C’est un texte d’ampleur, d’aucuns diront maudit, égaré depuis de long mois dans les méandres de la navette parlementaire. La réforme de l’audiovisuel public, issue des travaux du Sénat où elle a été adoptée en première lecture il y a deux ans, en juin 2023, attend toujours d’être examinée par l’Assemblée nationale. En avril dernier, le texte, finalement inscrit à l’ordre du jour, s’est englué lors de son passage en commission face aux milliers d’amendements déposés. Un épisode notamment marqué par une altercation verbale entre la ministre de la Culture, Rachida Dati, et une administratrice du Palais Bourbon, ce qui a finalement abouti à une suspension de l’examen.
« Je ne veux pas trop m’avancer sur le calendrier de l’Assemblée, qui est pour le moins erratique, mais le gouvernement nous dit que le texte pourrait passer en séance plénière dans une quinzaine de jours », confie le sénateur LR Roger Karoutchi, qui était invité de la matinale de Public Sénat ce vendredi 6 juin. L’élu, co-auteur d’un rapport d’information sur le financement de l’audiovisuel public, avoue rester « méfiant » face à cette annonce ». Mais en tout état de cause, « le texte n’est pas enterré, et Madame Dati souhaite qu’il soit voté avant l’été à l’Assemblée ».
Une réforme contestée
Porté par le sénateur centriste Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, la proposition de loi, soutenue par l’exécutif, vise à mettre en place une holding, c’est-à-dire une entité qui viendrait chapeauter France Télévisions, Radio France, et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’objectif étant de favoriser les synergies face à la concurrence des plateformes de streaming. Contrairement à ce que prévoit le texte initial, le gouvernement pourrait choisir d’exclure France Médias Monde (RFI et France 24) de cette holding.
Mais la réforme suscite de nombreuses inquiétudes chez les journalistes du service public, qui redoutent notamment de voir les différentes rédactions perdre leur spécificité. Les syndicats reprochent également au gouvernement de chercher à faire des économies avec ces transformations, trois ans après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public – promesse de campagne d’Emmanuel Macron -, remplacée par une fraction du produit de la TVA.
L’épreuve du feu pour Rachida Dati
« Les députés ont prévu plusieurs séances en commission, j’attends de voir si ce sera encore bloqué et ce que décidera le gouvernement. Il y a en tout cas une volonté politique entre le ministère de la Culture et Matignon de faire en sorte que le texte revienne », poursuit Roger Karoutchi. Rachida Dati n’a cessé de dire son attachement à cette réforme, une nouvelle suspension ou un rejet représenterait un camouflet de taille pour la locataire de la rue de Valois. De là à solder son avenir au gouvernement ? « Si le texte est à nouveau bloqué, je ne vois pas trop comment Madame Dati pourra se sortir de ce blocage, au bout d’un moment ça n’a plus de sens… », répond le sénateur.
« Il faut être clair, si cette réforme ne passe pas, cela veut dire qu’elle est renvoyée à la présidentielle 2027, et qu’elle sera intégrée d’une manière ou d’une autre dans les projets des candidats. Sauf que ce ne sera plus vraiment le même texte, les choses vont bouger », prédit cet ancien ministre de Nicolas Sarkozy.