Avec 173 voix pour et 167 contre, les sénateurs ont adopté ce 26 novembre un amendement du groupe communiste et de plusieurs membres du groupe centriste visant à durcir les règles de l’ « exit tax ». Le dispositif, mis en place par Nicolas Sarkozy en 2011, permet de taxer les plus-values latentes – celles qui n’ont pas encore été réalisées – des dirigeants d’entreprise qui décident de transférer leur domicile fiscal à l’étranger.
Pour éviter d’être soumis à cette taxe destinée à lutter contre l’exil fiscal, les dirigeants d’entreprises devaient conserver leurs actions pendant au moins 15 ans après leur départ à l’étranger. Un délai réduit à 2 ans par Emmanuel Macron en 2018, au nom de l’attractivité de la France pour les investisseurs.
« On peut rétablir de la justice fiscale et répondre aux aspirations de la population »
Dans une première série d’amendements coordonnés entre les groupes communiste, écologiste et socialiste, les sénateurs de gauche ont défendu le rétablissement total de la formule de l’ « exit tax » établie par Nicolas Sarkozy. Une proposition consensuelle, jugent-ils, dans la mesure où le même amendement a déjà été adopté lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) à l’Assemblée nationale en octobre dernier, avec le soutien des députés Les Républicains.
« C’est un amendement qui correspond à la volonté de l’opinion publique. 72 % de nos concitoyens qualifient ce choix fiscal [fait par Emmanuel Macron en 2018] d’injuste. On peut rétablir de la justice fiscale et répondre aux aspirations de la population », a défendu le sénateur communiste Pascal Savoldelli.
« Aujourd’hui, il suffit de s’expatrier pendant deux ans pour éviter de payer l’impôt sur les plus-values de sociétés »
Ces premiers amendements ont été rejetés. Mais, quelques minutes plus tard, le groupe communiste est revenu à la charge avec un amendement « de repli », permettant de renforcer certaines règles l’ « exit tax », sans pour autant rétablir le dispositif de 2011. Cette fois-ci, la mesure est également défendue par des sénateurs du groupe centriste. Elle vise à accroître le délai pendant lequel les dirigeants choisissant de quitter la France doivent conserver leurs actions pour ne pas être taxés, si leur entreprise a reçu au moins 100 000 euros d’aides de l’Etat. De deux ans aujourd’hui, ce délai passerait à 4 ans pour les entreprises dont les plus-values sont inférieures à 2,5 millions d’euros, et à 10 ans pour les entreprises dont les plus-values dépassent 2,5 millions d’euros.
« Le problème de l’exit tax, c’est qu’avant il y avait un délai qui évitait de contourner l’impôt. Au fil du temps, ce délai a été réduit jusqu’à deux ans. Aujourd’hui, il suffit de s’expatrier pendant deux ans pour éviter de payer l’impôt sur les plus-values de sociétés, pour lesquelles parfois on a reçu des subventions publiques », résume le sénateur centriste Bernard Delcros.
Un amendement voté contre l’avis du gouvernement et de la commission des finances
Comme pour les premiers amendements de la gauche, le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson (LR) et le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin se sont dits défavorables à cette mesure. Pour le premier, elle va « à l’encontre des positions du Sénat depuis 4 ans sur l’évolution de l’exit tax ». Le second a choisi de ne pas s’exprimer sur le sujet, se contentant de prononcer un avis défavorable sans argumenter sa position devant les sénateurs.
Une attitude qui a profondément agacé une partie de l’hémicycle. « Vous brillez par votre silence », a dénoncé le sénateur socialiste Thierry Cozic. « Il y a un débat à avoir quand même, au moment où il y a des plans de licenciement partout, où des salariés sont en train de trinquer, vous dites « non, on ne touche rien » », a fustigé le sénateur communiste Fabien Gay.