illustration: petite Mairie et son drapeau francais.

Budget 2026 : les collectivités territoriales à nouveau sur le gril de Bercy

À peine sorti du tunnel budgétaire, le gouvernement remet l’ouvrage sur le métier et commence à préparer le projet de loi de fiances 2026 avec, comme ligne de mire, 40 à 50 milliards d’économies. Dans ce cadre, l’effort qui pourrait être demandé aux collectivités, qui se voient déjà imposer une économie de 2,2 milliards cette année, soulève de vives inquiétudes chez les élus.
Romain David

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La porte-parole du gouvernement a qualifié de « cauchemar » le budget 2026 au regard de la gageure qui attend l’exécutif, dans un contexte de très forte dégradation des finances publiques. Mais pour les élus locaux, ce cauchemar semble devoir se répéter chaque année. Sur les 40 à 50 milliards d’économies supplémentaires que souhaite dégager le gouvernement en 2026 pour parvenir à faire passer le déficit de 5,4 à 4,6 % du PIB, un effort de 8 milliards pourrait être demandé aux collectivités territoriales, selon une information de La Tribune.

De quoi alimenter un énième bras de fer entre l’exécutif et les élus locaux, qui sortent tout juste de la course d’obstacles qu’a été l’adoption de la loi de finances 2025. Pour mémoire : l’effort budgétaire initial de 5 milliards qui avait été demandé aux collectivités par le gouvernement Barnier a finalement été ramené à 2,2 milliards grâce aux travaux du Sénat. Mais le tour de vis annoncé reviendrait pratiquement à multiplier cet effort par quatre.

Sans surprise, les réactions ne se sont pas fait attendre : la puissante Association des maires de France a décidé de boycotter la « conférence nationale des finances publiques » qu’organise Matignon ce mardi pour fixer le cap budgétaire de l’année à venir. « Nous craignons évidemment d’être à nouveau une variable d’ajustement des erreurs budgétaires des gouvernements », a fait savoir auprès du Parisien André Laignel, premier vice-président de l’AMF. Le maire d’Issoudun dénonce « un contresens économique et démocratique ».

« On annonce à l’avance une mesure et l’on se fait couper la tête »

« Revoilà le serpent de mer, le même mauvais feuilleton qui revient à chaque débat budgétaire et qui montre le manque d’imagination du gouvernement et de Bercy ! », s’agace auprès de Public Sénat le sénateur LR Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. « Sur la forme et la méthode, ça n’est pas acceptable. Si c’est pour nous dire qu’il faut trouver 8 milliards, mais qu’à la limite on peut débattre de la méthode, ça n’est pas de la coconstruction », cingle-t-il.

Le sujet est d’autant plus explosif que 2026 est une année d’élections municipales. « S’il n’y a pas un changement de discours et de postures de la part du gouvernement, on va aller vers un blocage », avertit le sénateur. « Pour le budget 2026, on ne veut pas faire comme en 2025, un budget fait à la ‘one again’ en 15 jours », nous explique un ministre. « Il faut examiner toutes les propositions, de tout type. Si on prend les choses comme d’habitude, et que l’on annonce à l’avance une mesure en tant que ministre, alors on se prend une censure, on se fait couper la tête. Il faut rendre les forces politiques responsables de l’élaboration du budget », explique-t-il.

Un « contrat » avec les collectivités

Pour autant, Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, s’est risquée à évoquer devant les députés, lors d’une audition à l’Assemblée nationale début avril, « une forme de contrat » entre l’Etat et les territoires pour leur donner davantage de visibilité, mais aussi inscrire une trajectoire de réduction des dépenses sur plusieurs années. « Et je n’ai pas dit contractualisation. Un contrat ce sont des droits et des devoirs, des droits et des devoirs pour l’Etat, des droits et des devoirs pour les collectivités », a-t-elle pris soin de préciser.

« Certains préféreraient que ce contrat porte sur les recettes, d’autres pensent que le bon indicateur est plutôt celui de l’autofinancement, d’autres encore pensent qu’un contrat sur les dépenses clefs, les dépenses de fonctionnement, pourrait être une bonne idée. Nous n’avons à ce stade pas de certitudes », a encore expliqué la ministre.

