Budget 2026 : Le RN s’éloigne de la gauche sur la fiscalité
Marine LE PEN, Jean-Philippe TANGUY et Sebastien CHENU.Le Premier Ministre a declenche l article 49-3 de la Constitution Francaise afin de faire passer le projet de loi de financement de la Securite sociale ( PLFSS) pour 2025. Assemblee Nationale , Paris, France, 2 Decembre 2024.Le Premier Ministre a declenche l'article 49-3 de la Constitution Francaise afin de faire passer le projet de loi de financement de la Securite sociale (PLFSS) pour 2025. Assemblee Nationale , Paris, France, 2 decembre 2024.//04NICOLASMESSYASZ_0020_2024_12_02b_400a/Credit:NICOLAS MESSYASZ/SIPA/2412021843

Budget 2026 : Le RN s’éloigne de la gauche sur la fiscalité

Le Rassemblement national s’est illustré durant les premières heures de l’examen du budget en changeant son approche sur plusieurs propositions fiscales emblématiques de la gauche.
Guillaume Jacquot

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Les rapports de force sont restés les mêmes, mais la partition a évolué par rapport à l’année dernière. À l’Assemblée nationale, les débats budgétaires se sont ouverts sans coup d’éclat sur le volet fiscal. Au premier jour de l’examen en commission des finances, le budget 2026 est ressorti à peine modifié, une situation qui tranche avec l’automne 2024 où les modifications fiscales étaient adoptées à la chaîne, à la faveur de majorités de circonstances.

Un exemple frappant illustre ce changement d’ambiance. Ce lundi, les députés de gauche ont échoué à faire adopter leur proposition phare, la taxe Zucman. L’an dernier, cette taxation de 2% du patrimoine des plus fortunés avait pu être adoptée en commission, grâce à l’abstention des députés RN. Hier, ces derniers ont fait barrage contre ce que Marine Le Pen qualifiait il y a quelques jours de proposition « stupide et nocive ».

« Si le RN ne veut pas taxer les riches, vous donnez le monopole de la justice fiscale à la gauche »

Selon le vice-président du parti Sébastien Chenu, invité de notre matinale, ce dispositif aurait eu comme principal  « écueil » de venir taxer « l’outil de travail ». Autre critique qu’il adresse à l’encontre de ce totem de la gauche : la crainte de « contournements » pour ne pas avoir à payer la taxe, voire de départs de chefs d’entreprises.

Il y a un mois encore, un député RN considérait que l’abstention de son groupe, sur ce vote, lors du précédent budget, constituait un « signal » à l’égard de l’opinion. Le sujet a clivé, plusieurs membres étaient en réalité prêts à voter contre. « Si le RN ne veut pas taxer les riches, vous donnez le monopole de la justice fiscale à la gauche », nous expliquait ce cadre du groupe.

Le relèvement de 30 à 33 % du prélèvement forfaitaire unique, qui s’applique aux revenus financiers et aux plus-values sur la revente de fonds de placement ou d’actions, fait aussi partie des grands absents cette année. Les députés de Marine ont cette fois refusé d’aller dans cette direction.

L’an dernier, les députés du Rassemblement national s’étaient illustrés par un spectaculaire revirement sur cette question, l’un des marqueurs fiscaux d’Emmanuel Macron. Ils avaient dans un premier temps contribué en 2024 à relever le taux de ce prélèvement en commission, joignant ainsi leurs voix à la gauche et aux centristes du Modem. Selon Jean-Philippe Tanguy, le « monsieur économie » des députés lepenistes, il s’agissait « de répondre à la demande de la population française, largement exprimée dans les urnes, de plus de justice fiscale ».

