Paris: Vincent Bollore commission enquete Senat
Audition de Vincent Bollore, patron de CanalPlus, des groupes d edition Editis et Hachette, des journaux et magazines Prisma Media, JDD, Paris Match et de la radio Europe 1, premier actionnaire de Vivendi qui lancera son OPA sur Lagardere debut fevrier a ete entendu le 19 janvier 2022 au Senat a Paris par la Commission d enquete avec le rapporteur David Assouline, senateur socialiste de Paris et Laurent Lafon, president de la commission qui a souhaite mettre en lumiere les processus ayant permis ou pouvant aboutir a une concentration dans les medias en France, et d evaluer l impact de cette concentration sur la democratie. Paris, FRANCE - 19/01/2022 Hearing of Vincent Bollore, head of CanalPlus, of the publishing groups Editis and Hachette, of the newspapers and magazines Prisma Media, JDD, Paris Match and of the radio station Europe 1, the largest shareholder of Vivendi, which will launch its takeover bid for Lagardere at the beginning of February, was heard on 19 January 2022 in the Senate in Paris by the Commission of Inquiry, wwith the rapporteur David Assouline, Socialist Senator for Paris, and Laurent Lafon, President of the Committee which wishes to shed light on the processes that have led or may lead to a concentration in the media in France, and to assess the impact of this concentration on democracy. Paris, FRANCE - 01/19/2022//04HARSIN_VINCENTBOLLOREAUDITIONCOMMISSION014/2201191821/Credit:ISA HARSIN/SIPA/2201191830

Grève au JDD : devant le Sénat, Vincent Bolloré se défendait de tout intérêt idéologique dans le rachat de médias

Ancienne figure de l’hebdomadaire d’extrême droite « Valeurs Actuelles », Geoffroy Lejeune est pressenti pour prendre la tête de la direction générale de la rédaction du JDD, désormais contrôlé par Vincent Bolloré. Une arrivée qui a conduit à une grève immédiate de la rédaction. L’année dernière, devant la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, le magnat breton avait assuré que son intérêt pour les médias était purement économique.
Simon Barbarit

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« Sidérées », les équipes du Journal du Dimanche ont voté, jeudi, une grève reconductible pour 24 heures à 99 % (77 pour, 1 contre, 5 ne se sont pas prononcés), laissant planer l’incertitude sur la parution du titre ce dimanche.

L’annonce de l’arrivée probable de Geoffroy Lejeune pour prendre la tête de la direction générale de l’hebdomadaire a été une onde de choc en interne. « La rédaction du JDD a appris avec stupéfaction ce jeudi l’arrivée pressentie de Geoffroy Lejeune à la tête de la direction générale du journal, en remplacement de Jérôme Béglé. Nous nous opposons avec force à cette nomination (…) « Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles, exprime des idées à l’opposé des valeurs que porte le JDD depuis soixante-quinze ans », s’est ému la Société des journalistes (SDJ) dans un communiqué.

Début juin, la Commission européenne a validé la prise de contrôle du groupe de la famille Bolloré, Vivendi propriétaire de Canal plus, sur le groupe Lagardère propriétaire de Paris Match, d’Europe 1 et du JDD.

L’influence du milliardaire dans le paysage médiatique français avait été au cœur des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias l’année dernière. Auditionné, Vincent Bolloré s’était défendu de vouloir véhiculer une quelconque idéologie politique dans les médias audiovisuels de son groupe. Rappelons ici que la profusion de titres de presse écrite en France garantit à elle seule le pluralisme et avec lui une possibilité d’une presse d’opinion. Il n’en est pas de même avec les médias audiovisuels. La rareté des fréquences impose aux chaînes et aux stations de radios un pluralisme d’opinion en interne.

« Il y a une volonté de la part de Vincent Bolloré de créer un empire de propagande aux services d’idées extrémistes »

Mais pour le rapporteur socialiste de la commission d’enquête, David Assouline, la nomination prochaine de Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction du JDD « est un pied de nez à ce que déclarait Vincent Bolloré devant la commission d’enquête. Il nous disait que les concentrations des médias étaient nécessaires pour pouvoir faire face à la domination des Gafam. Il y a un sujet supplémentaire. On ne parle pas d’une simple concentration capitalistique. Il y a une volonté de sa part de créer un empire de propagande aux services d’idées extrémistes », estime-t-il.

Devant les sénateurs, Vincent Bolloré avait effectivement assuré que son intérêt à investir dans les médias n’était « pas politique », « ni idéologique ». « C’est un intérêt purement économique », assurait-il en se définissant comme un « démocrate-chrétien ».