« Tout le monde a entendu ‘contrats de Cahors’ », soupire Stéphane Sautarel. Une référence à un épisode du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, qui a marqué au fer rouge les relations entre les élus locaux et le gouvernement macroniste. Conclus entre les collectivités territoriales et l’État, ces contrats imposaient aux territoires un seuil limite d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement, compris entre 0,75 % et 1,65 %. Ils ont finalement été suspendus en 2020, à la faveur de l’épidémie de Covid-19.

« Les collectivités locales sont conscientes de la situation budgétaire du pays. Elles demandent une prévisibilité budgétaire. Le budget pour 2026 ne sera pas des plus dépensiers en raison des élections municipales. C’est le bon moment pour discuter et négocier », explique encore le responsable gouvernemental cité plus haut.

La situation budgétaire des départements

Dans son dernier rapport annuel sur la situation financière des collectivités territoriales, la Cour des comptes alerte sur la « détérioration globale de la situation financière des collectivités » au cours de l’année 2023, imputé notamment à l’inflation et au recul du marché de l’immobilier. Les sages de la rue Cambon soulignent également la forte augmentation des dépenses d’investissements sur les huit premiers mois de l’année 2024, en hausse de 13,1 %.

Avec une épargne brute qui a progressé de 1,4 milliard d’euros, les communes et les intercommunalités s’en sortent le mieux. La situation des régions se stabilise, avec un léger repli par rapport à 2022. En revanche, les départements ont vu leur épargne se dégrader très fortement, avec un recul de 4,7 milliards d’euros. Leurs finances sont prises en tenailles entre le poids des politiques sociales dont ils ont la charge, par le jeu des transferts de compétences, et la baisse des revenus qu’ils tirent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sur les transactions immobilières. La dernière loi de finance est venue amortir cette tendance en revalorisant le montant des DMTO, mais la situation des départements reste alarmante.

« La difficulté de contractualiser, c’est qu’il n’y a plus de confiance entre l’Etat et les collectivités »

« Je ne suis pas opposé à ce que les collectivités participent à l’effort de redressement des comptes publics, mais cela doit se faire à un niveau acceptable et sur la base d’un principe de justice territoriale », martèle le sénateur centriste Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales. « Derrière les moyennes parfois flatteuses, il y a des écarts très importants, à la fois entre les types de collectivités et les territoires où vous n’avez pas les mêmes niveaux de croissance économique et démographique »

« Le principe d’un contrat ne me choque pas. Nous allons entrer à partir de 2026, dans un nouveau cycle électoral. Si l’on veut donner de la visibilité aux élus – disons au moins sur trois ans – il faudra bien le formaliser d’une manière ou d’une autre », poursuit l’élu. Même prudence du côté de Patrick Kanner, le chef de file des élus socialiste au Palais du Luxembourg. « Je suis favorable à la notion de contrat, à condition que ce ne soit pas un contrat léonin », explique-t-il. « Les contrats de Cahors ne nous ont pas laissé un bon souvenir. »

« Tout dépend de ce qu’on y mettra. Les contrats de type Cahors ressemblaient davantage à une mise sous tutelle. Aujourd’hui, la difficulté de contractualiser, c’est qu’il n’y a plus de confiance entre l’Etat et les collectivités », pointe Stéphane Sautarel. « Pour qu’il y ait du contenu, il faudra au moins y aborder deux sujets : le niveau de dotation et la fiscalité locale », souligne-t-il.

Rétablir un « lien fiscal »

C’est une revendication récurrente du côté des collectivités : la création d’une nouvelle contribution territoriale, qui viendrait notamment participer au financement du bloc communal et amortir la suppression de la taxe d’habitation, dont beaucoup estiment que la compensation par des fractions de TVA n’est pas au niveau. Devant les députés, Amélie de Montchalin s’est dite favorable au rétablissement « d’un lien fiscal entre tous les habitants des communes et les élus ».

Ce sujet pourrait être débattu lors de la prochaine conférence de financement des territoires, qui avait été initialement annoncée pour avril. « Nous avons des solutions à trouver dans l’immédiat pour le budget 2026, sur les ressources, la visibilité et la contribution à la réduction du déficit… La question de la fiscalité locale mérite aussi d’être soulevée, mais ce débat demande plus de temps. Nous n’allons pas mettre sur pied une réforme concertée en trois mois », avertit néanmoins Bernard Delcros.

(avec Mathilde Nutarelli)

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