Aides publiques aux grandes entreprises : « Il faut nationaliser ArcelorMittal », lance Arnaud Montebourg

Auditionné par la commission d’enquête sur les aides publiques aux grandes entreprises du Sénat, Arnaud Montebourg est revenu sur le cas d’ArcelorMittal, dont il avait proposé la nationalisation en 2012, lorsqu’il était ministre de l’Economie sous François Hollande. Le 23 avril dernier, l’entreprise de sidérurgie a annoncé la suppression de plus de 600 postes en France.
Marius Texier

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« A l’époque, j’ai proposé la nationalisation », se souvient Arnaud Montebourg devant le sénateur communiste Fabien Gay, rapporteur de la commission d’enquête et le président Olivier Rietmann, sénateur Les Républicains. « La prise de contrôle, c’est de l’aide publique. Et il faut parfois savoir utiliser l’outil de la prise de contrôle », préconise l’ancien ministre.

Fabien Gay rebondit : « Je partage cette idée de nationalisation. L’Etat promet plusieurs millions, mais l’entreprise délocalise fortement à l’étranger. L’acier est stratégique, c’est une question de souveraineté », souligne le sénateur.

Près de 300 millions d’aides publiques

Le 27 mars dernier, la commission d’enquête sur les aides publiques aux grandes entreprises du Sénat a auditionné ArcelorMittal. Devant les sénateurs, l’entreprise assurait avoir perçu 298 millions d’euros d’aides en 2023 dont 195 millions d’euros concernant l’énergie. L’entreprise a également reçu près de 850 millions d’euros d’aide de l’Etat français pour son projet de décarbonation de deux hauts fourneaux à 1,8 milliard d’euros.

Un mois à peine après l’audition, ArcelorMittal annonçait la suppression de plus de 600 postes en France. « Monsieur Mitall répartit son intérêt sur l’ensemble de la planète », prévient Arnaud Montebourg. « La France ne l’intéresse pas. Il a mené tous les gouvernements par le bout du nez. Ce fut le cas dans de nombreux pays étrangers ».

Si Arnaud Montebourg semble particulièrement sensible sur ce sujet, c’est que l’ancien ministre a déjà eu affaire à l’entreprise de sidérurgie, dans un bras de fer historique.

Le bras de fer perdu

En 2012, ArcelorMittal souhaite se séparer d’une partie de son site situé à Florange en Moselle. S’engage alors une confrontation entre Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif de l’époque et l’entreprise. Ce que souhaite le ministre : que l’entreprise mette en vente le site de Florange afin que l’Etat procède à une nationalisation. De son côté, ArcelorMittal – groupe fondé après une OPA de la société Mittal Steel Company sur la société européenne Arcelor en 2006 – ne veut pas entendre parler d’une vente. Après de multiples remous, Arnaud Montebourg est désavoué par son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui ne souhaite pas aller vers une nationalisation.

« Même les britanniques l’ont fait »

Mais l’idée d’une nationalisation semble pour autant avoir fait son petit bout de chemin. Interrogé par Public Sénat, le sénateur du Nord, Patrick Kanner a réagi à l’annonce d’ArcelorMittal de supprimer plus de 600 postes en France. Le président du groupe socialiste au Sénat, envisage la « nationalisation » pour tenter de « faire bouger les lignes » chez Arcelor. Comme lui, certains élus envisagent aussi l’arrêt des aides publiques à l’entreprise.

Ce mardi, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a participé à une visioconférence avec les élus de Dunkerque et les organisations syndicales d’ArcelorMittal. Quelques jours auparavant, le ministre écartait l’option d’une nationalisation lui préférant des investissements industriels.

Pour Arnaud Montebourg, cette aide publique particulière qu’est la nationalisation n’est pas rare. « Même les Britanniques l’on fait, alors pourquoi pas nous ? », s’est-il interrogé.

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