Sur ce sujet de la rentabilité, Vincent Bolloré avait été quelque peu contredit par le PDG d’LVMH, Bernard Arnault, qui possède dans son escarcelle le Parisien et les Echos. Bernard Arnault avait jugé l’argument de la rentabilité valable uniquement pour de grandes sociétés mondiales comme Facebook ou Microsoft. « Ce qui attire les investisseurs dans les médias, souvent ce sont des propositions qui leur arrivent. On les sollicite », expliquait-il.

Le rapporteur de la commission d’enquête recommandait une stricte séparation entre le pouvoir actionnarial et le pouvoir éditorial

Afin de limiter l’influence d’un actionnaire sur un média, David Assouline recommandait la création d’un droit de véto des rédactions sur la nomination d’un nouveau directeur de l’information. Une mesure directement inspirée du journal Le Monde qui applique une stricte séparation entre le pouvoir actionnarial et le pouvoir éditorial. Son « pôle d’indépendance » lui confère le « droit d’agrément » pour l’arrivée de nouveaux actionnaires et pour la nomination du directeur de la rédaction.

Auditionnée par la commission d’enquête du Sénat, l’économiste, Julia Cagé avait d’ailleurs rappelé aux élus que la validation d’un directeur ou d’une directrice de rédaction par au moins 60 % des journalistes était une pratique qui se retrouvait dans des médias aussi divers que Le Monde, Les Echos, ou Libération. « Si on soumettait la nomination de Geoffroy Lejeune à la rédaction du JDD, il n’y aurait pas 10 % pour dire oui », estime David Assouline.

« C’est un débat d’arrière-garde, qu’on avait déjà à l’époque de Serge Dassault et de Robert Hersant. Chacun aura ses arguments »

Mais au moment de rendre ses conclusions après 6 mois de travaux, David Assouline s’était heurté à un farouche désaccord de la majorité sénatoriale de droite qui avait estimé, au contraire, que les 48 heures auditions avaient « permis d’établir que la concentration des médias n’était pas excessive en France et que le pluralisme de l’information était pleinement respecté ».

Pour Jean Raymond Hugonnet, sénateur LR, le vice-président de la commission de l’enquête, l’influence de Vincent Bolloré dans ses titres de presse « est un débat dépassé ». « Il s’agit d’une question d’équilibre. Qui finance les médias privés ? Les capitaines d’industrie. Ce n’est pas de l’argent magique. Quelqu’un qui investit dans un média, c’est quand même la moindre des choses qu’il ait son mot à dire sur le directeur de rédaction. C’est un débat d’arrière-garde, qu’on avait déjà à l’époque de Serge Dassault et de Robert Hersant. Chacun aura ses arguments. Le contribuable finance l’audiovisuel public et pourtant je ne me retrouve pas dans certains de ses contenus ».

« Quand Bernard Arnault a investi dans le Parisien, il n’a pas tout changé »

« Qu’un actionnaire principal nomme le directeur de rédaction, ça ne me choque pas. C’est pareil dans tous les milieux », appuie Michel Laugier, sénateur centriste, vice-président de la commission d’enquête avant d’ajouter : « La limite, c’est quand on va chercher quelqu’un estampillé extrême droite pour un titre qui paraît le dimanche et qui donc n’a pas vraiment de concurrent. Quand Bernard Arnault a investi dans le Parisien, il n’a pas tout changé ».

Les propos de Bernard Arnault sur l’indépendance des médias de son groupe résonnent effectivement aujourd’hui avec les inquiétudes de la rédaction du JDD. « Chaque journal a quand même une ligne. Les Echos est un journal défenseur de l’économie de marché. En tant qu’actionnaire c’est une ligne à laquelle on a adhéré, puis ce sont les rédactions qui la mettent en œuvre. […] Si demain on se trouvait avec un Parisien qui devient un journal sur un extrême ou sur un autre, ou que les Echos en viennent à défendre l’économie marxiste, je serais extrêmement gêné. Il faut que l’actionnaire puisse réagir. Je ne veux pas financer un journal qui devienne le support de l’extrême-droite ou de l’extrême-gauche », déclarait-il.

Auditionné également par la commission d’enquête, Bertrand Greco, co-président de la SDJ du Journal du Dimanche affirmait : « Notre journal n’a jamais été un média d’opinion et nous pensons qu’il se mettrait gravement en danger s’il le devenait. »

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