors. On passait dans un entre-deux, on était dans le collège quand il n’y a personne » se remémore l’acteur.

« La démocratisation culturelle c’est comme la marche, c’est constamment à faire »

En janvier 2024, Emmanuel Macron proposait l’instauration de cours obligatoires de théâtre au collège à partir de septembre 2024. Mesure non appliquée, à laquelle Philippe Torreton reste attaché. « La culture c’est un lien. Face à la société qui se disloque, il faut mettre la culture au premier plan » appuie-t-il. Il voit dans l’inégalité d’accès à la culture une injustice plus grande encore que la naissance. « L’accès à la culture est conditionné par qui on va avoir en face de soi à l’école, ceux qui ont une activité extrascolaire après l’école ».

« J’en ai marre de jouer devant les personnes âgées » s’insurge-t-il. « J’ai envie que les théâtres s’ouvrent, je n’arrête pas d’en parler aux directeurs de théâtre, de leur demander s’il y a des scolaires, des bords plateaux…J’ai le sentiment qu’en France, puisqu’il y a eu André Malraux et quelques autres gugusses, on se dit c’est fini, la démocratisation culturelle c’est fait. Mais non c’est comme la marche. Si on s’arrête de marcher, on n’avance plus » met en garde Philippe Torreton.

Retrouvez l’intégralité de l’émission en replay ici. 

Partager cet article

Dans la même thématique

Documentaire Le Luron en campagne de Jacques Pessis
4min

Culture

Thierry Le Luron, un pionnier de l’humour politique ?

« C’était un petit surdoué, une sale gosse d’une impertinence rare » se souvient Michel Drucker… Chanteur lyrique de formation, devenu imitateur et comique, Thierry Le Luron a marqué par sa brève carrière le paysage culturel et médiatique des années 70 et 80. Tissé d'interviews de ceux qui l’ont connu ou admiré et de larges extraits de sketchs, le documentaire de Jacques Pessis « Le Luron en campagne » diffusé sur Public Sénat montre combien Thierry Le Luron était insolent à une époque où l'humour n’était pas aussi libre qu’on pourrait le penser aujourd’hui.

Le

« Être de gauche, je ne sais plus ce que ça veut dire aujourd’hui »  confie l’acteur Philippe Torreton
3min

Culture

Guy Savoy : « On nous annonçait qu’en l’an 2000 on ne mangerait que des pilules ! On s’est bien planté »

« Ce n’est plus de la passion, c’est de l’addiction », voilà comment Guy Savoy décrit son quotidien au travail. Installé dans le somptueux hôtel de la Monnaie à Paris, le chef est devenu un monument de la gastronomie française. En dehors des cuisines, pas question de se reposer, il publie un nouvel ouvrage Guy Savoy cuisine les écrivains : XIXe, dans lequel est sublimé l’appétit des auteurs du siècle romantique. Invité de Rebecca Fitoussi dans l’émission Un monde, un regard, le maître queux revient sur sa carrière et la place de la gastronomie dans l’hexagone.

Le

« Le Président » d’Henri Verneuil
3min

Culture

« Le Président » : un huis clos politique d’une brûlante actualité

Sorti en 1961, Le Président d’Henri Verneuil n’est pas seulement un film, c’est une plongée dans les arcanes du pouvoir et les dilemmes de la République. Adapté du roman de Georges Simenon, le long-métrage met en scène Jean Gabin dans le rôle d’Émile Beaufort, ancien président du Conseil, figure tutélaire qui incarne une certaine idée de la politique : celle du courage, du sacrifice, du sens du devoir et de la responsabilité.

Le

Paris : 5th edition of the We Are French Touch event
7min

Culture

IA : une proposition de loi sénatoriale entend donner « aux créateurs la possibilité de faire valoir leurs droits »

Ce texte transpartisan vise le « renversement de la charge de la preuve », en cas de contentieux entre un auteur et une entreprise d’IA, qui aspirent énormément de contenus sans payer de droits d’auteur aux ayants droit français. Ce texte est « une première pierre », selon la sénatrice Laure Darcos, pour espérer faire bouger l’Europe comme les opérateurs d’IA. L’objectif final est d’assurer la rémunération des auteurs.

Le