Fusion de l’audiovisuel public : « Le gouvernement a repris exactement ce que l’on défendait », salue le rapporteur LR au Sénat

Fusion de l’audiovisuel public : « Le gouvernement a repris exactement ce que l’on défendait », salue le rapporteur LR au Sénat

Le ministère de la Culture est sorti du flou et préconise désormais de fusionner les sociétés de l’audiovisuel public en une entité unique, France Médias. Les sénateurs de la majorité sénatoriale approuvent cette idée portée depuis plusieurs années dans leur maison, mais le président centriste de la commission de la culture se dit inquiet sur le calendrier proposé. La socialiste Sylvie Robert dénonce l’absence d’étude d’impact.
Guillaume Jacquot

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Le gouvernement abat ses cartes dans la réforme de l’audiovisuel public. Il n’est plus seulement question de créer une holding, France Médias, qui chapeauterait l’ensemble des composantes, à savoir France Télévisions, Radio France, France 24, RFI et l’INA (Institut national de l’audiovisuel), pour favoriser les coopérations internes dans un univers des médias en profonde mutation. Dans un amendement à la proposition de loi sénatoriale, adoptée en juin 2023, l’exécutif défend désormais l’idée d’une fusion des différentes filiales sous la responsabilité de cette holding France Médias.

Jusqu’à présent, la ministre de la Culture Rachida Dati s’est prononcée uniquement en faveur de la naissance d’une holding et une gouvernance commune aux sociétés de l’audiovisuel public. En déposant cet amendement la semaine dernière, l’ancienne LR a donc validé l’une recommandation portée par le Sénat depuis 2015, réaffirmée la dernière fois dans le rapport de Roger Karoutchi (LR) et Jean-Raymond Hugonet (LR) en 2022. « Il est impératif de donner cette nouvelle impulsion pour mettre l’audiovisuel public français au niveau des standards européens », défend le gouvernement dans l’exposé des motifs.

« Le gouvernement a repris exactement ce que l’on défendait », salue ce lundi Jean-Raymond Hugonet, rapporteur du texte au Sénat. Après des années à avoir plaidé en faveur d’une réforme stratégique de l’audiovisuel, le sénateur de l’Essonne ne boude pas son plaisir et mesure le chemin parcouru depuis quelques semaines. Un brusque virage à « 180 degrés », selon ses mots, avec les positions pas si lointaines du ministère de la Culture, et notamment de Rima Abdul-Malak. Jean-Raymond Hugonet y voit un signal fort. « J’ai dû me pincer pour y croire. Je ne peux pas croire que deux secondes que la nouvelle ministre a sorti cela de son chapeau, sans en avoir référé au président de la République […] Il y a une reconnaissance du travail du Sénat, très clairement. Dans le contexte politique que nous connaissons, ce n’est pas anodin. »

L’amendement, qui sera examiné ce mardi en commission à l’Assemblée nationale, prévoit un rapprochement « en deux étapes ». D’abord la création de la holding au 1er janvier 2025, pour mettre en place la gouvernance unique, puis la fusion des différentes sociétés de France Médias le 1er janvier 2026. L’examen en séance publique est programmé les 23 et 24 mai.

Un calendrier « irréaliste » selon le centriste Laurent Lafon

Laurent Lafon, le président (Union centriste) de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au Sénat, n’est « pas opposé » au principe de la fusion mais se dit très réservé sur le calendrier proposé. « En l’état actuel du dossier, rien n’est prêt. Ça me paraît irréaliste. Il faut travailler sur des dates plus faisables, qui tiennent comptent du point du départ », soutient l’auteur du texte initial au Sénat de 2023. « Que le gouvernement ait changé de position, on ne peut que s’en réjouir. On attendait cela depuis longtemps. Mais maintenant, il faut que le fasse de manière sérieuse. »

Jean-Raymond Hugonet y voit au contraire la façon de fixer un objectif « clair ». « La holding devient un sas de transition. Cela entérine le fait que c’est la fusion sur laquelle il faut travailler. C’est le véritable cap stratégique dont a besoin l’audiovisuel public. »

Un passage par amendement « irresponsable », selon Sylvie Robert (PS)

À gauche, la sénatrice socialiste Sylvie Robert confie être « extrêmement inquiète » quant à la proposition du gouvernement, qu’elle juge « précipitée ». « Passer par voie d’amendement une réforme structurelle aussi importante, je trouve cela irresponsable. On n’a aucune étude d’impact ». Sur le fond, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine juge également le texte « à contrecourant de ce qu’il faudrait faire aujourd’hui ». « C’est en décalage avec les enjeux, liés à la liberté d’informer, l’indépendance des médias, la question des ingérences étrangères, l’intelligence artificielle. Là, c’est une réforme pour revenir à un ORTF au XXIe siècle. Y a-t-il une volonté de déstabiliser l’audiovisuel public ? » s’interroge la sénatrice.

