Budget 2024 : le Sénat adopte le projet de loi de fin de gestion, avec un déficit attendu à 6,1 %  

Les sénateurs ont adopté ce 25 novembre le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Le texte consiste à opérer des ajustements budgétaires de fin d’année, pour permettre de « contenir » le déficit public à 6,1 % du PIB. Il permet également de financer certaines dépenses imprévues survenues ces derniers mois.
Guillaume Jacquot

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Après avoir ouvert ce 25 novembre la discussion générale sur le budget 2025, le Sénat a approuvé (232 voix contre 101) dans l’après-midi les ultimes ajustements budgétaires pour l’année 2024. Après son rejet à l’Assemblée nationale le 20 novembre, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 a passé sans difficulté l’étape du Sénat, où le gouvernement compte une solide majorité d’appuis. « Il nous reviendra en commission mixte paritaire de tout faire pour nous mettre d’accord avec les députés sur un texte », a fait savoir le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson (LR). Le projet de loi adopté prévoit un déficit de 6,1 %, très loin des 4,4 % sur lesquels reposait la loi de finances initiale, adoptée l’an dernier, en raison principalement d’une quarantaine de milliards d’euros de recettes fiscales qui ont manqué par rapport à la prévision.

Loin de vouloir donner quitus au précédent gouvernement, d’autant qu’un récent rapport critique a mis en cause « l’attentisme et l’inaction dommageables » des précédents ministres dans le dérapage budgétaire, la majorité de droite et du centre a toutefois bien voulu appuyer ces ultimes mouvements budgétaires de l’année en cours, pour limiter la casse. Pour le gouvernement, ce nouveau « frein » budgétaire permis par ce projet de loi est un « préalable nécessaire », pour respecter l’objectif d’un déficit public ramené à 5 % en 2025.

Des dépenses d’Etat inférieures de 6 milliards d’euros par rapport au budget initial

Ce projet de loi de fin de gestion prévoit des annulations de crédits à hauteur de 5,6 milliards d’euros sur le périmètre de l’Etat. Il s’agit d’une partie importante des moyens gelés en cours d’année par Bercy, qui s’ajoutent au décret d’annulation signé en février. Au total, ce serait une réduction de 15 milliards d’euros des dépenses en cours d’exercice. « C’est inédit, c’est le maximum de ce qu’on l’on peut faire », a insisté le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin.

En parallèle, le projet de loi ouvre des crédits pour faire face à des imprévus, pour un montant de 4,2 milliards d’euros. Ces nouveaux moyens doivent notamment financer le soutien à la Nouvelle-Calédonie, le versement des primes des forces de l’ordre dans le cadre des Jeux olympiques, ou encore le coût des législatives anticipées.

En faisant la synthèse des deux mouvements inscrits dans le texte, le ministre des Comptes publics a précisé que le volume des dépenses de l’Etat était de 6 milliards d’euros inférieur à ce qui était prévu dans la loi de finances initiale. « C’est la première fois depuis 2019, et la quatrième fois en 13 ans que les annulations de crédits dépassent les ouvertures de crédits dans le collectif budgétaire de fin d’année », a salué Jean-François Husson. Le centriste Jean-Marie Mizzon a salué un « ajustement indispensable » face au « gouffre » budgétaire.

Un « expédient un peu tardif »

Pour autant, ce texte « arrive comme un expédient un peu tardif, pour des efforts qui auraient dû être faits avant », a déploré le rapporteur général. Comme lui, de nombreux sénateurs ont répété une fois encore qu’un projet de loi de finances rectificative (PLFR) aurait dû leur être présenté dès les premiers mois de 2024. « Ce mépris envers le Parlement est un affront envers la représentation nationale », a dénoncé la socialiste Isabelle Briquet. Ce projet de loi de finances de fin de gestion offre moins de latitude aux parlementaires, puisqu’il ne contient, ni n’autorise, de mesures d’ordre fiscal.

Comme leurs homologues députés, les sénateurs de gauche se sont opposés au projet de loi en débat ce lundi. « Le déficit a explosé sous nos yeux car aucun gouvernement cette année n’a eu la lucidité de traiter le sujet des recettes et des dépenses fiscales », a mis en cause la sénatrice écologiste Ghislaine Senée. « Ce projet de loi est vide tout droit nouveau pour les salariés et les foyers les plus modestes. Pourtant le capital ne cesse de s’accumuler et n’est pas mis à contribution. C’est pour cela qu’il a été légitimement rejeté à l’Assemblée nationale », a ajouté le communiste Pascal Savoldelli. Les trois groupes de gauche ont tenté, en vain, de revenir sur plusieurs annulations de crédits.

A l’initiative du rapporteur général, le Sénat a annulé 300 millions de crédits budgétaires du programme d’investissements d’avenir, en tenant compte du niveau réel des besoins. Un autre amendement, déposé par le gouvernement, est venu réduire de 9 millions d’euros la dotation 2024 dédiée à l’Assemblée nationale, en accord avec le collège des questeurs de l’Assemblée nationale. Cette diminution est liée à des dépenses moins élevées que prévu, en raison de la dissolution.

Une bonne surprise venue de Grèce

Le Sénat a par ailleurs intégré de nouvelles données, insérées par amendement gouvernemental. La modification acte une très légère estimation à la hausse des recettes fiscales, de 21 millions d’euros, et surtout une hausse de 1,7 milliard du solde des comptes spéciaux, en raison d’un remboursement par anticipation d’un prêt contracté par la Grèce.

Le sénateur écologiste Thomas Dossus a profité de cette annonce pour demander des éclaircissements au gouvernement sur une récente déclaration de la porte-parole du gouvernement. Maud Bregeon a en effet alerté le 23 novembre, dans une interview donnée au Parisien, contre les conséquences d’une motion de censure, qui reviendrait à placer la France dans un « scénario à la grecque ». 

« Maud Bregeon explique que si ce budget n’est pas voté en l’état, nous nous orientons vers une situation à la grecque. Est-ce que les 7 ans de votre politique budgétaire nous ont menés dans une situation d’insincérité et d’instabilité proche de celle de la Grèce en 2008 ? » a demandé le sénateur du Rhône.

« La question est de savoir si on doit faire des choix courageux pour redresser nos comptes, à défaut de faire des choix plus douloureux demain. Il y a des pays qui n’ont pas été souverains dans le choix de leurs budgets, justement par dérapage excessif de leurs finances publiques. Personne ici ne souhaite que ce soit le cas de notre pays », a répliqué le ministre des Comptes publics. Dans la foulée de l’adoption de ce texte de fin de gestion, le Sénat a entamé l’examen des articles du budget 2025, un exercice qui se terminera le 12 décembre.

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