« 700 à 800 millions d’euros ». Interrogée par la commission des finances du Sénat le 16 juillet, Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, a jugé que la maîtrise de la croissance des arrêts maladie devrait permettre de dégager cette somme. En nette hausse, l’indemnisation des arrêts maladie représentait 12 milliards d’euros en 2022 contre 7,69 milliards d’euros en 2017. Ces chiffres excluent les arrêts pour maladies professionnelles et accidents du travail qui représentaient 4,4 milliards d’euros en 2022 et les arrêts pour maternité et paternité qui représentaient 3,8 milliards d’euros cette même année. Alors qu’on observait une croissance annuelle des dépenses d’arrêts maladies de 2,9% entre 2010 et 2019, cette croissance s’établissait à 6,3% entre 2019 et 2023, de quoi alerter le gouvernement qui souhaite endiguer cette envolée.
Une envolée expliquée par divers facteurs
Pandémie, inflation, vieillissement…plusieurs facteurs contribuent à la forte croissance des arrêts de travail. Sur la hausse de 4,3 milliards d’euros constatée entre 2017 et 2022, 1,7 milliard d’euros s’explique par la Covid-19 qui a fait exploser le coût des arrêts de 30% en 2020. En outre, 58% de cette hausse entre 2019 et 2023 s’explique par des facteurs démographiques et économiques.
L’augmentation du nombre d’actifs et leur vieillissement contribuent ainsi à une croissance des arrêts de travail. Selon la Cour des comptes, « depuis 2017, la population active a augmenté de 2,5% ». Aussi, les magistrats financiers constatent que « les plus de 55 ans représentaient 18,3 % de la population active en 2022 mais 27 % des journées indemnisées par l’assurance maladie au titre des indemnités journalières maladie. La durée moyenne des arrêts de travail indemnisés des 55-59 ans s’établissait à 53 jours en 2022, contre 29 jours pour les 35-39 ans ».
L’inflation récente et les revalorisations salariales qui ont suivi ont aussi eu un effet multiplicateur sur le coût des arrêts de travail. Le SMIC a ainsi augmenté de 2,8% entre 2017 et 2019 et de 13,6% entre 2020 et 2023. Ces hausses de salaires ont contribué à une augmentation mécanique du coût des indemnités journalières versées. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), cette hausse des salaires a représenté 39% de l’augmentation du coût des arrêts depuis 2019.
Toutefois, 42% de l’augmentation du coût entre 2019 et 2023 serait expliquée par une hausse du recours aux arrêts de travail notamment chez les jeunes et par un allongement de la durée des arrêts selon la CNAM.
Quelles solutions face à cette situation ?
Actuellement, le cadre juridique prévoit le versement d’indemnités journalières par l’assurance maladie à compter du 4ème jour non travaillé. Pour réaliser des économies, la piste du gouvernement serait que la Sécurité sociale commence à verser des indemnités à partir du 8ème jour non travaillé. Entre le 4ème et le 7ème jour, il reviendrait alors à l’entreprise de régler ces indemnités à la place de l’assurance maladie. Cette solution provoque la colère des organisations patronales qui refusent de se substituer ainsi à l’Assurance maladie dans le versement des indemnités journalières.
Une autre option a été mise sur la table par la CNAM pour calmer cette colère : le jour de carence d’ordre public. Actuellement, de multiples accords collectifs prévoient la continuité du versement du salaire par l’entreprise les premiers jours d’arrêts de travail. S’il était consacré, le jour de carence d’ordre public obligerait les entreprises à ne pas verser de salaire le premier jour suivant l’arrêt maladie. Cette mesure permettrait une économie d’1 milliard d’euros pour les entreprises selon la Cour des comptes dans un rapport de mai 2024. Toutefois, elle entraînerait mécaniquement une perte de 400 millions d’euros pour la Sécurité sociale du fait du non-versement de cotisations sociales sur le salaire qui n’est pas payé. Elle mettrait en outre du temps à se mettre en place puisqu’elle demanderait une révision des accords collectifs en vigueur.
La Cour des comptes et la CNAM avancent également d’autres pistes d’économies dans divers rapports. Les deux institutions évoquent par exemple la réduction de la durée maximale d’indemnisation ou l’obligation de déclaration d’un motif pour justifier l’arrêt de travail.
Reste à voir désormais les options définitivement retenues par le gouvernement dans le cadre de son projet de loi de finances pour 2026.