Réforme de l’audiovisuel public : « S’il faut aligner tous les médias de France sur ceux de Bolloré, autant qu’on nous prévienne », alerte Laurence Rossignol

La sénatrice socialiste s’est émue de la volonté affichée par Rachida Dati de réformer l’audiovisuel public. La ministre de la Culture a affirmé lors des questions au gouvernement de mercredi 7 février vouloir reprendre la proposition de loi sénatoriale qui prévoit la création d’une holding de médias publics.
Stephane Duguet

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Pour ses premières réponses aux sénateurs lors des questions au gouvernement, Rachida Dati a remis sur le haut de la pile un serpent de mer. Outre sa volonté de réformer l’audiovisuel public, la ministre de la Culture s’est même engagée à reprendre les propositions du Sénat. « Je plaide pour un audiovisuel qui rassemble toutes ses forces et ça correspond à votre proposition de loi. […] Je la reprendrai dès que possible », a lancé l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy à Laurent Lafont, le président de la commission de la culture et auteur d’un texte sur le sujet. La proposition de loi « relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle » avait été adoptée en juin au Sénat, mais la navette parlementaire ne s’est pour le moment pas poursuivie à l’Assemblée nationale où elle n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.

Concrètement ce texte propose la création d’une holding appelée « France Médias ». Cette structure rassemblerait France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Cette formule de réforme est moins radicale que la fusion proposée dans le rapport de 2022 des sénateurs Les Républicains (LR) Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet. Avant eux, un autre rapport avait été publié par les sénateurs André Gattolin et Pierre Leleux. Au-delà de changer la gouvernance des médias publics, la proposition de loi sénatoriale adoptée en juin, souhaite remplacer par une « convention stratégique pluriannuelle » (CSP) les contrats d’objectifs et de moyens (COM). « Ils n’ont pas si bien marché que ça », appuie Rachida Dati.

Revirement du gouvernement

« C’est un revirement du gouvernement parce que Rima Abdul Malak était opposée à la création de cette holding », remarque Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône invité de Public Sénat. L’ancienne ministre de la Culture avait en effet marqué son opposition à ce qu’elle avait qualifié de « grand mécano industriel ». « Je n’y comprends plus grand-chose. Rachida Dati est à l’opposé de Rima Abdul Malak, mais je pense qu’il ne faut pas trop traîner sur ce sujet de réforme de l’audiovisuel public », exprime pour sa part Laurence Garnier, sénatrice LR et favorable à la mise en place d’une holding.

La question posée par une réforme de l’audiovisuel public est aussi celle des moyens financiers. Avec la suppression de la redevance en 2022, les médias publics reçoivent une part de la TVA. La proposition de loi sénatoriale demandait l’instauration d’une « ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation ». Pour Thomas Dossus, la création d’une holding fragiliserait directement les médias publics : « Après la suppression de la redevance, on va créer une holding pour réunir un état-major et on peut craindre une mise sous tutelle un peu plus encore de l’audiovisuel public avec une mainmise selon les gouvernements », regrette Thomas Dossus. Le président du groupe RDPI (Renaissance) au Sénat, François Patriat verrait d’un bon œil la création d’une holding « si demain on arrive à renforcer les deux entités en les rassemblant, sans licenciement et avec une hausse des moyens ».

« Qui pense qu’on a un problème de pluralisme dans l’audiovisuel public ? »

Sur les bancs de la gauche, on s’interroge surtout sur l’opportunité d’une telle réforme. « L’audiovisuel public connaît des audiences records et se développe sur les plateformes en ligne », note Thomas Dossus, faisant référence au statut de première radio de l’hexagone de France Inter. Sa collègue socialiste Laurence Rossignol s’indigne aussi des termes du débat. « J’ai entendu dans la bouche de la ministre qu’il faudrait réformer l’audiovisuel public pour mettre du pluralisme. Qui pense qu’on a un problème de pluralisme dans le service public de l’audiovisuel ? », lance l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des droits des femmes de François Hollande.

Celle qui a aussi été vice-présidente du Sénat y voit « une critique culturelle de l’audiovisuel public ». « Cette bataille culturelle passe par l’information et pas par la propagande. Ça passe par l’enquête, le journalisme. Les chaînes qui tiennent le dessus du pavé sont des chaînes sans journalistes qui font défiler toute la journée des propagandistes d’extrême droite. Et elles n’ont pas de problème de pluralisme ? », s’agace Laurence Rossignol avant de questionner : « S’il faut aligner tous les médias de France sur ceux de Bolloré, autant qu’on nous prévienne. » En tout cas, Rachida Dati a assuré aux sénateurs de la majorité Les Républicains qu’elle ne se « dérobera pas » et mènera cette réforme de l’audiovisuel public.

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