Signe que le ministère de la Culture souhaite accélérer sur un dossier devenu un serpent de mer au fil des ans, et aboutir un épilogue le plus rapidement possible en l’absence de procédure accélérée, le gouvernement a déposé une série d’amendements de suppression du chapitre 2 de la proposition de loi, elle aussi née au Sénat.  Officiellement, l’exécutif veut attendre les conclusions des Etats généraux de l’information cet été, et apporter « une réponse d’ensemble aux problématiques du secteur des médias ». Les dispositions, qui devaient réduire les « asymétries » de concurrence dans l’audiovisuel, débordent du seul cadre des sociétés publiques.

La majorité sénatoriale acceptera-t-elle de lâcher du lest ? Le rapporteur au Sénat Jean-Raymond Hugonet est prêt à faire cette concession. « Il y a aura un texte dès que les Etats généraux auront fourni leurs conclusions. Dont acte. Qu’on se concentre sur l’audiovisuel public. » Laurent Lafon estime, quant à lui, que le recentrage du texte est « incompréhensible ». « Toute la partie 2 concernait le public comme le privé. C’est incompréhensible de faire sauter cette partie attendue par les acteurs, ce n’est pas une solution satisfaisante. On peut remettre en deuxième lecture les dispositions », prévient-il.

Un autre point risque également de faire débat avec les sénateurs dans la réforme de l’audiovisuel. Par amendement, le gouvernement souhaite en parallèle supprimer le plafonnement en valeur des recettes tirées de la publicité dans les entreprises de l’audiovisuel. Sans cette modification, l’exécutif y voit une difficulté, non seulement pour la régie publicitaire, mais aussi pour les médias publics qui ne bénéficieraient pas « des retombées financières de leurs succès d’audience ». Laurent Lafon en fait une « ligne rouge » à ne pas franchir. Ce déplafonnement « dénaturerait » à ses yeux l’esprit du service public mais pourrait aussi « fragiliser » les entreprises, les budgets publicitaires n’étant pas extensibles.

Interrogations sur le volet financier de la réforme

À court terme, une préoccupation est bien plus grande au Sénat : le financement de l’audiovisuel public. « À l’heure où je vous parle, on ne sait toujours pas comment l’audiovisuel public sera financé au 1er janvier 2025 », s’inquiète Jean-Raymond Hugonet. Depuis la suppression de la redevance en 2022, le sujet n’a toujours pas été définitivement résolu. La pérennisation d’un financement par affectation ou le prélèvement de recettes devra passer par une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui fera l’objet d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale. « C’est un argument envers les détracteurs de la fusion. Il est important de signaler que les deux textes vont marcher ensemble », encourage Jean-Raymond Hugonet, mécontent du retard pris dans ce dossier. « C’est un sujet éminemment important. Cette espèce de précipitation dans la dernière ligne droite est un peu pénible. »

« On est en train de voter peut-être la fusion de l’audiovisuel public sans savoir quelles seront ses ressources. Je trouve ça incroyable », s’étonne la socialiste Sylvie Robert. Son groupe avait déposé en 2022 une proposition de loi pour « un financement affecté, juste et pérenne ».

Avant la mise en marche du chantier du financement, les regards sont braqués sur le palais Bourbon, cette semaine, et surtout fin mai. « Je vais voir si réellement la majorité présidentielle va soutenir le texte, comment le débat va s’orchestrer », prévient Jean-Raymond Hugonet, un peu inquiet sur le respect de l’agenda de la séance publique, les 23 et 24 mai. « Juste avant, il y a le texte agricole qui ne sera pas le plus simple. Pourvu qu’il n’y ait pas de débordement. » La sénatrice socialiste Sylvie Robert espère, de son côté, que les deux assemblées prendront le temps de faire jouer la navette parlementaire, sans convoquer trop rapidement une commission mixte paritaire.

En parallèle, le projet devrait susciter de vives craintes dans les sociétés actuelles de l’audiovisuel public. Les syndicats de Radio France, par exemple, ont déjà affirmé leur opposition à « toute forme de fusion » et ont appelé à la grève à ces dates à la fin du mois.

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