Rudy Ricciotti dénonce ces « écolos irascibles » qui détestent le béton

Aérienne, féminine, épurée, c’est avec ces mots que l’on pourrait résumer son architecture. Véritable poète du béton, sa créativité et son style ont fait de lui un des plus grands architectes de son temps. Le stade Jean Bouin, le Pavillon Noir, la Philharmonie de Gstaad, et bien-sûr, le Mucem : vous connaissez forcément l’une de ses créations. Une proposition esthétique assumée doublée d’un regard critique sur le monde et l'époque. Cette semaine Rebecca Fitoussi reçoit Rudy Ricciotti dans l’émission d’entretien Un monde, un regard.
Axel Dubois

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Qu’on ne s’y trompe pas, il ne les diabolisera pas. S’il défend la beauté architecturale pour tous, il avoue avoir « découvert le confort avec un HLM » quand il avait 4 ans. Des logements standardisés, sans aucune recherche esthétique, dont il sait la valeur : « C’était une époque où il n’y avait pas de logement individuel, il n’y avait pas de logement social, donc les gens étaient heureux. C’était un luxe à l’époque ».

L’architecte lauréat du grand prix national de l’architecture et du grand prix spécial du jury de l’Equerre, n’en demeure pas moins critique d’un point de vue architectural sur ces ensembles : « ce sont les conséquences néfastes d’une modernité acculturée » regrette-t-il aujourd’hui.

Une sensibilité brute

Au minimalisme conceptuel d’une architecture mondialisée, le natif d’Alger qu’il est, revendique une inspiration puisée dans ce sud qui l’a vu naitre et qu’il habite toujours. « Une architecture plutôt féminine » dit-il, une pureté et une légèreté présentes dans chacune de ses œuvres, faite de béton. Un matériau brut et brutal, tranchant avec la sensibilité de ses réalisations : « On parle à tort et à travers du béton, regrette-t-il, c’est pourtant le matériau le plus socialisé, le matériau qui défend une mémoire de proximité et des savoir-faire qui sont une richesse territoriale ».

Un matériau incompris aussi par « les écolos irascibles », comme ils les nomment : « l’empreinte environnementale – du béton – s’est considérablement réduite ces dernières années, au point qu’elle s’approche de celle du bois ». Pour lui, produire localement cette matière première reste plus bénéfique que l’importation de bois provenant de pays où le droit du travail est souvent transgressé.

Un architecte enthousiaste

Architecte anxieux et talentueux, il découvre enfant l’atmosphère des chantiers avec son père maçon. J’étais comme « Alice aux pays des merveilles » raconte-t-il, en « voyant ces ouvriers leur marteaux rangés dans leur ceinture ». De ces expériences d’enfant, il comprend l’importance du travail pour s’élever dans le monde. Pour lui, il n’y a pas de secret, pour devenir bon architecte « la vertu essentielle, c’est le travail, et la mémoire ». Des valeurs qu’il transmet aujourd’hui aux jeunes architectes qu’il forme dans son agence malgré les difficultés d’un métier confronté selon lui, à une « hystérie règlementaire ». La faute à l’administration qui justifie son existence par la réglementation qu’elle produit, une machine infernale qui se nourrit d’elle-même, dénonce-t-il, mais qui ne rebute pas la jeune génération. « J’ai toujours des jeunes architectes inexpérimentés qui viennent apprendre dans mon cabinet. En quelques mois ils deviennent de vrais fantassins, des combattants. J’en suis très surpris. », et surement un peu fier aussi.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

comaneci
5min

Culture

Nadia Comaneci, jeune femme éprise de gymnastique et de liberté

Gymnaste prodige, elle est rentrée dans l’histoire en obtenant pour la première fois un 10 aux barres asymétriques, lors des Jeux Olympiques de Montréal, en 1976. Puis une seconde fois, en prenant la fuite pour les États-Unis, pour échapper à l’une des dernières dictatures d’Europe de l’Est, la Roumanie. Dans le documentaire diffusé par Public Sénat « Nadia Comaneci, la gymnaste et le dictateur » réalisé par Pola Rapaport, l’athlète se raconte. Sa carrière de gymnaste, son adolescence sous Ceausescu, les conditions de sa fuite. Un récit intimiste, qui brosse le portrait d’une jeune femme éprise de gymnastique et de liberté.

Le

espace 4
4min

Culture

« Dépolluer l’espace sera l’un des plus grands enjeux technologiques de notre siècle »

C’est sujet vertigineux et méconnu, qui pourrait avoir des conséquences majeures sur l’humanité. Au-dessus de nos têtes, plus de 150 millions de débris tournent en permanence autour de la Terre, à une vitesse de 7km par seconde. À tout moment, ils risquent de percuter d’autres satellites, de mettre en péril des missions spatiales ou même de retomber dans des zones habitées. A terme, ce phénomène en constante expansion pourrait bien compromettre notre exploration de l’espace en le rendant tout simplement inaccessible. Dans « Alerte en orbite, la menace des débris spatiaux », Liza Fanjeaux nous emmène aux quatre coins de la planète pour rencontrer ceux qui étudient et se mobilisent pour enrayer ce phénomène…

Le

Paris: Vincent Labrune Re-Elected President of The Professional Football League
6min

Culture

Salaire du président, élections verrouillées, budget des clubs : les révélations du Sénat sur la Ligue de football professionnel

Série. L’année 2024 s’achève, l’occasion de revenir sur les travaux législatifs marquants du Sénat. En avril dernier, une commission d’enquête était lancée sur la financiarisation du football, après le rachat de parts de la Ligue par un fonds d’investissement luxembourgeois. Six mois d’auditions et un contrôle dans les locaux de la ligue plus tard, les sénateurs ont livré leurs découvertes le 30 octobre dernier dans un rapport cinglant.

Le