Aides publiques aux entreprises : le président du Medef préfère attaquer « l’efficacité des impôts »

Interrogé par la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises mardi 22 avril 2025, Patrick Martin, le président du Medef a défendu la nécessité de ces aides qu’il considère comme des « compensations ».
Stephane Duguet

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C’est un président du Medef bien décidé à défendre les aides publiques aux entreprises qu’ont reçues les sénateurs mardi 22 avril 2025. Patrick Martin fait partie des chefs d’entreprises auditionnés par la commission d’enquête sur les aides publiques aux entreprises présidée par le sénateur Les Républicains Olivier Rietmann et rapportée par le sénateur communiste Fabien Gay.

« Compensations »

Face aux parlementaires, le président du Medef a commencé son propos « sans aucun esprit polémique » jure-t-il, en dépeignant les aides perçues par les entreprises comme des « compensations ». Des contreparties que devrait verser l’Etat pour « corriger les effets pervers que telle législation ou réglementation peut occasionner au détriment de la rationalité économique », développe le représentant des patrons. Selon lui l’efficacité de ces dispositifs doit être regardée en lien avec « le contexte concurrentiel et international qui se durcit. »

Il plaide ainsi pour leur maintien et ajoute que « considérer que ces aides sont excessives en France, ça me paraît un peu abusif ». Patrick Martin préfère s’interroger « sur l’efficacité des impôts au regard de la performance économique, sociale, environnementale de notre pays qui, à bien des égards, cette performance laisse à désirer. »Passe d’armes sur les 35h

Pourtant le rapporteur Fabien Gay a mis en doute l’utilité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. « Vous avez déclaré que la politique de l’offre en France avait notamment créé 2 millions d’emplois et participé à la stabilité avant le déficit que nous connaissons aujourd’hui », pointe le sénateur de la Seine-Saint-Denis. Mais la banque de France estime plutôt que la politique de l’offre a permis de créer entre 100 et 240 000 emplois. « Entre vingt et dix fois moins que ce que vous estimez », tance le rapporteur.

Patrick Martin n’indiquera pas de chiffrage précis, précisant tout de même qu’il « ne pense pas qu’on puisse déconnecter complètement cette politique dite de l’offre des performances plutôt satisfaisantes qu’a enregistrée la France ». Celui qui représente près de 200 000 entreprises lance même à Fabien Gay : « Je dois convenir que c’est à peu près aussi difficile d’établir le nombre de créations d’emplois liés à cette politique de l’offre que le nombre de créations d’emplois lié à l’instauration des 35 heures dont je pense plutôt qu’elle a conduit à des destructions d’emplois. » Réplique immédiate de l’élu communiste qui affirme qu’un rapport de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) estimait à 500 000 le nombre d’emplois créés par les 35 heures.

Conditionnalité des aides publiques

Cette passe d’armes entre les deux hommes illustre leur désaccord profond sur le sujet des aides aux entreprises qu’ils n’ont pas eu de mal à reconnaître lors de l’audition. Un désaccord qui a porté aussi sur la question de l’utilisation de ces aides par certaines entreprises pour payer des dividendes aux actionnaires. « Permettez à la représentation nationale […] de dire qu’à un moment donné, on veut bien que les entreprises soient accompagnées par de l’argent public, mais pas, et qu’on en soit certain, qu’il nourrisse les dividendes », avance Fabien Gay. Sans surprise Patrick Martin a défendu la nécessité pour une entreprise de promettre une plus-value à ses actionnaires au risque de les voir se retirer du capital. « L’actionnariat quand il est international, n’a aucune raison d’être patriote », ajoute même le président de la commission Olivier Rietmann qui estime que pour ces investisseurs, « c’est la rentabilité qui compte ».

Un même antagonisme a opposé le rapporteur et le président du Medef sur la pratique des rachats d’actions qui permet aux entreprises de réduire leur capital et d’augmenter artificiellement la valeur du groupe. Sans défendre toutes ces opérations, Patrick Martin explique qu’il y a « des circonstances où l’entreprise se doit de soutenir son cours de Bourse si elle ne veut pas partir vers des horizons inconnus », dans des cas où l’entreprise est en « excédant de trésorerie » par exemple. Mais selon le patron des patrons, la pratique est marginale et les entreprises préfèrent investir plutôt que de racheter des actions.

Interrogé sur sa position concernant la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, Patrick Martin a assuré que c’était déjà le cas : « On n’a pas d’aide à l’apprentissage si on n’embauche pas d’apprentis, on n’a pas d’allégements de charges si on n’a pas des salariés qui rendent éligibles à ces allégements de charges. Le crédit d’impôt recherche est un des dispositifs les plus contrôlés de France. ». Dans le contrôle de l’utilisation de ces aides, le président du Medef préférait d’ailleurs « qu’il y ait une obligation de résultat plus qu’une obligation de moyens. »

 

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