Budget 2026 : « Je serai intraitable sur notre trajectoire budgétaire », prévient Roland Lescure

Ouvert au compromis et à la discussion, le ministre de l’Économie et des Finances Roland Lescure veut toutefois poser un cadre pour la discussion budgétaire. Au Sénat, il s’est posé en garant de la trajectoire permettant un retour au déficit sous les 3 % en 2029. Il prévient : chaque nouvelle dépense devra être compensée ailleurs. Quant à l’ouverture sur les retraites, il affirme que sa suspension est « le prix de la stabilité politique ».
Guillaume Jacquot

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Le chapitre des discussions parlementaires sur les textes budgétaires est lancé pour de bon. Après trois heures d’échanges avec les députés mardi soir, dans la foulée de la présentation du budget 2026 en Conseil des ministres, le ministre de l’Économie Roland Lescure et la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin ont répété l’exercice ce 15 octobre devant la commission des finances du Sénat. Le cadre général de l’examen au Parlement, qui ne sera pas contraint par le recours à l’usage au 49.3, a largement occupé les discussions avec les sénateurs.

« Ce budget propose un point d’équilibre possible, sans exclure que d’autres soient envisageables. Il constitue un point de départ, et certainement pas le point d’arrivée. Nous serons à l’écoute de vos propositions », a exposé en introduction Roland Lescure. Si le Premier ministre s’est engagé à laisser le Parlement à fixer lui-même le contenu final, son ministre de l’Économie a néanmoins rappelé que gouvernement et parlementaires étaient « tous garants de l’aboutissement d’un compromis », pour doter la France un budget au 31 décembre.

« Concession ne veut pas dire déraison », selon le ministre de l’Économie

Même s’il redonne au Parlement des marges de manœuvre dans la copie finale, le gouvernement a toutefois posé des lignes rouges ce mercredi au Sénat. « Concession ne veut pas dire déraison. Justice fiscale ne veut pas dire surenchère fiscale. Le compromis politique que nous atteindrons ne fera pas de lui-même disparaître notre dette. Je serai intraitable sur notre trajectoire budgétaire », a prévenu Roland Lescure. Comme son prédécesseur, le ministre veut que la cible d’un retour du déficit public à 3 % du PIB en 2029 soit tenue, seuil sous lequel la dette cesse sa croissance.

La cible d’un retour du déficit à 5,4 % en 2025 sera vraisemblablement tenue, selon les ministres, mais qu’en sera-t-il de l’effort à venir pour l’année prochaine ? Dans le prolongement de ses échanges avec les différentes familles politiques, le Premier ministre a fait savoir lors de sa déclaration de politique générale que « dans tous les cas de figure à la fin de la discussion budgétaire, ce déficit devra être à moins de 5 % du PIB », alors que le projet de loi fixe un objectif à 4,7 % du PIB. Sébastien Lecornu a réaffirmé cette exigence minimale de 5 % cet après-midi, devant l’hémicycle du Sénat.

Hauteur de l’effort : « On ne peut pas entrer dans une négociation parlementaire en disant que tout est fixé »

Cette souplesse a fait sourciller en audition le rapporteur général de la commission, Jean-François Husson (LR), qui a rappelé que la France s’était engagée auprès de ses partenaires européens au printemps à revenir à un déficit de 4,6 % du PIB, « et non tutoyer les 5 % ». Inquiet sur ce message envoyé, alors que d’autres marches « difficiles » attendent le pays dans le long rétablissement des comptes publics, le sénateur a mis en garde contre le « nœud coulant de la charge de la dette ».

« On part à 4,7 % du PIB, on va essayer d’y rester », a répondu le ministre de l’Économie, tout en ajoutant qu’on ne pouvait « pas entrer dans une négociation parlementaire en disant que tout est fixé ». Quoiqu’il en soit, il ne « faut pas baisser la marche maintenant, en tout cas ne pas la baisser trop, sinon la marche sera plus haute l’année prochaine », a averti Roland Lescure. Dans cette optique, le ministre a fixé une règle simple : « Les débats budgétaires vont se traduire par des plus et des moins. Devant un plus, j’aimerais qu’on trouve à chaque fois un moins », a-t-il résumé. De quoi déjà provoquer quelques remous à gauche. « Merci pour ces interventions qui ont permis de faire un peu tomber la fable du budget écrit à la craie blanche, qu’on pourrait tous retravailler. On va avoir des débats, mais qui seront très cadrés », s’est étonné le sénateur écologiste Thomas Dossus.

La mise sur pause de la réforme des retraites, le « prix de la stabilité politique »

Sans surprise, la droite a fait part de son étonnement sur l’engagement du Premier ministre de suspendre l’application de la réforme des retraites de 2023, pour décrocher une partie de la gauche d’une majorité favorable à la censure. Au palais du Luxembourg, la majorité de droite et du centre a tenté durant plusieurs années de repousser l’âge de départ, pour des raisons de trajectoire budgétaire, avant que le gouvernement Borne n’inscrive le chantier à l’agenda. « Nous avons écouté avec attention le constat que vous dressez de notre économie, et nous le partageons, et nous pensions qu’il appelait à un véritable sursaut et à des vraies mesures de responsabilité, et il ne semble pas que revenir sur la réforme des retraites soient un acte responsable, notamment vis-à-vis des générations futures. » Sa collègue LR Marie-Claire Carrère-Gee a exigé des clarifications sur le coût précis de la mesure.

