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Nadia Comaneci, jeune femme éprise de gymnastique et de liberté

Gymnaste prodige, elle est rentrée dans l’histoire en obtenant pour la première fois un 10 aux barres asymétriques, lors des Jeux Olympiques de Montréal, en 1976. Puis une seconde fois, en prenant la fuite pour les États-Unis, pour échapper à l’une des dernières dictatures d’Europe de l’Est, la Roumanie. Dans le documentaire diffusé par Public Sénat « Nadia Comaneci, la gymnaste et le dictateur » réalisé par Pola Rapaport, l’athlète se raconte. Sa carrière de gymnaste, son adolescence sous Ceausescu, les conditions de sa fuite. Un récit intimiste, qui brosse le portrait d’une jeune femme éprise de gymnastique et de liberté.
Agathe Alabouvette

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« Qui sait faire la roue ? Cette question a changé ma vie » raconte Nadia Comaneci. Née en 1961, son histoire commence dans un village des Carpates, en Roumanie. A l’âge de 7 ans, elle est repérée par un couple d’entraîneurs Bela et Marta Karolyi dans son école primaire. « Quand je suis entrée dans le gymnase, j’ai su que ma place était là » raconte-t-elle.

Décrite comme « discrète, modeste sérieuse, travailleuse » par Gaby Geiculescu, une ex-gymnaste de l’équipe nationale roumaine, Nadia Comaneci se démarque rapidement par son perfectionnisme. « Elle en faisait toujours plus. Je disais aux filles, vous faites dix pompes. Qui en faisait vingt ? C’était Nadia » abonde Bela Karolyi. Avec sa compagne, l’entraîneur travaille à former une nouvelle génération de gymnastes beaucoup plus jeunes que leurs aînées. A 12 ans, elles remportent leurs premières compétitions face des athlètes de 20 ans.

Entrée dans l’histoire à 14 ans

En 1976, Nadia Comaneci s’envole avec l’équipe de Roumanie pour les Jeux Olympiques de Montréal. Agée seulement de 14 ans, c’est son premier voyage à l’étranger. Et son premier contact avec le bloc de l’Ouest… « Je découvre les pizzas, le beurre de cacahuète, les corn flakes. Tout était moderne, bizarre, excitant » se remémore-t-elle.
Si son regard est en éveil, celui des médias pour l’équipe roumaine l’est beaucoup moins. En pleine Guerre froide, toute l’attention est braquée sur les duels que se livrent athlètes russes et américains. Jusqu’au passage aux barres asymétriques de Nadia Comaneci.
Une prestation sans faute, récompensée par le premier 10 de l’histoire de la gymnastique aux barres asymétriques. La Roumanie exulte. « Pour un peuple qui n’avait pas beaucoup l’occasion d’être heureux, c’était un grand moment » contextualise Gaby Geiculescu.
Adolescente, Nadia Comaneci entre dans la lumière. « Elle est devenue plus importante que Ceausescu ».

Une héroïne nationale

Si l’effervescence populaire est bien réelle, dans la Roumanie communiste dirigée avec brutalité par le couple Ceausescu, « le sport ne pouvait qu’être instrumentalisé » regrette Nadia Comaneci.
La gymnastique devient, aux yeux du pouvoir roumain, un formidable élément de « soft power ». A son retour en Roumanie, elle est décorée de la médaille du travail socialiste, la plus haute distinction du pays, et présentée comme un « symbole de perfection communiste ». « Ceausescu faisait pression sur nous. Nous étions censés gagner toutes les compétitions. Nous sommes devenues des pions sur un jeu d’échecs » explique Gaby Geiculescu. « Il n’y a plus de retour en arrière possible ».

Une adolescence sous Ceausescu

Pour transformer l’essai, Nadia Comaneci est transférée une année dans un centre d’entraînement à Bucarest, la capitale du pays. Emancipée de ses entraîneurs, elle découvre les discothèques, les cinémas et la vie sans ses huit heures quotidiennes de gymnastique.
Mais ce changement de rythme, additionné au divorce de ses parents, la plonge dans une profonde détresse émotionnelle. « Elle aurait accidentellement avalé le contenu d’une bouteille d’alcool fort. Les gens ont dit que c’était une tentative de suicide » relate la journaliste sportive Luminita Paul. « Oui j’étais très malheureuse mais non, je n’ai jamais tenté de me suicider » dément Nadia.
Après une mauvaise performance aux Jeux Olympiques de Copenhague, en 1978, elle réalise de belles performances aux Jeux Olympiques de Moscou, en 1980, face au principal concurrent de la Roumanie, la Russie.

A l’occasion d’une tournée de l’équipe nationale roumaine aux États-Unis, l’année suivante, son entraîneur de toujours, Bela Karolyi lui annonce qu’il ne repartira pas en Roumanie. Cet évènement fait basculer la vie de Nadia. Alors que le régime de Ceausescu se durcit, Nadia Comaneci se trouve de plus en plus isolée.
Très surveillée par la police d’État, elle n’a plus le droit de quitter le territoire roumain. Devenue étudiante, elle prend sa retraite de gymnaste et fréquente un temps le fils du couple Ceausescu. La surveillance et la notoriété qui l’entourent l’empêche de tisser des relations plus intimes avec qui que ce soit. « Qui aurait pu épouser Nadia Comaneci ? Personne ! » affirme l’actrice Anda Onesa Lieberman.
Pour la jeune femme, fuir le pays devient comme la seule solution.

Le début d’une deuxième vie aux États-Unis

Une fête chez un ami, à la frontière hongroise lui en donnera l’occasion, le 26 novembre 1989. Elle gagne clandestinement la Hongrie puis l’Autriche.
« A Vienne, dans l’ambassade américaine, je me suis écriée : je demande l’asile aux États-Unis » raconte Nadia Comaneci. « Il y aura toujours des débats sur le moment qu’elle a choisi. Est-ce qu’elle savait quelque chose, est-ce qu’elle avait anticipé les évènements ? » se demande Luminita Paul. Quelques semaines à peine après son départ, le régime autoritaire des Ceausescu tombe. Le couple meurt exécuté le jour de Noël. Nadia Comaneci, elle, ne retournera jamais en Roumanie. Elle débute une nouvelle vie aux Etats-Unis, loin de la lumière mais toujours près de la gymnastique.

Retrouvez le documentaire « Nadia Comaneci, la gymnaste et le dictateur » le vendredi 3 janvier à 17h sur Public Sénat et en replay ici.

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