Quelques heures avant la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu à l’Assemblée nationale, ses conclusions étaient attendues. Comme prévu par la loi, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a rendu ce mardi 14 octobre son avis sur le prochain projet de budget présenté pour 2026 par le Premier ministre. Avec une spécificité cette fois : le texte analysé par l’organisme, rattaché à la Cour des comptes, est en réalité celui qui lui a été transmis le 2 octobre, avant la démission de l’ex-ministre des Armées.
Croissance légèrement surestimée
Depuis reconduit à Matignon, Sébastien Lecornu va ainsi présenter ce mardi une version proche du texte initialement envoyé au HCFP – faute de temps pour retravailler le fond de ses propositions en matière de comptes publics. Cette première copie donne donc malgré tout une bonne idée des orientations prévues par le nouveau gouvernement pour le budget en 2026, que l’exécutif espère faire adopter avant le 31 décembre prochain. Le tout, malgré une Assemblée nationale fragmentée et dans un contexte économique incertain.
« Le Haut conseil considère que le scénario économique de l’année 2026 repose sur des hypothèses optimistes », a résumé le premier président de la Cour des comptes et président du HCFP, Pierre Moscovici, auditionné ce mardi à l’Assemblée nationale. Dans son projet de budget, le gouvernement table ainsi sur une augmentation de la croissance à +1% en 2026. Soit un chiffre un peu supérieur aux calculs d’autres institutions, comme la Banque de France, qui mise une hausse de 0,9% du PIB l’an prochain.
L’ampleur de la croissance l’an prochain est une donnée importante pour l’ensemble des prévisions budgétaires. En effet, plus celle-ci sera importante, plus les recettes fiscales qui en résulteront seront elles aussi conséquentes. La prévision de réduction du déficit public dépend également en partie du volume anticipé de ces prélèvements. Ainsi, au-delà de ce chiffre de croissance jugé légèrement surestimé, les remarques du HCFP portent avant tout « sur la cohérence du scénario » de ce texte de budget 2026, « qui repose sur un pari qui nous paraît très favorable », a développé Pierre Moscovici devant les députés.
« Effet de frein » à anticiper davantage
En effet, selon le responsable, ces prévisions intègrent des dispositions « plus restrictives » pour 2026 que celles des autres projections économiques moins optimistes, menées par différentes instances. Avec les mesures prévues dans ce budget, « l’effet de frein doit logiquement être un peu plus marqué, à cause du net ralentissement de la dépense publique l’an prochain et des effets de hausse des prélèvements et du gel des revalorisations », a indiqué Pierre Moscovici.
Or, ces différents paramètres devraient « en théorie (…) se traduire par une estimation de croissance plus faible que le consensus » des prévisions réalisées en septembre « qui n’intègrent pas un ajustement budgétaire aussi important », a insisté Pierre Moscovici lors de son audition. Ce qui n’est donc pas le cas dans la copie étudiée par le Haut conseil. « En compensation », la prévision du gouvernement « suppose une reprise de la demande intérieure privée, dont l’ampleur paraît volontariste au regard du climat général d’incertitude, en particulier pour l’investissement des entreprises et dans une certaine mesure la demande des ménages », pointe le HCFP dans la synthèse de son avis.
Autrement dit, l’accélération dans cette envergure de l’activité prévue par ce projet de budget lui semble peu crédible. « C’est vraiment un peu ‘En attendant Godot’ : cela fait des années que l’on nous annonce que la consommation va repartir », a ajouté Pierre Moscovici. « Ce que nous constatons, c’est que l’épargne est très forte. » La prévision de l’inflation (1,3%) établie dans ce projet de budget est en revanche qualifiée de « plausible » par le HCFP, « tandis que celle de masse salariale (2,3 %) est un peu haute », ajoute l’organisme dans son avis.
Enfin, ce rapport souligne l’importance pour la France de « poursuivre dans la durée l’effort de redressement des comptes ». « Même dans le scénario présenté, dont le Haut conseil relève à nouveau le caractère hypothétique, le déficit resterait très élevé en 2026, le déficit primaire (hors charge d’intérêts) dépassant toujours 70 milliards d’euros », estime le HCFP. Le projet de budget prévoit une réduction de 4,7% du PIB du déficit public l’an prochain. Mais lors des négociations avec les différentes formations politiques après sa démission, Sébastien Lecornu avait revu ses ambitions à la baisse sur ce point, mentionnant désormais un objectif d’une diminution du déficit public simplement « en dessous de 5% ».