Budget 2025 : le Sénat renforce la taxe sur les rachats d’actions proposée par le gouvernement

En quête de mesures pour générer de nouvelles recettes, le gouvernement propose dans son projet de loi de finances de taxer les rachats d’actions des grandes entreprises. Les sénateurs ont adopté ce dispositif, en modifiant le mode de calcul de la taxe pour accroître considérablement son rendement, désormais évalué à près d’un milliard d’euros.
Rose-Amélie Bécel

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Le projet est évoqué depuis des années par les gouvernements successifs, il devient réalité dans le budget 2025. Ce 29 novembre, les sénateurs ont adopté l’article du projet de loi de finances instaurant une taxe sur les rachats d’actions. Cette pratique, courante au sein des grands groupes, consiste pour les entreprises cotées en Bourse à racheter leurs propres actions, pour pouvoir les retirer du marché. Une méthode qui permet de récompenser les actionnaires puisque, après le rachat, le nombre d’actions diminue mécaniquement, ce qui fait augmenter leur valeur.

À la différence des dividendes, taxés à hauteur de 30 %, ces rachats d’actions échappent à l’impôt. Lors d’une allocution télévisée, Emmanuel Macron avait déjà dénoncé le « cynisme » de la pratique et appelé à davantage de régulation en mars 2023, sans qu’aucune mesure ne soit prise par la suite. « Le CAC 40 s’est est donné à cœur joie depuis trois ans. En 2023, c’est le record qui est atteint avec 30,1 milliards de rachats d’actions », dénonce le sénateur communiste Pascal Savoldelli.

« Dès qu’il s’agit de s’en prendre au capitalisme, le diable se loge dans les détails »

Telle que défendue par le gouvernement, la taxe sur les rachats d’actions s’élèverait à 8 % et concernerait les entreprises qui possèdent leur siège en France et dont le chiffre d’affaires est supérieur à un milliard d’euros. « Mais dès qu’il s’agit de s’en prendre au capitalisme, le diable se loge dans les détails », remarque le sénateur socialiste Thierry Cozic.

En effet, la taxe proposée par le gouvernement ne s’applique pas sur la valeur de l’action au moment de son rachat, mais sur sa valeur « nominale », c’est-à-dire la valeur comptable de l’action fixée lors de la création de l’entreprise. Un mode de calcul qui « vide de sa substance la possibilité d’obtenir un rendement conséquent », déplore Thierry Cozic : « La valeur nominale est bien souvent complètement déconnectée de la valeur boursière de l’action. J’en veux pour preuve L’Oréal, dont le cours boursier est de 394 euros, tandis que la valeur comptable du titre n’est que de 20 centimes. »

Un très faible rendement également épinglé par le rapporteur de la commission des finances, Jean-François Husson (LR) : « Les rachats d’actions ont quand même représenté plus de 30 milliards d’euros l’an passé, alors que le rendement attendu par cette taxe ne s’élève qu’à 200 millions d’euros ! »

Le Sénat multiplie par cinq le rendement de la taxe proposée par le gouvernement

Pour accroître ces rendements, les sénateurs ont donc déposé plusieurs amendements pour modifier le mode de calcul de la taxe. Des propositions toutes rejetées par le ministre des Comptes publics. En effet, pour Laurent Saint-Martin, le gouvernement est contraint de s’appuyer sur la valeur nominale des actions, en raison d’une directive européenne : « Vos amendements sont contraires à la directive européenne « mère-fille ». Nous sommes obligés de partir, au vu du droit communautaire, de la valeur nominale de l’action. Cela crée un vrai différentiel de rendement, mais c’est une contrainte juridique que l’on doit prendre en compte. »

Cette directive européenne vise à exonérer d’impôt à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère, pour éviter une forme de double imposition de cette dernière. Avec le soutien de la commission des finances, le sénateur centriste Bernard Delcros a défendu un amendement visant à « franchir cet obstacle avec une solution technique ». Celui-ci prévoit bien de calculer le montant de la taxe sur la valeur réelle des actions et non sur leur valeur nominale, tout en permettant aux sociétés mères de retrancher de cette taxe le montant des participations versées par leurs filiales.

Une proposition qui n’a pas emporté l’adhésion du ministre des Comptes publics, mais qui a su convaincre la majorité de la chambre haute. Selon la nouvelle version de l’article votée au Sénat, les grandes entreprises seront donc bel et bien taxées sur la valeur réelle de leurs rachats d’action, à hauteur de 4 %. « Cela devrait permettre d’obtenir un rendement cinq fois plus important que celui prévu par le gouvernement, autour d’un milliard d’euros », se félicite Jean-François Husson.

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