Aides publiques aux grandes entreprises : Engie interrogé sur son rôle « d’intermédiaire » lors du déploiement du bouclier tarifaire

Auditionnées par la commission d’enquête sur les aides publiques aux grandes entreprises du Sénat, les cadres d’Engie ont expliqué le rôle de l’entreprise lors de la crise énergétique liée à l’invasion russe en Ukraine. Pour Catherine MacGregor, l’Etat n’a fait que « compenser » les « avances » d’Engie après le déploiement du bouclier tarifaire par le gouvernement.
Clarisse Guibert

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Face aux sénateurs de la commission d’enquête sur les aides publiques versées aux grandes entreprises, Catherine MacGregor, Directrice générale et Laurence Jaton, Vice-Présidente Direction Financière du Corporate et Fiscale Groupe d’Engie ont détaillé les différentes aides publiques perçues par l’entreprise, notamment lors de la crise énergétique de 2022. Pour Catherine MacGregor, Engie a un rôle « d’utilité publique » qui justifie les « aides perçues mais entièrement reversées » aux consommateurs lors du déploiement du bouclier tarifaire.

Pour rappel, la commission d’enquête vise à mesurer le coût des aides publiques perçues par les grandes entreprises, c’est-à-dire celles de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros. Elle ambitionne également d’évaluer le contrôle et le bien-fondé de ces aides. Après plusieurs semaines d’auditions, la commission recevait donc les cadres d’Engie, « acteur majeur de la politique énergétique française », comme l’a précisé la directrice générale. Engie est notamment 2e producteur d’électricité après EDF, et le premier opérateur dans l’énergie éolienne.

Bouclier tarifaire : le rôle de « protecteur au nom de l’Etat » d’Engie scruté par Fabien Gay

Dès le propos introductif, les cadres d’Engie ont énuméré le type d’aides reçues et le montant de celles-ci. Catherine MacGregor a évoqué les aides publiques « perçues et conservées » par Engie, c’est-à-dire les subventions, les aides fiscales et sociales, comme les baisses d’impôts et de cotisations, mais également les aides « perçues par le groupe et entièrement restituées ». Ici, Engie ne serait qu’un « intermédiaire » entre l’Etat et les consommateurs en temps de crise, comme après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Ce rôle de « protecteur au nom de l’Etat » s’est notamment concrétisé lors du bouclier tarifaire, décidé par l’exécutif la même année, qui permettait de bloquer la hausse des prix de l’électricité et du gaz. En d’autres termes, Engie avançait la baisse promise par le gouvernement aux consommateurs, et l’Etat leur remboursait. Cette forme d’aide a atteint 2 milliards d’euros en 2023 et 2024, selon la directrice générale.

Mais ces aides « indirectes » sont « un vrai débat », pour le rapporteur de la commission d’enquête, le sénateur communiste Fabien Gay. « Ce n’est pas de l’argent qui a été donné aux consommateurs » rétorque-t-il, et ces 2 milliards d’euros ont « pesé très fortement dans le budget de l’Etat ». Fabien Gay note également qu’en parallèle, Engie a enregistré de bons scores : un résultat net pour le groupe à hauteur de 5,2 milliards d’euros et a reversé 3,4 millions de dividendes au niveau mondial. Ces chiffres interrogent le rapporteur, d’autant plus que « tous les groupes énergétiques, cette année-là, ont fait un bon remarquable », relate-t-il.

« Ça n’a rien à avoir » répond Catherine MacGregor : « Quand l’Etat décide de caper le prix facturé aux consommateurs » cela représente « une perte » pour Engie, que « le gouvernement a décidé de compenser ». Mais Fabien Gay persiste et signe : « Les prix qui ont été fixés pour caper et indemniser la perte ont été très largement surestimés », assure le sénateur.

Engie souhaiterait percevoir « plus » de subventions de l’Etat pour agir sur la décarbonation

Après ce débat inachevé, les sénateurs ont interrogé les cadres d’Engie sur les autres types d’aides dont a bénéficié l’entreprise. En termes de subventions, Catherine MacGregor parle d’environ « 30 millions » d’euros. Ces aides « ponctuelles » interviennent « dans le cas d’alignement avec les politiques du pays, et en particulier celles pour la décarbonation », affirme-t-elle. Engie a notamment déposé des demandes de subventions pour le projet « Masshylia », qui vise le développement d’un site de production d’hydrogène vert. Mais la directrice générale regrette le montant relativement faible de ces aides : « j’aimerais que ce soit plus », a-t-elle confié aux sénateurs.

Puis, la directrice générale d’Engie a évoqué les aides fiscales et sociales dont le montant atteint, tout compris, 120 millions d’euros. A ce sujet, Fabien Gay a interrogé les dirigeants d’Engie sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), un allègement fiscal destiné aux entreprises qui employaient des salariés. Dans ce cadre, Engie a perçu 100 millions d’euros sur la dernière année, c’est-à-dire 600 millions en tout.

En matière d’aides, « la stabilité dont on peut bénéficier en Europe ou en France peut devenir un vrai avantage concurrentiel si on sait la maintenir », affirme Catherine MacGregor

Comme pour les autres auditionnés, les sénateurs ont demandé l’avis des cadres d’Engie sur l’organisation des aides publiques en France. Pour la directrice générale, elles doivent reposer sur trois grands principes : « La simplicité, la cohérence et la stabilité ». La simplicité, d’abord : Catherine MacGregor dit voir dans la France une « championne de la complexité ». Sur la cohérence ensuite, la directrice générale a parfois pointé les injonctions contradictoires de l’Etat. Il faut une « politique énergétique claire, qui permet d’inscrire les aides en cohérence avec les autres », a-t-elle affirmé.

Enfin, Catherine MacGregor a effleuré l’actualité économique internationale, et notamment la guerre commerciale menée par les Etats-Unis. Sans les nommer, la directrice générale a loué la « stabilité » du Vieux continent, qui constitue un véritable « avantage » pour investir sereinement. Mais Catherine MacGregor a tout de même invité la France à se doter d’une loi de Programmation pluriannuelle énergétique pour parfaire cette « stabilité ».

Les travaux de la commission d’enquête doivent se poursuivre jusqu’à l’été 2025. En attendant, les sénateurs auditionnaient également François Jackow, directeur général d’Air Liquide, ce jeudi 10 avril.

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