Atos : les dirigeants « confiants » sur l’avenir du groupe, les sénateurs appellent l’État à faire une entrée durable au capital

Auditionnés devant la mission d’information sénatoriale, le président du conseil d’administration et le directeur général de la société se sont montrés confiants sur l’avenir de leur groupe, après des accords de liquidités conclus ces derniers jours. Lourdement endetté, le fleuron français de l’informatique a toujours besoin d’énormes apports financiers, le temps de relever la tête. Les sénateurs appellent l’État à davantage d’engagement.
Guillaume Jacquot

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Quelle pérennité pour le groupe Atos et ses activités ? Ses deux plus hauts dirigeants se sont montrés « confiants » au Sénat sur la capacité de l’entreprise à surmonter ses difficultés financières. Étranglé par cinq milliards d’euros de dettes, le groupe, leader de services numériques sur le continent européen, est dans la tourmente. Un exemple parlant : sa valeur sur les marchés a dévissé de 80 % en l’espace d’un an. Au Sénat, les inquiétudes sont profondes, une mission d’information sénatoriale se penche sur les perspectives du fleuron français, depuis le début de l’année.

Les enjeux sont en effet autant économiques – l’entreprise compte 100 000 collaborateurs dont 10 000 en France – que stratégiques. Certaines de ses activités sont hautement sensibles, comme la production de supercalculateurs pour les simulations nécessaires à la dissuasion nucléaire française, depuis la fin des essais en 1996. À un moment où de nouveaux acteurs financiers vont se présenter, l’apparition d’acheteurs étrangers inquiète la représentation nationale. Le sénateur LR Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, a exprimé plusieurs fois ses préoccupations à ce sujet.

Engagement sur la protection des activités sensibles

« Ce qui est fait aujourd’hui doit rassurer tout le monde. Quelle que soit l’évolution du groupe, le problème de souveraineté est complètement sous contrôle et réglé », a tenu à insister Jean-Pierre Mustier, le président du conseil d’administration d’Atos, qualifiant l’intervention de l’État de « décisive ».

Cette assurance s’explique par les garanties de L’État, qui a accordé un financement d’urgence de 50 millions d’euros à l’entreprise. Moyennant quoi, l’État disposera d’une action de préférence, c’est-à-dire d’un statut spécial, pour acquérir des segments sensibles tels que la filiale Bull SA, spécialisée dans l’activité des supercalculateurs. Interrogé sur les activités stratégiques qui pourraient malgré tout subsister en dehors de Bull, Jean-Pierre Mustier a indiqué qu’Atos ferait en sorte « que dans le cadre de l’accord avec l’État, l’ensemble des activités sensibles puissent être sous le même chapeau ». « Nous avons un accord avec l’Etat pour que des activités qui ne seraient pas à l’intérieur de Bull SA puissent être bougées à l’intérieur », a-t-il insisté.

« Le plan que nous avons partagé avec les créanciers, c’est un plan sans séparation d’actifs »

Autre interrogation qui est revenue durant l’audition : l’intégrité du groupe est-elle menacée ? La question a été soulevée en particulier par le sénateur Fabien Gay (communiste), inquiet d’une « vente à la découpe » du fleuron français. « Nous avons proposé aux différents apporteurs de capital potentiels un plan qui, aujourd’hui, se déroule avec un groupe uni », a assuré Jean-Pierre Mustier. Ce qu’a également confirmé Paul Saleh, le directeur général d’Atos : « Le plan que nous avons partagé avec les créanciers, et le marché, c’est un plan de tout le groupe, sans séparation d’actifs […] On veut tout garder pour le moment ».

Le groupe est à la recherche de 1,2 milliard d’euros et prévoit de convertir en actions près de la moitié de sa dette de 5 milliards d’euros. Sur les besoins de moyen terme, 600 millions d’euros sont nécessaires pour les années 2024 et 2025. « Après ça, la compagnie commence à générer du cash », a détaillé le directeur général Paul Saleh.

Ce mardi, Atos a annoncé un accord de principe avec un groupe de banques et l’État sur un financement intermédiaire de 450 millions d’euros, permettant de lui donner de l’air jusqu’à la conclusion d’un accord de refinancement d’ici juillet 2024. Dans le détail, ce plan de refinancement se compose de 400 millions d’euros d’apports de liquidités de court terme – 300 apportés par des établissements bancaires et 100 sous forme d’obligations. Les 50 millions restants sont apportés par l’État.

« Nous sommes très confiants sur la pérennité des emplois »

« Nous sommes très confiants pour l’avenir de la société, de pouvoir mener ce processus à l’intérieur du cadre de la conciliation, pour trouver un accord avec des apports de capital. Nous sommes très confiants sur la pérennité des emplois et notre capacité de servir nos clients », a répété Jean-Pierre Mustier.

« Cela dit, ce n’est plus dans nos mains. Ces apporteurs [de capital] vont venir avec des plans. Le conseil d’administration, le management, sous l’égide du conciliateur, vont essayer de faire en sorte qu’on ait un plan acceptable par les différentes classes de parties prenantes, qui vont voter sur ce plan », a toutefois souligné le président Jean-Pierre Mustier. En particulier les créditeurs, et les actionnaires.

Les propositions des créanciers sont attendues le 26 avril, et c’est aussi à la même période que la mission sénatoriale formulera ses conclusions : le 30 avril. Les quatre rapporteurs ont néanmoins appelé l’État dès ce matin à faire une « entrée durable au capital » d’Atos. Le plan transitoire de 450 millions, dont 50 à la charge de l’État, ne constitue « qu’une première étape face aux défis », selon eux. Les sénateurs « appellent le gouvernement à envisager une intervention plus stratégique et à long terme, notamment par une participation de l’État au capital d’Atos via Bpifrance », à même de stabiliser selon eux la situation du groupe et de rétablir la confiance des marchés.

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