Une petite bouffée d’oxygène dans la longue montée de l’Himalaya budgétaire ? À l’heure de la recherche d’économies tous azimuts, le gouvernement peut au moins compter sur une ristourne. Elle ne bouleversera pas les grands équilibres de la copie, mais elle est assurément symbolique. La France paiera en 2026 une contribution au budget de l’Union européenne moins élevée par rapport à ce qui était attendu.
Le « tiré à part », le rapport budgétaire sur les plafonds de dépenses en vue du projet de loi de finances pour 2026, publié le 15 juillet (relire notre article), précise que l’augmentation du prélèvement sur recettes destiné au budget européen a été limitée à 5,7 milliards d’euros. La hausse aurait théoriquement dû être de 7,3 milliards d’euros, c’est donc une moindre dépense de 1,6 milliard d’euros.
« Ce n’est pas un rabais français »
Auditionnée mercredi soir par la commission des finances du Sénat, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a détaillé les raisons de cette modération de la hausse. « Ce n’est pas un rabais français », a tenu à préciser la ministre, alors que le montant de la contribution française est régulièrement critiqué par le groupe du Rassemblement national à l’Assemblée nationale. L’abaissement va en effet concerner tous les États membres, et pas seulement la France.
Ministre chargée des Affaires européennes de mars 2019 à juillet 2020, dans le gouvernement d’Édouard Philippe, Amélie de Montchalin connaît bien le sujet, puisqu’elle a participé à la négociation du cadre financier pluriannuel européen 2021-2027, une trajectoire qui prévoyait initialement un prélèvement de 29 milliards d’euros pour la France en 2026.
En poste désormais à Bercy, la ministre a indiqué aux sénateurs que ce montant de départ n’était finalement plus d’actualité. « Il se trouve que quand je suis rentré dans mon bureau, on m’a expliqué que ce n’était pas ça du tout qui se passait. Ce serait 30,3 milliards d’euros. » La France a mené une négociation avec la Commission européenne et le Conseil, aux côtés des autres pays contributeurs nets, ceux dont les prélèvements sont supérieurs aux subventions et aides européennes reçues.
Ce groupe de pays a obtenu que l’Union européenne en revienne aux critères de financement de la politique de cohésion, en vigueur avant la crise sanitaire. « Nous sommes convaincus collectivement qu’avec ces nouveaux paramètres, la commission avait tout à fait la possibilité de déployer une politique de cohésion ambitieuse pour refaire revenir le financement à ce qu’il était prévu au moment de la négociation », a expliqué Amélie de Montchalin, mercredi soir devant les sénateurs.
La réduction de l’effort ne satisfait toutefois pas le Rassemblement national. Le député RN Jean-Philippe Tanguy a notamment indiqué hier que la hausse de 5,7 milliards d’euros restait « intolérable ». Lors des dernières élections législatives, le parti avait soutenu le principe d’une réduction de la contribution française. Et début juillet, Marine Le Pen avait appelé à appliquer une « année blanche » sur la contribution française à l’Union européenne.
Une hausse significative de la contribution française sur la période 2021-2027
Comme le rappelait le sénateur Jean-Marie Mizzon (Union centriste), rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits des affaires européennes, dans son rapport de novembre 2024, le poids du prélèvement français pour l’Union européenne est appelé à augmenter fortement dans la fin de la période du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Après une contribution qui était estimée à 30,4 milliards d’euros pour 2026, le rapport évoque un prélèvement de 32,4 milliards d’euros pour 2027, selon des hypothèses transmises par la Commission européenne.
Cette forte progression s’explique par le cycle budgétaire européen. Jean-Marie Mizzon rappelle que la « consommation des crédits s’accentue systématiquement à mesure que le cadre financier pluriannuel progresse » et que « les rattrapages sont fréquents en fin d’exercice ». Les effets sont d’autant plus notables avec l’ampleur du plan de relance européen, Next Generation EU.
Ce mercredi, la Commission européenne a d’ailleurs présenté sa proposition de cadre pluriannuel pour la période 2028-2034, avec au total 2 000 milliards d’euros. Le précédant (2021-2027) doit mobiliser théoriquement 1 200 milliards d’euros, mais il a été complété par un plan de relance de 800 milliards d’euros durant la crise sanitaire.
La copie, qui sera négociée pendant deux années, a déjà fait l’objet de sévères critiques de la part de deux États frugaux de l’Union. Le porte-parole du gouvernement allemand a estimé que cette « augmentation substantielle du budget de l’UE » était « inacceptable à l’heure où tous les Etats membres font des efforts considérables pour consolider leurs budgets nationaux ». Les Pays-Bas ont, quant à eux, jugé ce budget « trop élevé ». La France, par la voix du ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad, a qualifié la proposition de la Commission d’ « ambitieuse ».