La préparation du prochain budget a mis la majorité sénatoriale sur le pied de guerre. Dans un contexte de réduction de la dépense publique, le Sénat a lancé son propre groupe de travail, à l’initiative du président Gérard Larcher, et réunissant l’ensemble des rapporteurs spéciaux et pour avis qui appartiennent à la droite et au bloc central. À leur tête, le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget. Les élus entendent démontrer que les 40 milliards d’économies visées par le gouvernement pour 2026 peuvent se chercher en baisse de dépenses, plutôt que de miser sur les recettes, et donc la fiscalité.
Leurs travaux seront présentés le 18 juin, ce qui risque de couper l’herbe sous le pied de l’exécutif. Il s’agit aussi pour la droite, sans laquelle le gouvernement ne pourrait rien faire au Sénat, d’imposer sa marque sur le prochain budget. « Les élus ont souvent tendance à penser qu’un bon budget est un budget en hausse, si c’était le cas, nous serions les champions du monde ! », raille Jean-François Husson.
Pour l’heure, les pistes du gouvernement pour 2026 ne sont pas encore connues, hormis quelques ballons d’essai, comme la suppression de l’abattement fiscal des retraités, la réduction d’un tiers des agences et opérateurs de l’Etat, ou encore un nouveau tour de vis sur les collectivités territoriales. Le Premier ministre a fait savoir qu’une série d’orientations seraient proposées « avant le 14 juillet ».
« La logique aurait voulu qu’il les présente lors de sa grande conférence sur les finances publiques en avril. Le flou suscite de l’inquiétude, on entend tout et n’importe quoi », constate Jean-François Husson. Pour avancer, il a soumis aux rapporteurs du Sénat l’hypothèse suivante : imaginer une baisse de 10 milliards d’euros de crédits sur l’ensemble des ministères. Quels seraient les postes de réduction des dépenses à prioriser ?
Sanctuariser le budget de la Défense
Les élus s’appuient sur des courbes qui retracent l’évolution des dépenses, pour chaque mission budgétaire, entre 2019 et 2025. Ce qui permet de repérer, et donc d’interroger, les plus fortes hausses. « Nous sommes à la fois sur un travail qui s’apparente à celui d’une loi de règlement du budget, mais aussi à la préparation du futur projet de loi de finances », résume le sénateur centriste Michel Canévet.
« En 2019, la France n’était pas sous administrée, nous sommes après la crise des Gilets Jaunes, mais avant la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie. En 2025, on peut estimer que nous sommes revenus à un fonctionnement normal. La comparaison paraît pertinente », souligne le sénateur LR Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des Finances. « Si on regarde le différentiel, ça en fait du pognon ! Près de 100 milliards en valeur absolue, ça n’est pas l’épaisseur du trait ! », insiste Jean-François Husson.
Au vu du contexte international, les élus n’entendent pas toucher aux dépenses de défense, dont la trajectoire a été sanctuarisée jusqu’en 2030 dans la loi de programmation adoptée en juillet 2030. Le niveau des autres missions budgétaires sera soit maintenu, soit revu à la baisse. Dans ce contexte, les élus ne s’interdisent pas de revenir sur les dernières lois de programmation, pour la justice, la recherche et l’intérieur. « Si on se met des lignes rouges, il ne restera plus, pour trouver des économies, que les anciens combattants et les gobeurs de mouches », prévient un membre de la commission des finances. « Le paradigme a changé, même s’il y a une volonté d’être plus attentif aux postes régaliens », nuance Stéphane Sautarel.
« Au moins 23 à 24 milliards d’euros de baisse des dépenses sociales »
Dans un entretien au Parisien, le président du Sénat, Gérard Larcher considère que « le gel budgétaire fait partie des pistes à explorer dans tous les domaines y compris social ». Le sénateur des Yvelines évoque également « le nombre des agents des trois fonctions publiques et des opérateurs et agences de l’État ». Sur ce dossier particulier, objet de nombreux fantasmes, la Chambre haute a ouvert une commission d’enquête parlementaire qui devrait rendre ses travaux en juillet.
Pour atteindre les 40 milliards d’économies, la majorité sénatoriale mise aussi sur une baisse drastique des dépenses sociales. Un travail en ce sens a aussi été engagé par les membres de la commission des Affaires sociales, « avec un objectif d’au moins 23 à 24 milliards d’euros de baisse », indique un élu.
Les collectivités territoriales devraient aussi être mises à contribution. Alors que l’on évoque, côté exécutif, un coup de rabot de 8 milliards, LR et centristes du Sénat ne souhaitent pas aller au-delà de l’effort demandé cette année. Dans le budget 2025, les sénateurs avaient obtenu de réduire l’effort demandé de 5 à 2,2 milliards d’euros. « On ne peut ni prétendre que les collectivités sont responsables de la situation de nos finances publiques, ni les exonérer complètement de l’effort collectif », explique Stéphane Sautarel. « Et si on a le temps, alors on regardera aussi les niches fiscales, parce qu’il en reste beaucoup », conclut Jean-François Husson.