Rudy Ricciotti dénonce ces « écolos irascibles » qui détestent le béton

Aérienne, féminine, épurée, c’est avec ces mots que l’on pourrait résumer son architecture. Véritable poète du béton, sa créativité et son style ont fait de lui un des plus grands architectes de son temps. Le stade Jean Bouin, le Pavillon Noir, la Philharmonie de Gstaad, et bien-sûr, le Mucem : vous connaissez forcément l’une de ses créations. Une proposition esthétique assumée doublée d’un regard critique sur le monde et l'époque. Cette semaine Rebecca Fitoussi reçoit Rudy Ricciotti dans l’émission d’entretien Un monde, un regard.
Axel Dubois

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Qu’on ne s’y trompe pas, il ne les diabolisera pas. S’il défend la beauté architecturale pour tous, il avoue avoir « découvert le confort avec un HLM » quand il avait 4 ans. Des logements standardisés, sans aucune recherche esthétique, dont il sait la valeur : « C’était une époque où il n’y avait pas de logement individuel, il n’y avait pas de logement social, donc les gens étaient heureux. C’était un luxe à l’époque ».

L’architecte lauréat du grand prix national de l’architecture et du grand prix spécial du jury de l’Equerre, n’en demeure pas moins critique d’un point de vue architectural sur ces ensembles : « ce sont les conséquences néfastes d’une modernité acculturée » regrette-t-il aujourd’hui.

Une sensibilité brute

Au minimalisme conceptuel d’une architecture mondialisée, le natif d’Alger qu’il est, revendique une inspiration puisée dans ce sud qui l’a vu naitre et qu’il habite toujours. « Une architecture plutôt féminine » dit-il, une pureté et une légèreté présentes dans chacune de ses œuvres, faite de béton. Un matériau brut et brutal, tranchant avec la sensibilité de ses réalisations : « On parle à tort et à travers du béton, regrette-t-il, c’est pourtant le matériau le plus socialisé, le matériau qui défend une mémoire de proximité et des savoir-faire qui sont une richesse territoriale ».

Un matériau incompris aussi par « les écolos irascibles », comme ils les nomment : « l’empreinte environnementale – du béton – s’est considérablement réduite ces dernières années, au point qu’elle s’approche de celle du bois ». Pour lui, produire localement cette matière première reste plus bénéfique que l’importation de bois provenant de pays où le droit du travail est souvent transgressé.

Un architecte enthousiaste

Architecte anxieux et talentueux, il découvre enfant l’atmosphère des chantiers avec son père maçon. J’étais comme « Alice aux pays des merveilles » raconte-t-il, en « voyant ces ouvriers leur marteaux rangés dans leur ceinture ». De ces expériences d’enfant, il comprend l’importance du travail pour s’élever dans le monde. Pour lui, il n’y a pas de secret, pour devenir bon architecte « la vertu essentielle, c’est le travail, et la mémoire ». Des valeurs qu’il transmet aujourd’hui aux jeunes architectes qu’il forme dans son agence malgré les difficultés d’un métier confronté selon lui, à une « hystérie règlementaire ». La faute à l’administration qui justifie son existence par la réglementation qu’elle produit, une machine infernale qui se nourrit d’elle-même, dénonce-t-il, mais qui ne rebute pas la jeune génération. « J’ai toujours des jeunes architectes inexpérimentés qui viennent apprendre dans mon cabinet. En quelques mois ils deviennent de vrais fantassins, des combattants. J’en suis très surpris. », et surement un peu fier aussi.

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