Budget 2024 : les sénateurs attendent des réponses de Bercy

Budget 2024 : les sénateurs attendent des réponses de Bercy

Le gouvernement va recevoir des parlementaires de tous bords ce mardi, dans le cadre de la préparation du budget de l’année 2024. Un rendez-vous inédit, avec un ministre des Comptes publics nommé en juillet, et un 49.3 qui fait déjà parler de lui.
Guillaume Jacquot

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Moment charnière de chaque session parlementaire, l’examen du budget se rapproche. Toujours en préparation au gouvernement, il ne sera présenté qu’à la fin septembre en Conseil des ministres. D’ici le jour J, le ministère de l’Économie assure que rien n’est encore figé. « Le projet de budget, il n’est pas bouclé, il n’est pas terminé, je souhaite qu’on puisse discuter avec toutes les formations politiques […] Notre porte reste ouverte au débat », invitait le 2 septembre, le tout nouveau ministre chargé des Comptes publics Thomas Cazenave. Ce sera le cas ce mardi, au cours d’une nouvelle séance des « Dialogues de Bercy », un format inauguré l’an dernier par son prédécesseur Gabriel Attal.

« Le passage en force, je ne suis pas certain qu’il pourra le faire pendant cinq ans », avertit le sénateur Jean-François Husson

Au Sénat, la plupart des forces politiques répondront favorablement à l’invitation, avec plus ou moins d’entrain. Dimanche, en indiquant qu’elle aurait « certainement » recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget à l’Assemblée nationale, la Première ministre semble faire l’aveu cette année encore d’une majorité toujours introuvable autour de ce texte phare de l’automne.

Déjà rompu à la mécanique budgétaire, le rapporteur général du budget Jean-François Husson n’attend pas grand-chose des « Dialogues de Bercy ». « Je connais l’approche de l’exercice, ça permet d’avoir quelques informations supplémentaires. Mais je ne me fais pas d’illusions […] Ce n’est pas l’opposition qui peut faire le budget », regrette le sénateur de Meurthe-et-Moselle. Prudent sur la sincérité de Bercy, le parlementaire prévient à distance l’exécutif. « Le gouvernement serait bien inspiré de modifier son approche des choses. Le passage en force, je ne suis pas certain qu’il pourra le faire pendant cinq ans. » Sa collègue des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde, qui a tenté de réduire en vain les aides à l’automobile électrique produite en Chine dans le précédent budget – contre l’avis du gouvernement – sera chargée de représenter le groupe LR. En fin de semaine dernière, le président du Sénat, Gérard Larcher a déjà fait part de ses préoccupations après la remontée des taux d’intérêts sur les emprunts d’État français, à plus de 3 %. « Nous devons réduire la dépense », a martelé le sénateur des Yvelines.

Les centristes veulent porter à nouveau le sujet de la « justice fiscale »

Chez les alliés de la droite au Sénat, les centristes, l’état d’esprit est plus optimiste à la veille des « Dialogues », mais tout aussi combatif. « Nous sommes favorables à ces réunions de concertation, qui permettent de faire remonter un certain nombre de demandes », explique l’émissaire du groupe Union centriste, Bernard Delcros. Comme l’an dernier, les troupes d’Hervé Marseille tenteront de convaincre le gouvernement que le rétablissement des comptes publics ne sera pas possible sans toucher à la fiscalité des plus hauts revenus. Ce que refuse le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

« Si on veut réduire le déficit, et mettre des moyens là où c’est utile, et réussir la transition énergétique, on le fera si on agit aussi sur les recettes et en instaurant davantage de justice fiscale », insiste Bernard Delcros. « Il est important d’apaiser le pays. Et pour le faire, il faut que nos concitoyens aient vraiment le sentiment que des mesures de justice fiscale et sociale sont mises en place », poursuit l’élu du Cantal. Le cheval de bataille des centristes reste l’instauration d’un relèvement de l’imposition sur les « super dividendes » des plus fortunés, ou encore l’approfondissement dans la réduction de niches fiscales ou la lutte contre la fraude fiscale.

À gauche, le président de la commission des finances Claude Raynal (PS) espère surtout repartir du ministère avec des réponses, plutôt que de proposer des corrections à la copie du gouvernement, prématurées à ce stade du texte selon lui. « C’est un projet de loi compliqué, avec un nouveau ministre : cela fait beaucoup de points d’interrogations », résume le sénateur de la Haute-Garonne. « On va voir quels sont ses objectifs, comment il compte associer le Parlement à la réflexion. » L’ancien président de la commission d’enquête sur le Fonds Marianne a déjà sa liste de questions à formuler devant Thomas Cazenave. Dans un contexte où plusieurs grandes économies du monde marquent le pas, sur quelle hypothèse de croissance sera construite le budget ? Celle-ci doit être révisée en septembre mais le gouvernement reste toujours sur 1,6 % pour 2024. Deuxième sujet d’inquiétude : quid des rentrées de TVA, qui se sont essoufflées au premier semestre ? Ces deux données auront une incidence importante sur la construction du budget et les grands équilibres.

« C’est assez flou de voir tout ce bouquet d’annonces, sans vraiment avoir de lignes directrices globales »

Les écologistes, représentés par Thomas Dossus, abordent aussi l’exercice avec méfiance, là aussi avec la volonté d’obtenir quelques précisions sur les annonces distillées au fil de l’été. « On va être attentifs aux budgets de la transition écologique, notamment sur les sept milliards d’euros en plus annoncés », insiste le parlementaire du Rhône, inquiet de la tentation du gouvernement de piocher dans les fonds de roulement des universités pour financer certaines dépenses. « C’est assez flou de voir tout ce bouquet d’annonces, sans vraiment avoir de lignes directrices globales. Ils sont coincés dans leur dogme anti-impôts et anti-redistribution. Ils sont dans une logique austéritaire. » Au-delà du fond, le sénateur lyonnais reste heurté par les récents propos de la Première ministre sur l’utilisation probable d’un 49.3. « C’est quand même quelque chose de particulier. L’an dernier, il y avait au moins la volonté d’une mise en scène du dialogue. » Les sénateurs communistes ne feront d’ailleurs pas le déplacement : ils ont annoncé dès juillet qu’ils ne participeraient pas aux « monologues de Bercy ».

Beaucoup de sénateurs ne se limiteront pas sans doute pas au projet de loi de finances. Certains demanderont des nouvelles du projet de loi de programmation des finances publiques, en suspens depuis décembre dernier. Selon Les Échos, le texte qui conditionnera la trajectoire budgétaire des futures années devrait faire son retour à l’Assemblée nationale dès la deuxième quinzaine de septembre, dans une session extraordinaire où l’exécutif pourra avoir recours au 49.3 sans entamer son joker de la session ordinaire débutant en octobre.

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