France International Women’s Day
A woman holds a banner reading "precariousness" during a demonstration as part of the International Women's Day, Wednesday, March 8, 2023 in Paris. Feminist activists see the pension reform as unfair to women, especially because they say it would further deepen gender inequalities faced during their career. (AP Photo/Christophe Ena)/PAR110/23067492680722-0//2303081445

Amputé de 10 %, le budget alloué à la lutte pour l’égalité femmes-hommes inquiète les associations

Parmi les secteurs impactés par les coupes budgétaires annoncées par Bruno Le Maire, la mission égalité femmes-hommes voit ses crédits diminuer de 7 millions d’euros. Si Aurore Bergé a assuré que les coupes budgétaires ne toucheraient pas la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, les associations féministes restent vigilantes.
Rose-Amélie Bécel

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« Les associations féministes sont à bout de souffle », ont alerté ce 5 mars quatre organisations (la Fondation des Femmes, le Planning Familial, la fédération des centres d’information sur les droits des femmes et la fédération Solidarité Femmes), dans un courrier sollicitant un rendez-vous avec Gabriel Attal. Sur les 10 milliards d’euros d’économies annoncés par Bruno Le Maire, 7 millions seront supportés par la mission « égalité femmes-hommes » du budget 2024. À côté des plus de 2 milliards d’euros d’économies demandés au secteur de l’écologie, l’effort peut sembler dérisoire. Mais cette coupe budgétaire représente tout de même une diminution de 10 % du budget de 77 millions d’euros, voté en décembre.

Auditionnée ce 5 mars par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a assuré que ces coupes budgétaires ne concerneraient pas la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. « Le 3919 [numéro d’urgence pour les femmes victimes de violences], le Planning Familial et toutes les associations qui luttent pour l’accès aux soins et contre toutes les formes de violences, ne verront en aucun cas leur budget être amputé », s’est engagée Aurore Bergé auprès des députés.

« C’est bien joli d’inscrire l’IVG dans la Constitution, mais derrière que fait-on ? »

« Cette coupe budgétaire, c’est une forme de négation du travail des associations. Nous sollicitons un rendez-vous avec le Premier ministre car nous avons besoin qu’il prenne conscience de l’importance de ce travail de terrain », explique Zoé Royaux, porte-parole de la Fondation des femmes. À ce jour, le courrier des quatre associations n’a reçu aucune réponse de Matignon. Pourtant, il y a urgence à donner davantage de moyens aux associations qui assurent la prise en charge des femmes victimes de violences, alerte Zoé Royaux : « Les femmes ne sont pas toujours accueillies dans des locaux décents, les salariés doivent bricoler pour résoudre certains problèmes et ne sont pas dignement payées… »

À la veille de la journée internationale des droits des femmes, trois jours après la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse, l’annonce passe d’autant plus mal. « C’est bien joli d’inscrire l’IVG dans la Constitution, mais derrière que fait-on ? Si nous ne mettons pas les moyens, toutes ces propositions resteront des vœux pieux », regrette la porte-parole de la Fondation des Femmes. « D’un côté on avance, de l’autre on recule, c’est épuisant pour les personnes qui s’investissent dans les associations », ajoute Mine Günbay, directrice générale de Solidarité Femmes, qui coordonne un réseau de 80 associations et gère le numéro d’écoute 3919.

Pour Éric Bocquet, rapporteur de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » du budget 2024 qui comprend les crédits alloués à l’égalité femmes hommes, ces coupes budgétaires sont « un très mauvais signal ». « Cela montre bien que les crédits consacrés à cette mission ne sont pas sanctuarisés, que lorsqu’il y a des économies à faire elles concernent aussi ce qui a pourtant été annoncé comme la grande cause du quinquennat », déplore le sénateur communiste. Dès 2020, dans un rapport d’information sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, Éric Bocquet et son collègue Arnaud Bazin (LR), alertaient sur la nécessité de « rendre les financements plus lisibles et à la hauteur des enjeux ». Pour cela, les deux sénateurs préconisaient la création d’un « fonds interministériel et pluriannuel ».

Des besoins chiffrés « entre 2,3 et 3,2 milliards d’euros par an »

En termes de politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes, la méthode espagnole, organisée depuis 2004 autour d’une loi-cadre de « protection intégrale contre les violences conjugales », est souvent montrée en exemple. « Cette loi-cadre est accompagnée d’une loi budgétaire, qui donne une feuille de route claire. En France, on se perd entre les compétences du ministère de l’Intérieur, de la Justice… Nous manquons d’une approche globale », déplore Zoé Royaux.

Sans coordination de l’action entre les différents ministères, la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes pourrait aussi souffrir des coupes budgétaires opérées dans les autres ministères. « Pour lutter contre les violences, il faut agir à tous les niveaux, aussi bien en matière de prévention – dans le milieu scolaire par exemple – que de répression. Or, le budget de l’Education nationale est aussi fortement touché par ces économies », s’inquiète Mine Günbay. « Nous savons que les résultats d’une politique de lutte contre les violences faites aux femmes n’arriveront pas en un an. Pour permettre aux associations de travailler sereinement, il faudrait donc que leur budget soit sanctuarisé », demande la directrice générale de Solidarité Femmes.

Début 2022, la Fondation des Femmes demandait au gouvernement d’allouer un milliard d’euros à la lutte contre les violences conjugales. Mais, face aux sollicitations de victimes toujours plus nombreuses, l’association a revu son chiffre à la hausse. Dans un rapport publié en septembre 2023, l’organisation estime désormais les besoins « entre 2,3 et 3,2 milliards d’euros par an ».

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