Économie
Le patron des sénateurs Renaissance estime que l’année blanche, c'est-à-dire le gel des dépenses de l’État et des prestations versées par la Sécurité sociale, « dans les deux assemblées, semble faire consensus aujourd’hui ».
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La marche sera finalement plus importante que prévu. Conséquence d’investissements supplémentaires dans la défense, François Bayrou a annoncé que l’effort budgétaire dans le budget 2026 se chiffrerait à 43,8 milliards d’euros, pour tenir l’objectif d’un déficit public ramené à 4,6 % du PIB. Durant deux heures, le Premier ministre a égrené une série de propositions budgétaires qui constitueront l’armature des textes financiers de l’automne. Qu’il s’agisse de l’État, de la Sécurité sociale ou des collectivités, pas un segment de la dépense publique ne sera épargné.
Déjà sous le feu nourri des oppositions, la potion est néanmoins jugée nécessaire dans ses grandes lignes par les architectes des débats budgétaires au Sénat. « On ne peut pas durablement continuer dans cette spirale de la dette », admet Jean-François Husson, le rapporteur général (LR) de la commission des finances du Sénat. « Les mesures sont à la hauteur des efforts à faire », reconnaît son homologue de la commission des affaires sociales, la centriste Élisabeth Doineau.
Au cours de son intervention de deux heures, le Premier ministre a d’ailleurs fait référence plus d’une fois aux travaux du Sénat. La majorité sénatoriale, qui avait remis la semaine dernière une contribution à Matignon avec des propositions permettant de réaliser au minimum 25 milliards d’euros de réduction du déficit public, constate avoir servi de source d’inspiration sur une série de mesures, en particulier sur l’année blanche, que Gérard Larcher avait soutenue dès le mois de mai, ou encore le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. « Tout n’est pas repris, mais force est de constater qu’il y a des éléments. Il y a aussi des divergences, dans celles qui sont faites, qui devront être discutées, précisées », prévient Jean-François Husson.
La proposition de François Bayrou de supprimer deux jours fériés – potentiellement le lundi de Pâques et le 8 mai – fait plutôt partie de cette deuxième catégorie de mesures, sur lesquelles le rapporteur général anticipe un débat. « Les deux jours fériés, cela doit faire partie d’un dialogue avec les partenaires sociaux, avant d’arriver pourquoi pas au Parlement. La question du temps de travail n’est pas mineure », considère-t-il. François Bayrou n’a évoqué une consultation des syndicats et du patronat que sur deux chantiers : celui de l’assurance chômage, et le droit du travail, notamment dans l’optique des recrutements.
À elle seule, la mesure dégagera 4,2 milliards d’euros dans l’effort budgétaire, soit près de 10 % du total, selon l’estimation du gouvernement. L’an dernier, la majorité sénatoriale avait déjà proposé l’équivalent d’une journée de solidarité, comme source supplémentaire de recettes pour la Sécurité sociale. La mesure avait fracturé le socle commun avant d’être évacuée dans la commission mixte paritaire. La sénatrice Élisabeth Doineau se dit pourtant convaincue qu’une majorité parlementaire peut être trouvée en faveur de ces deux jours de travail supplémentaire, « plus large au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ». « On voit bien que la France est aujourd’hui en fragilité. Nous ne produisons pas assez, on est en deçà des autres pays européens », justifie la sénatrice de la Mayenne.
À moins d’un an des élections municipales, qui influeront elles-mêmes sur la composition future du Sénat par ricochet, un sujet risque à coup sûr d’opposer les sénateurs au gouvernement. L’effort demandé aux collectivités locales. Le gouvernement annonce « réguler » les financements de l’État aux collectivités et fixe un principe : les dépenses locales ne devront « pas progresser plus vite que les ressources de la Nation ». Le gouvernement veut aussi reconduire le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (appelé DILICO). Le rapporteur général Jean-François Husson considère que l’effort demandé aux collectivités territoriales, si l’on suivait la proportion de leur responsabilité dans la dégradation des comptes publics, ne devrait être que de 1,2 milliard d’euros, bien moins que les 5,3 milliards d’euros requis par l’exécutif. « L’effort qui est demandé est vécu comme une provocation infamante. C’est un désaccord profond », constate-t-il.
Sur le champ des dépenses de Sécurité sociale, François Bayrou est visiblement beaucoup plus synchronisé avec l’état d’esprit de la majorité sénatoriale. Ici, 5 milliards d’euros sont annoncés. « J’ai retrouvé beaucoup d’éléments sur la sphère sociale », constate Élisabeth Doineau. Responsabilisation des patients, lutte contre la fraude, mise en valeur de la prévention avec la vaccination, achats mutualisés au niveau des hôpitaux, ou encore la réforme du régime des affections de longue durée (ALD), la rapporteure générale relève un certain nombre de chantiers qui lui sont loin d’être inconnus. « Sur les ALD, il faut essayer de freiner cette montée en charge exponentielle avec une réforme en profondeur, qu’on va sans doute travailler », anticipe-t-elle.
Le Sénat, avec une majorité claire et en soutien aux orientations du gouvernement, sera une étape somme toute prévisible pour le gouvernement. Les appels à la censure dans les deux blocs d’opposition de part et d’autre de l’hémicycle de l’Assemblée nationale rendent l’avenir de cette copie budgétaire extrêmement fragile chez les députés. Stoïque, Jean-François Husson estime que la configuration n’a pas évolué depuis l’automne 2024. « Le Premier ministre danse sur un volcan à l’Assemblée nationale, ce qui est le reflet de la situation post-dissolution, et de la fragmentation des sensibilités politiques en France. Le budget de cette année n’a tenu qu’à l’appel à la responsabilité, au moment de Noël, quand les Français nous ont demandé dans les circonscriptions de nous mettre d’accord ».
Sa collègue Élisabeth Doineau espère, quant à elle, que la responsabilité l’emportera. « La situation devient de plus en plus difficile. Les Français doivent en prendre conscience. » Un nouveau chemin de croix budgétaire ne fait que commencer.
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