Critiqué de toutes parts par les oppositions sur la répartition des efforts dans son plan d’économies de 44 milliards d’euros, François Bayrou a dramatisé un peu plus l’urgence à rééquilibrer les finances publiques, en liant le sort de son gouvernement dès le 8 septembre, à travers un vote de confiance. Multipliant les apparitions médiatiques cette semaine à quelques jours d’un scrutin très mal engagé, le Premier ministre et ses ministres n’ont pas manqué de rappeler à chaque fois qu’il serait indispensable de faire contribuer davantage les foyers les plus riches dans le prochain budget. Une façon d’adresser quelques signes aux députés de gauche, en particulier du Parti socialiste, très sensibles à cette question.
Ce mardi, devant la CFDT (Confédération française démocratique du travail), le Premier ministre a ainsi réaffirmé que les plus hauts revenus et « ceux qui optimisent leur fiscalité » se verraient demander un « effort spécifique ». Le même jour, dès le matin sur France Inter, son ministre de l’Économie Éric Lombard envoyait la même série de messages. « La part des plus fortunés doit être évidemment plus forte pour que chacun voie que l’effort est partagé », a plaidé le locataire de Bercy.
Une promesse d’une « taxe anti-optimisation » qui remonte au début de l’année
Le sujet occupe les équipes du ministère depuis des mois. Et l’épilogue est sans doute proche. En janvier, François Bayrou s’était engagé à mettre en œuvre une « taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines », une manière selon lui « de prendre en compte la dimension de ces patrimoines et de vérifier qu’ils n’échappent pas à l’impôt ». Cet engagement en faveur d’une égalité devant l’impôt, et d’une lutte contre les mécanismes d’optimisation fiscale, avait été confirmé dans une lettre adressée aux parlementaires socialistes.
À la même époque, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin avait expliqué qu’il s’agissait de s’assurer « que la somme de l’impôt sur le revenu, de prélèvement forfaitaire unique [la flat tax, ndlr] et de l’impôt sur la fortune immobilière payés par les contribuables les plus aisés ne soit pas inférieure à un seuil minimal ». Dès le début de l’année, le gouvernement a fixé une ligne rouge : les outils de travail ne doivent pas être pris en compte dans le calcul du patrimoine, dans le but de favoriser l’activité.
Invitée de BMFTV mardi soir, la ministre a confirmé que le but du gouvernement était de parvenir à un mécanisme anti « suroptimisation fiscale ». Bercy a notamment dans son viseur les holdings, ces sociétés utilisées par certains contribuables et chefs d’entreprises pour obtenir un niveau d’imposition plus bas. En se rattachant au régime de l’impôt sur les sociétés, ces derniers obtiennent un taux plus avantageux qu’à travers l’impôt sur le revenu.
Un outil pour succéder à la contribution différentielle sur les hauts revenus
En juillet, à l’occasion d’une longue audition devant la commission des finances du Sénat, Amélie de Montchalin avait exposé un « bouquet de solutions » susceptible de répondre à l’objectif du gouvernement d’instaurer la « future contribution de solidarité ». La première, qui avait les faveurs de François Bayrou : reconduire la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), instaurée dans le budget 2025. Celle-ci avait vocation à être temporaire, dans l’attente d’un dispositif pérenne. La mesure permet de s’assurer qu’il y a bien 20 % d’impôts payés sur le revenu fiscal de référence.
Second outil : viser les actifs non productifs réfugiés dans des holdings. « C’est un mécanisme désormais assez usité – disons-le franchement – d’évitement et parfois de contournement de l’impôt », avait dénoncé Amélie de Montchalin cet été. La dernière piste évoquée est une contribution différentielle sur les hauts patrimoines, à condition de retirer de la base de taxation les biens professionnels et les investissements.
Reste à choisir la voie la plus efficace au sein de cette palette. « Si nous faisons les trois, il risque d’y avoir des doublons en matière de fiscalité. Si nous n’en faisons qu’un seul, il faudra bien le choisir et calibrer notre action », avait prévenu la ministre.
Quel rendement pour cette nouvelle contribution ?
Technique en apparence, l’assiette de calcul est en réalité hautement politique et représente un dilemme entre justice sociale et compétitive. Déjà avec un rendement attendu de 2 milliards d’euros, l’actuelle contribution différentielle sur les hauts revenus était censée avoir fortement déçu la gauche, et les socialistes, dont l’accord de non-censure a été décisif au début de l’année. Le produit de cette taxe pourrait en outre être plus bas que prévu. Au printemps, Amélie de Montchalin avait indiqué au Parlement que le rendement pourrait finalement n’atteindre que 1,4 à 1,5 milliard d’euros.
« Manifestement, ce n’est même pas les deux milliards d’euros imaginés. Et deux milliards sur 44 milliards d’euros [l’effort global fixé par le gouvernement à la mi-juillet, ndlr], ce n’est pas possible. Il faut un effort significatif, substantiel, qui montre que les plus aisés, qui se sont enrichis pendant 8 ans, méritent un effort particulier », déclare le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner. Son homologue, à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud exige également un « rendement significatif ».
Mercredi, à la sortie du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a indiqué qu’à ce stade « quatre milliards d’euros d’efforts sur les plus fortunés » étaient prévus, « à la fois par la poursuite de la contribution spéciale des plus fortunés, mais aussi par un dispositif qui va être mis en place de non-optimisation fiscale ». Tout doit encore faire l’objet d’un « compromis », selon Amélie de Montchalin. Les prochains entretiens, la semaine prochaine, entre le Premier ministre, et les responsables des partis politiques seront une étape déterminante pour ce sujet en particulier.
Le gouvernement a cependant fermé la porte une nouvelle fois à une taxe Zucman, une taxe de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, susceptible de rapporter 15 à 20 milliards d’euros selon ses partisans. Ce jeudi, à la Rencontre des entrepreneurs de France (REF), l’université d’été du Medef, le ministre de l’Économie a également fermé la porte à un rétablissement de l’Impôt sur la fortune (ISF), option « complètement écartée » selon lui. Il n’exclut pas en revanche des « discussions » sur le partage de l’effort « dans les limites de ce qui est raisonnable ».