Le Senat, Paris.

Restes humains dans les collections publiques : une nouvelle proposition de loi déposée au Sénat pour les demandes de restitution

Les sénateurs déposent une nouvelle proposition de loi pour faciliter la restitutions de restes humains, conservés dans les collections publiques, à des États qui en feraient la demande. Pour les auteurs du texte, il s’agit de doter la France d’un « mécanisme clair et transparent ».
Guillaume Jacquot

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Le deuxième essai devrait être le bon. Le 10 janvier 2022, le Sénat adoptait en première lecture une proposition de loi sur la restitutions à des États des restes humains appartenant à des collections publiques (relire notre article), dans la foulée des travaux d’une mission d’information. Bien que largement soutenu dans l’hémicycle sénatorial, le texte n’a pas été étudié par l’Assemblée nationale et n’a donc pas prospéré. Le texte aurait pourtant permis d’instaurer de véritables garde-fous juridiques, tout en évitant de devoir passer par une loi spécifique pour chaque demande de restitution.

Un nouveau texte, proche de la première version, a été déposé ce 26 avril au Sénat. Contrairement à la proposition de loi votée l’an dernier, il ne prévoit plus cette fois la création d’un conseil scientifique chargé de donner son avis sur les demandes de restitution. Seul l’article fixant le cadre général de la restitution des restes humains a été conservé. Le changement à la tête du ministère de la culture a semble-t-il été bénéfique pour mettre fin au blocage.

Un travail législatif relancé au Sénat sur demande de la ministre

Selon Catherine Morin-Desailly (Union centriste), cosignataire la proposition de loi avec ses collègues Max Brisson (LR) et Pierre Ouzoulias (PCF), c’est à la demande de la ministre de la Culture Rima Abdul Malak que ce second texte a été préparé. « La nouvelle ministre souhaitait s’emparer pleinement de la question. Roselyne Bachelot avait marqué une forme de désintérêt, d’indifférence peut-être. Rima Abdul Malak m’a fait savoir que la question des restitutions était un vrai sujet. » La nouvelle proposition de loi devrait être débattue en séance au Sénat au cours d’une semaine d’initiatives sénatoriales, au mois de juin.

À travers ce texte, le gouvernement pourra autoriser, à travers un décret en Conseil d’État, la sortie des collections publiques de restes humains identifiés d’origine étrangère, sur la base d’un rapport établi par le ministère de la Culture. La loi s’applique aussi bien à des personnes identifiées ou des individus anonymes, mais dont l’origine est clairement établie. En cas de doute, un comité composé à parts égales de scientifiques nommés par l’État demandeur et la France se prononcerait.

Une série de critères pour autoriser une restitution

Étant donné le principe d’inaliénabilité des biens des personnes publiques, la proposition de loi prévoit des critères stricts pour y déroger. Comme conditions requises à la sortie des collections publiques, le texte exige que « la restitution du reste humain soit justifiée au regard des atteintes portées à la dignité humaine lors de sa collecte » ou si sa conservation dans des collections « contrevient au respect de sa culture et de ses traditions ». La sortie doit également être motivée une restitution à des « fins funéraires ». Le terme est toutefois large, puisque la proposition loi s’appliquerait également dans le cas d’une intégration dans un mémorial. C’est ce qui s’est produit pour les têtes maories restituées en 2012 à la Nouvelle-Zélande. « On a profité pour améliorer et approfondir notre texte », résume la sénatrice Catherine Morin-Desailly.

En contrepartie de cette délégation du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire, les parlementaires tiennent à restés informés. La proposition de loi prévoit la transmission d’un rapport annuel au Parlement. Il récapitulerait les demandes de restitution, les décisions de sortie des collections et les travaux préparatoires qui ont conduit aux décisions.

Cette proposition de loi, issue du Sénat, ne sera pas le seul texte législatif à l’agenda du Parlement cette année pour faciliter le déclassement d’œuvres. Avec le texte sénatorial, ce sont au total trois textes du genre qui seront débattus cette année.

Le 23 mai, le Sénat se prononcera sur le projet de loi relatifs aux biens spoliés entre 1933 et 1945. Ce texte porté par la ministre de la Culture concerne la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations, dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées pendant la période nazie.

Une future loi-cadre qui n’est pas encore connue

Le troisième texte concernera la restitution des œuvres pillées dans un contexte colonial. Ce dernier, issu du gouvernement, pourrait être débattu en fin d’année, selon Catherine Morin-Desailly. Fin février, avant une tournée diplomatique dans quatre États africains, Emmanuel Macron avait annoncé une « loi-cadre » qui permettra de « fixer à la méthodologie et les critères pour procéder à des restitutions au profit des pays africains qui le demandent » (relire notre article).

Cette semaine, le gouvernement a réceptionné le rapport de Jean-Luc Martinez. Préparées par l’ancien président du Louvre (en examen dans l’affaire des faux certificats pour plusieurs antiquités égyptiennes acquises par le Louvre Abu Dhabi), les recommandations éclaireront les ministères pour l’élaboration de la future loi-cadre et la définition des futurs critères pour encadrer la politique de restitution.

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