On pourrait parler d’un léger toilettage. La seconde lecture de la proposition de loi sur la réforme de l’audiovisuel public a démarré ce jeudi 3 juillet au Sénat, par son examen en commission de la culture, où le texte a été largement adopté grâce aux voix de la droite et des centristes en fin de matinée. Une simple formalité, dans la mesure où la version du texte sur laquelle ont planché les élus est celle-là même qui avait été adoptée par la Chambre haute il y a maintenant un peu plus de deux ans, le 13 juin 2023.
Le rejet de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale en début de semaine, avec l’adoption surprise, avant l’ouverture des débats, d’une motion de rejet déposée par les écologistes, a remis en marche la navette parlementaire. Le Palais Bourbon n’ayant pu débattre du texte, c’est la dernière version votée en séance publique, en l’occurrence celle du Sénat, qui est donc remise sur le métier. Elle sera examinée dans l’hémicycle les 10 et 11 juillet, soit les deux derniers jours de la session extraordinaire ouverte par le gouvernement.
« Tout a été calé au forcing, avec la bénédiction de Gérard Larcher »
« L’agenda est court mais, d’un autre côté, c’est un texte que nous connaissons parfaitement », explique Laurent Lafont, le président de la commission de la Culture, qui est également à l’initiative de cette proposition de loi. Une manière aussi de répondre aux critiques de la gauche, fermement opposée à la réforme, et qui accuse la ministre de la Culture, Rachida Dati, de pressuriser le Parlement pour boucler cette séquence avant qu’elle ne soit potentiellement amenée à quitter le gouvernement pour s’engager dans la bataille des municipales à Paris.
« On nous brutalise, on nous impose un calendrier qui est celui de Rachida Dati, on ne peut pas ne pas agir ! », avertit la sénatrice socialiste Sylvie Robert, oratrice de son groupe sur ce texte. « Tout a été calé au forcing, avec la bénédiction de Gérard Larcher », soupire sa collègue écologiste Monique de Marco. « C’est irrespectueux pour le travail parlementaire, alors qu’un gros travail d’amendements nous attend. » Les trois groupe de gauche de la Chambre haute – socialistes, communistes et écologistes – tiendront à ce sujet une conférence de presse commune le 9 juillet. « Il y aura un partage d’informations. Nous allons déposer des amendements de fonds, mais il y aura aussi un sujet sur la forme au vu de la situation », glisse Sylvie Robert.
Ce jeudi, en commission, les élus ont procédé à quelques retouches sur leur copie, tenant compte notamment des modifications qui ont été votées par leurs homologues des affaires culturelles à l’Assemblée nationale. « Nous avons travaillé dans un souci d’efficacité, et notre objectif est de rapprocher les deux versions du texte, celle du Sénat, et celle qu’avait établi la commission des affaires culturelles de l’Assemblée », explique Laurent Lafon. « Ce texte reste le nôtre, on ne va pas se déjuger, mais certaines dispositions, votées en 2023, devenues obsolètes depuis, appelait des modifications », ajoute le sénateur LR Cédric Vial, nommé rapporteur de ce texte.
Vers un regroupement des différentes structures de l’audiovisuel public
La proposition de loi instaure une holding exécutive, baptisée « France Médias », composée de quatre filiales : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et L’Institut national de l’audiovisuel (INA). L’objectif est de multiplier les synergies afin de « mieux répondre aux défis du numérique », mais les opposants à ce projet y voient une menace pour la spécificité des différentes rédactions du service public. Les syndicats de France Télévision et de Radio France alertent également contre un plan d’économies caché.
Ce jeudi, la commission de la culture a renforcé la marge de manœuvre de cette nouvelle entité par l’adoption d’un amendement qui fait également du PDG de la holding celui des quatre autres structures. « Je sais que certains dirigeants de chaîne voudraient avoir un patron qui n’en soit pas vraiment un, qui n’ait qu’une fonction consultative, mais j’estime que le PDG de la holding doit avoir le pouvoir et la capacité de mettre en place des changements », explique Cédric Vial, à l’origine de cet ajustement. « La concentration des pouvoirs aux mains d’une seule personne risque de compromettre la liberté d’expression », objecte la sénatrice Monique de Marco.
En contrepartie, les missions du conseil d’administration de la holding ont également été revues à la hausse. Ses membres, pour partie désignés par le Parlement, le gouvernement et l’Arcom, contrôleront l’action du PDG, en veillant notamment au respect du pluralisme sur les antennes, et en assurant un contrôle déontologique.
Alors qu’une majorité avait semblé se dégager à l’Assemblée nationale pour exclure du dispositif France Médias Monde (France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya), la commission a souhaité maintenir cette société, en charge des médias français à diffusion internationale, à l’intérieur de la holding : « C’est la plus petite des entités et, a priori, celle qui a la plus de chances de bénéficier des effets leviers », défend Laurent Lafon. « Au contraire, ils risquent d’être perdants dans les arbitrages », objecte Monique de Marcon. « Par ailleurs, ils ont un mode de fonctionnement très différent des autres entités, notamment parce qu’ils emploient des centaines de correspondants à travers le monde. »
Un volet sur les médias privés
Les sénateurs ont également tenu à renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement. Si trois-cinquième de l’ensemble des élus siégeant dans les commissions des affaires culturelles des deux chambres ne valident pas la convention stratégique pluriannuelle (CSP) présentée par le gouvernement, l’équivalent d’un contrat d’objectif et de moyens, alors l’exécutif aura obligation de revoir sa copie.
Alors que la ministre de la Culture s’était engagée à aiguiller plusieurs dispositifs de la proposition de loi qui concernent les médias privés vers un autre véhicule législatif, afin de centrer le texte sur le seul audiovisuel public, les sénateurs ont tenu à les conserver : « Il y a dans cette seconde partie du texte un certain nombre d’enjeux importants, il n’était pas question de les laisser sur le bord de la route », martèle Cédric Vial.