La déclaration de politique générale a servi d’entrée en matière pour le débat budgétaire périlleux de l’automne. À quelques jours de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances, Michel Barnier a très vite annoncé la couleur. Le Premier ministre veut se montrer exigeant dans la réduction dette financière du pays, tout comme de la dette écologique. La « véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale (3228 milliards d’euros) qui, si l’on n’y prend garde, placera notre pays au bord du précipice », a mis en garde le chef du gouvernement.
Soucieux de ne pas aggraver la charge de la dette et de rester crédible aux yeux de Bruxelles, l’ancien commissaire européen s’est donné comme objectif le retour l’an prochain à un déficit public de 5 % de la richesse nationale, et ceci, alors que le déficit 2024 risque de déraper au-delà de 6 % (au lieu des 5,1 % prévus). En fonction des ajustements sur l’année qui s’achève, l’effort budgétaire représentera donc au bas mot une trentaine de milliards d’euros.
Pour y parvenir, Michel Barnier a cité comme premier remède la réduction de la dépense publique, volet qui représenta les « deux tiers » de l’effort, selon lui. Le chef du gouvernement a cité ensuite le levier de « l’efficacité » de la dépense publique, avant d’évoquer des mesures fiscales ciblées et temporaires, en direction des grandes entreprises réalisant des « profits importants » et des « Français les plus fortunés ».
Une ligne « satisfaisante », pour le sénateur LR Stéphane Sautarel
Vice-président de la commission des finances du Sénat, Stéphane Sautarel (apparenté LR) accueille « de manière plutôt satisfaisante » la ligne Barnier sur les finances publiques, et notamment l’accent sur la réduction des dépenses, ou encore l’efficience de la dépense publique. « C’est érigé comme une priorité, je ne doutais pas de la prise de conscience mais elle est là ». Pour le sénateur du Cantal, la réduction d’une trentaine de milliards d’euros du déficit constituerait un « message de confiance à l’ensemble de nos créanciers ». « C’est une jauge minimale. »
Le parlementaire se dit toutefois « réservé sur les mesures fiscales », « vu le niveau des prélèvements obligatoires », voire « interrogatif » en l’absence des dispositions précises du projet de loi de finances. « Si c’est pour mettre un niveau minimal d’impôt, qui permette de plafonner l’optimisation fiscale, c’est une mesure de justice fiscale qui ne me choque pas », réagit à ce stade ce membre de la majorité sénatoriale, qui espère que le volet fiscal ne sera activé que « de manière limitée ».
Des annonces jugées minimales ou « vagues » sur le volet fiscal, pour le socialiste Thierry Cozic
Claude Raynal, le président (PS) de la commission, préfère lui aussi garder la tête froide face à des annonces « encore très imprécises », mais relève déjà un changement de paradigme dans le discours de Michel Barnier. Les précédents gouvernements d’Emmanuel Macron avaient refusé de toucher à la fiscalité, en dehors du cas particulier des profits des producteurs d’électricité. « Enfin on ouvre le volet recettes. Cela fait des années, depuis le début de la crise du Covid, que je dis qu’on court à la catastrophe car on baisse trop les recettes. On y est, on ouvre des sujets qui étaient jusque-là sous le tapis », observe le sénateur.
Moins sur la réserve, le socialiste Thierry Cozic reste sur sa faim. « Je n’ai pas senti de souffle, d’élan, c’est vague pour irriter personne ». « On essaye de ménager la chèvre et le chou pour un équilibre que je trouve fragile », ajoute-t-il. Ces derniers jours, le débat fiscal a fait rage dans les rangs des députés macronistes, Gérald Darmanin prenant la tête d’un groupe de députés opposés à une hausse des impôts. « Michel Barnier a donné des gages en interne, je crains qu’il n’y ait pas grand-chose dans le projet de loi. Il maintient dans le même temps la coûteuse politique de l’offre, qui nous a plongés dans l’abîme », estime le sénateur de la Sarthe. « Cette annonce est un minimum mais elle reste bien floue. Il faudra juger sur pièces », ajoute sur X son collègue Rémi Féraud. Côté gestion des dépenses, Thierry Cozic considère que la cible de 5 % de déficit est « ambitieuse », et risque de se faire « au détriment des Français qui en ont le plus besoin ».
« Ce qui me chagrine, c’est qu’un Premier ministre de droite fasse comme première annonce une augmentation des impôts », s’étonne Emmanuel Capus (Horizons)
Chez les forces de l’ancienne majorité présidentielle, les réactions sont contrastées, en fonction des sensibilités des uns et des autres. « Notre ligne c’est : pas d’augmentations d’impôts et ça passe d’abord par une réduction des dépenses. On est dans notre ADN », analyse de son côté le sénateur Renaissance Didier Rambaud. Le parlementaire de l’Isère résume la prestation de Michel Barnier avec un adjectif : « sobre ». « Il n’y a pas eu d’effets de manche, d’annonces très véhémentes », estime ce sénateur, qui estime que ce sera au Parlement de se saisir des grands arbitrages. « On revient sur l’éternel débat au sein de la majorité présidentielle, sur l’effort supplémentaire à demander ou non aux plus aisés. Le débat est lancé, maintenant, c’est où on met le curseur. »
« Sur le premier remède, celui de la baisse de la dépense publique, on ne peut que le suivre, c’est une position constante de notre groupe depuis sept ans », salue également le sénateur Emmanuel Capus, vice-président de la commission des finances représentant le groupe Les Indépendant. « Plus d’efficacité de la dépense, évidemment, on est 100 % d’accord », ajoute-t-il. Le sénateur Horizons se montre « sceptique », voire « inquiet » sur le volet fiscal. « Quand il annonce une participation des grandes entreprises sans remettre en cause leur compétitivité, je suis un peu plus dans l’interrogation. Et sur les contributions exceptionnelles les plus fortunées, de quoi parle-t-il ? C’est trop imprécis. »
Pas de quoi constituer une ligne rouge à proprement parler, mais ce bougé sur la fiscalité irrite le sénateur qui étrille souvent pendant les débats budgétaires le niveau du déficit. « Ce n’est pas un non définitif mais l’idéal serait 100 % des remèdes par la baisse de la dépense publique. On sera extrêmement vigilant sur la fiscalité. Ce qui me chagrine, c’est qu’un Premier ministre de droite fasse comme première annonce une augmentation des impôts. C’est un peu problématique », conclut-il.