Un spectaculaire revirement l’an dernier sur le niveau de la « flat tax »

Cette modification de la « flat tax » n’a pas été confirmée en séance. Quelques heures après le vote en commission, le président du parti Jordan Bardella avait dénoncé sur X un « un très mauvais signal envoyé aux Français qui épargnent et qui investissent ». En séance, les députés du parti à la flamme se sont finalement rétractés, en refusant de soutenir les amendements de gauche allant dans le sens d’un rehaussement de la flat tax. « Les petits porteurs, les chefs d’entreprise, […] se sont sentis concernés injustement par cette mesure », avait alors justifié Jean-Philippe Tanguy.

Ces deux changements de pied ont surpris plusieurs de leurs adversaires. « Cette année, vous avez un socle commun et le RN qui s’entendent pour refuser toutes les mesures de justice fiscale », a par exemple dénoncé ce matin sur France 2, le président de la commission des finances, Éric Coquerel. Hier à la mi-journée, il analysait les différences de cette façon : « L’année dernière, on pouvait faire un budget NFP-compatible. Cette année, j’en doute fortement, parce que le Rassemblement national a un discours plus néolibéral, moins enclin à taxer davantage les ultrariches ».

Le virage pris par le RN n’a pas non plus échappé au bloc central. « Ils ont des lignes de codes, mais on n’a pas le code. Ils étaient très à gauche sur le volet économique et social, et très à droite sur immigration. Et là, ils sont moins à gauche, ce qui ne leur facilite pas la vie parce qu’ils sont très populistes. Cette année, ils votent différemment », remarque un député EPR de la commission des finances.

Le parti à la flamme mis en échec sur sa proposition « d’impôt sur la fortune financière »

La nouvelle stratégie à l’œuvre n’a pas empêché le parti à la flamme de poser quelques symboles. Sa proposition d’un « impôt sur la fortune financière », présenté comme le retour à un « impôt sur la fortune » mais qui exclurait les biens professionnels, les parts détenues dans les PME, et les biens immobiliers de la classe moyenne, n’a pas été retenue. Idem pour l’un de ses amendements proposant une taxation plus forte des « superdividendes », calibré dans une version proche de celle adoptée par le Sénat il y a trois ans. Même sort pour l’amendement proposant un gel du barème de l’impôt sur le revenu, gagé sur une hausse de la taxe sur les transactions financières.

Le seul réel appui du RN envers une mesure défendue par la gauche s’est joué sur la création d’un « impôt universel ». Les députés lepénistes ont accepté de voter en faveur d’un amendement de leurs collègues insoumis, prévoyant un impôt sur les revenus dépassant 230 000 euros, des contribuables basés dans des pays avec un cadre fiscal particulièrement avantageux. Ce vote a d’ailleurs été brocardé sur les réseaux sociaux par l’ancienne ministre chargée des entreprises, Olivia Grégoire. « Et c’est parti : les meilleurs amis RN et LFI se soutiennent pour augmenter les impôts », s’est-elle exclamée sur X.

« Il faut d’abord réduire les dépenses »

Ce jeu d’équilibriste, entre quelques gages de justice fiscale, principalement sur la lutte contre la « spéculation », et des mesures préservant la politique pro-entreprises des dernières années, est en tout cas assumé dans les rangs des parlementaires RN. « Il faut d’abord réduire les dépenses, avant de penser à relever les recettes. On a aussi besoin de donner des signes encourageants aux entrepreneurs et acteurs, qui pensent de plus en plus à partir », souligne le sénateur RN Christopher Szczurek, implanté dans fief électoral de Marine Le Pen.

Dans la séquence budgétaire à venir, le parti frontiste entend davantage mettre l’accent sur les économies. « On part du principe qu’on n’est pas obligés de fiscaliser la terre entière pour rendre les Français plus heureux », prévient Christopher Szczurek, citant « pas mal de pistes d’économies », comme sur la contribution française à l’Union européenne ou encore sur le « coût de l’immigration ».

Nommé conseiller économique de Jordan Bardella cet été, Charles-Henri Gallois défend une « ligne pragmatique ». Il affirmait en septembre qu’au vu du poids des prélèvements obligatoires en France, « le levier principal d’un point de vue budgétaire, c’est la baisse de la mauvaise dépense publique ».

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