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Un rapport sénatorial appelle à mieux protéger la liberté d’expression des artistes face aux diverses formes de censure

La commission de la Culture a évalué le volet consacré à la « culture » de la loi LCAP, relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, adoptée en 2016. Les sénateurs saluent ce texte, mais demandent de davantage lutter contre la censure que subissent les artistes et de replacer la création artistique au cœur des politiques publiques culturelles.
Quentin Gérard

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« Un secteur qui est très fragilisé par la dégradation des finances publiques et qui a subi de plein fouet les crises successives ». Voilà comment la commission de la Culture, de l’Education, de la Communication et du Sport justifie la mission d’information sur le volet « culture » de la loi LCAP (relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine), adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2016.

Les sénateurs admettent que cette loi est « structurante et porteuse d’avancées pour le secteur de la création ». Elle protège la création et diffusion artistique, définit le cadre de la politique de service public de soutien à la création artistique ou structure l’enseignement supérieur artistique. « Elle apparaît comme un socle normatif fondateur pour un secteur qui pâtissait jusqu’alors d’un certain flou juridique », indique les trois rapporteures : Else Joseph (Ardennes / Les Républicains), Sylvie Robert (Ille-et-Vilaine / Socialiste) et Monique de Marco (Gironde / Ecologiste).

« Un cadre protecteur malmené » par diverses formes de censure

Cependant, les élues s’inquiètent d’un « cadre protecteur malmené ». Elles constatent que « les atteintes aux libertés de création et de diffusion artistiques sont de plus en plus fréquentes quand bien même ces principes sont protégés par la loi ». Les formes en sont diverses : annulations de représentations, manifestations sur un lieu d’exposition ou encore actions d’intimidation.

Les membres de la commission sénatoriale remarquent une autre évolution : « Une nouvelle forme de censure, moins visible et plus insidieuse pouvant être qualifiée d’autocensure préventive se développe dans les territoires ». Elle se traduit par des programmateurs ou des élus locaux qui décident de ne pas mettre à l’affiche certaines œuvres par crainte d’une réaction hostile d’une partie de la population. Des cas de censure préventive impliquant des préfets, qui font valoir un risque manifeste de trouble à l’ordre public pour justifier la non-diffusion d’une œuvre sont aussi remontés aux sénatrices. Ces dernières jugent ces récentes dérives « très inquiétantes » et rappellent que « les libertés de création et de diffusion artistiques sont essentielles au bon fonctionnement d’une société démocratique ».

Un Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques

Pour y faire face, elles proposent de modifier l’article 2 de la loi LCAP pour « consacrer explicitement la pleine autonomie des principes de liberté de création et de diffusion artistiques ». Après avoir remarqué que le dépôt de plainte sur le fondement de l’article 431-1 du code pénal est « insuffisamment utilisé par méconnaissance », les élus prônent aussi la création d’un « guide juridique et pratique sur les libertés de création et de diffusion artistiques ». Elles proposent également une cellule d’observation et d’alerte au niveau de chaque direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et mettent sur la table une possible création d’instance de médiation indépendante, qui serait une sorte de Défenseur des libertés de création et de diffusion artistiques, calqué sur le Défenseur des droits.

Les politiques culturelles sont une compétence partagée entre l’Etat et les collectivités territoriales. « Un principe qui continue de faire sens » pour les sénatrices, mais qui « nécessite une coopération exigeante entre les collectivités publiques ». Selon l’article 4 de la loi LCAP, la coopération doit se dérouler au sein d’une nouvelle enceinte : les conférences territoriales de l’action publique (CTAP). « Dans la plupart des régions, elles sont inopérantes, si ce n’est inexistantes », pointent les élues. Prenant acte de cet échec, elles demandent l’émergence « d’alliances culturelles stratégiques, réunissant les collectivités volontaires et l’Etat autour d’objectifs communs ».

Reverser une partie des montants du Pass culture à la création

Les rapporteures alertent aussi sur la « grande fragilité des DRAC ». Un constat qui traduit « un affaiblissement de l’Etat culturel déconcentré ». L’objectif de cette agence régionale, déléguée par l’Etat, est d’assurer la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des actions qui relèvent des politiques nationales en faveur de la danse ou de la musique. Leurs conseillers « créations » sont peu nombreux et extrêmement mobilisés. La fusion des régions a considérablement développé leur périmètre d’intervention, sans que leur répartition globale soit harmonisée. Le rapport propose donc de « revitaliser les DRAC » en renforçant « leurs moyens humains et en leur donnant davantage de latitude pour répartir les crédits déconcentrés ».

La commission alerte aussi sur la « réduction inquiétante » des marges artistiques de nombreuses structures culturelles. Alors que le secteur de la création a fait l’objet d’une coupe budgétaire de 96 millions d’euros en début d’année, elle assure qu’en « asséchant la création, ce sont toutes les politiques publiques culturelles qui sont menacées ». A l’heure du « mieux produire, mieux diffuser », porté par le ministre de la Culture, les membres posent une question : dans ce contexte budgétairement contraint, comment financer la culture et la création ? Pour eux, l’une des pistes est de réaffecter à ce secteur une partie des financements consacrés au Pass culture. Un dispositif qui le gouvernement prévoit de réformer.

La mauvaise posture des écoles supérieures artistiques

Le rapport pointe aussi « l’urgence d’un réengagement public en faveur de l’enseignement supérieur artistique ». D’après lui, depuis huit ans, ces écoles sont toujours confrontées à d’importants problèmes structurels : elles peinent à s’inscrire pleinement dans le troisième cycle doctoral, la question du statut des enseignants n’est toujours pas réglée et dans les territoires, ces écoles sont en grandes difficultés financières. Les parlementaires appellent donc à inciter les écoles d’art à nouer des partenariats en matière de troisième cycle doctoral, à revaloriser le statut de professeur d’enseignement artistique et à réaffirmer la compétence des régions en matière de développement et de structuration de l’enseignement supérieur artistique.

Les sénatrices ont aussi identifié plusieurs sujets relatifs au secteur de la création qui nécessitent d’être traités par la loi LCAP. Notamment appeler l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à mener un travail de concertation avec les professionnels concernés pour clarifier le régime des quotas radiophoniques francophones. En particulier pour corriger les incohérences liées aux définitions des « nouveaux talents » et des « titres chantés ». Elles demandent aussi de réaffirmer la position de la France en faveur de la protection du droit d’auteur dans le contexte d’essor de l’intelligence artificielle.

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