La gauche sénatoriale veut que l’État prenne possession des sites d’ArcelorMittal en France, considérés comme stratégiques pour la production d’acier. C’est le sens d’une proposition de loi qui sera débattue au Sénat ce 30 octobre, dans le cadre de l’espace réservé au groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Kanaky (CRCE-K). Déposé au mois de mai par les sénateurs communistes, ce texte a également été consigné par les socialistes et les écologistes, y compris leurs présidents de groupe.
Cette initiative parlementaire intervient alors que le géant de l’acier, confronté à d’importantes difficultés économiques, a annoncé en avril la suppression de plus de 600 postes en France, dont près de la moitié sur son site de production Dunkerque. Les syndicats doivent se prononcer le 7 novembre sur le projet d’accord de plan social.
Pour les signataires de la proposition de loi, la nationalisation des sites industriels du groupe sur le territoire français, considérés comme étant « d’intérêt général » répond à trois impératifs : la transition écologique, la sauvegarde des emplois directs et indirects, ainsi que la souveraineté industrielle.
Une réponse « sans effet » sur la crise structurelle que traverse l’acier européen, selon Arnaud Bazin (LR)
La proposition n’a toutefois été adoptée en commission des finances le 22 octobre, étant donné le refus de la majorité sénatoriale de droite et du centre, qui plaide pour des réponses à l’échelle européenne. Le rapporteur, Arnaud Bazin (LR), a considéré que cette proposition serait « sans effet » sur la « crise structurelle » à laquelle le groupe est confronté : baisse de la demande d’acier en Europe, surcapacité mondiale d’acier estimée à 600 millions de tonnes par an, la réduction des quotas gratuits d’émission de carbone, et hausse du prix de l’énergie en Europe.
Le sénateur du Val-d’Oise a considéré en outre que les sites de productions, s’ils étaient rachetés par l’État, seraient fragilisés en raison de leur isolement. « ArcelorMittal Europe a la main sur le carnet de commandes du groupe à l’échelle continentale », a-t-il argumenté.
Les communistes dénoncent le « véritable réquisitoire » du rapporteur LR
La droite a également dénoncé le « coût massif pour les finances publiques ». Le rapporteur a évoqué un « prix d’achat dont l’ordre de grandeur avoisine au minimum 1 milliard d’euros », sans compter les investissements nécessaires à la décarbonation des sites. Le rapporteur a par ailleurs soulevé un risque d’inconstitutionnalité sur le mécanisme de sous-indemnisation du groupe ArcelorMittal.
« Je suis sénatrice de la Loire. Quand on a vécu la désindustrialisation, c’est ensuite un coût pour l’État, les collectivités, en matière sociale, en matière de réaménagement du territoire. 40 ans après la fermeture de Creusot-Loire à Firminy, le réaménagement n’est pas terminé », rétorque Cécile Cukierman, présidente du groupe CRCE-K.
La semaine dernière, le sénateur communiste Pascal Savoldelli a dénoncé un « véritable réquisitoire » du rapporteur contre la proposition de loi. Le sénateur du Val-de-Marne a rappelé que le Royaume-Uni et l’Italie s’étaient déjà engagés dans cette voie. Outre-Manche, le gouvernement a fait passer un projet de loi, afin de placer temporairement British Steel sous le contrôle de l’Etat, n’excluant pas une nationalisation à terme. En 2021, en Italie, le gouvernement a racheté à ArcelorMittal l’aciérie la plus grande du pays. « Elles se sont révélées être des impasses, ces deux pays se retrouvant contraints de financer les déficits de ces entreprises et cherchant désormais à s’en défaire », a estimé de son côté le rapporteur.
Pascal Savoldelli a par ailleurs rappelé que le groupe a réalisé « 12 milliards d’euros de rachats d’actions en l’espace de quatre ans ». « Je prends donc note de votre avis négatif sur cette proposition de nationalisation, mais je vous appelle à agir dans ce dossier qui soulève de sérieux enjeux en termes d’emplois et de souveraineté », a-t-il demandé à ses collègues de la majorité sénatoriale. L’exposé des motifs du texte rappelle en outre qu’ArcelorMittal a bénéficié de 298 millions d’euros d’aides publiques en 2023.
« Je suis sénatrice de la Loire. Quand on a vécu la désindustrialisation, c’est ensuite un coût pour l’État, les collectivités, en matière sociale, en matière de réaménagement du territoire. 40 ans après la fermeture de Creusot-Loire à Firminy, le réaménagement n’est pas terminé », rétorque Cécile Cukierman, présidente du groupe CRCE-K.