« C’est le prix de la stabilité politique », a considéré Roland Lescure, qui était lui-même solidaire de cette réforme, au sein du gouvernement Borne auquel il appartenait. Ce geste va permettre, selon lui, de « converger vers un budget d’ici la fin de l’année, qui va rassurer tout le monde ». Il a tenu a rappelé par ailleurs qu’il serait question d’une suspension, « et non d’abrogation ». Les ministres ont rappelé le coût de cette mesure, qui sera intégrée par amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en novembre : 400 millions d’euros en 2026, et 1,6 milliard d’euros en 2027. Alors que le gouvernement fait l’objet de vives critiques dans les oppositions au sujet du gel des pensions de retraite, Amélie de Montchalin a souligné que sans même une revalorisation à hauteur de l’inflation, la seule démographie (330 000 retraités en plus) entraînera 6 milliards de dépenses publiques supplémentaires pour le régime des retraites.

« On a une baisse effective des crédits ministériels, hors défense, de 1,5 milliard d’euros », souligne Amélie de Montchalin

La droite et les ministres de Bercy n’ont pas eu non plus la même la lecture de l’effort budgétaire réalisé par l’État dans ce projet de loi de finances. Christine Lavarde (LR) a affirmé que le budget général de l’État au sens large – et en faisant exception de la contribution à l’Union européenne, des crédits de la Défense et des intérêts de la dette – affiche une progression de 2,9 milliards d’euros. Amélie de Montchalin s’est inscrite en faux. La ministre des Comptes publics rappelle que les crédits des ministères passent, par rapport à la dernière loi de finance, de 326 à 331 milliards d’euros. « Comme la Défense progresse de 6,7 milliards, cela veut dire une baisse de 1,5 milliard sur tous les autres », a-t-elle fait valoir.

Un débat s’est aussi noué entre la gauche et la ministre des Comptes publics sur le volet fiscal du projet de loi. Déçu par les arbitrages retenus dans le texte, le sénateur socialiste Thierry Cozic a accusé le gouvernement d’avoir « mis beaucoup d’énergie pour ne pas avoir à voir l’éléphant dans la pièce, à savoir la taxation des plus aisés ». Comme d’autres collègues de gauche, l’élu a affiché sa déception sur le calibrage de la taxe sur les holdings patrimoniales, une taxe de 2 % qui doit s’appliquer sur le patrimoine non professionnel des sociétés imposées à l’impôt sur les sociétés. Selon lui, celle-ci est « vidée de sa substance » et « plus de 90 % de la fortune des milliardaires est exonérée du nouveau dispositif ».

Amélie de Montchalin a expliqué que l’outil se voulait comme un dispositif permettant d’empêcher que la fiscalité des entreprises ne soit utilisée « à des fins de patrimoine personnel ». « C’est cela que l’on veut arrêter. Nous retirons de la taxe tout ce qui correspond à un investissement productif », a-t-elle développé, ajoutant que les détenteurs de titres de participation comme des actions, étant au contrôle d’une entreprise, ne seront pas concernées.

Le gouvernement attend un rendement de l’ordre d’un milliard d’euros sur cette mesure. « Jean-Paul Mattei [l’une des figures du groupe Modem à l’Assemblée nationale, ndlr] m’a dit hier qu’il pense que je sous-estime le rendement de ladite taxe. Il y aura un débat », a assuré la ministre.

« Pas de saignée » pour les collectivités, rétorque Amélie de Montchalin

L’un des autres temps forts de cette audition s’est joué sur le sort des collectivités territoriales, un passage incontournable dans la chambre qui les représente. Pour le communiste Pierre Barros, le budget est « assez explosif pour les collectivités ». Le sénateur du Val-d’Oise critique notamment les modifications du « Dilico », le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités locales. Il reproche au gouvernement d’avoir intégré une « ponction plus forte » et un abaissement du seuil d’éligibilité, « compliqués à avaler ».

Le centriste Bernard Delcros (Union centriste) s’est inquiété quant à lui de la fusion de plusieurs dotations destinées à l’investissement des collectivités dans un fonds d’investissement pour les territoires. À la tête de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, redoute une disparition de la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux). « Si demain ce fonds n’est pas réservé aux communes rurales, c’est un très mauvais message aux territoires ruraux ». Selon la ministre, l’article qui fusionne les différentes dotations « préserve l’enveloppe pour les communes rurales ».

Amélie de Montchalin a assuré que les collectivités verraient leurs dépenses de fonctionnement progresser à la hauteur de l’inflation, alors que « l’État s’impose un zéro valeur, hors défense ». « Nous avons proposé, dans ce budget, que les dépenses de fonctionnement augmentent de 2,4 milliards […] On ne peut pas dire qu’il y ait de saignée », a-t-elle répondu.

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