L’un des marqueurs de la politique fiscale installée durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron va-t-il faire les frais du budget 2026 ? Le taux de 30 % pour la « flat tax » vit peut-être ses dernières semaines. Cette disposition fiscale avait été votée en décembre 2019, dans le cadre du budget 2018, le premier de la présidence d’Emmanuel Macron.
Connue dans les textes officiels sous le nom de prélèvement forfaitaire unique, ou PFU, elle consiste à soumettre les revenus du capital (dividendes, revenus de placements financiers, plus-values sur les cessions d’actions) à un taux unique de 30 %, là où auparavant ces derniers étaient soumis à un barème progressif, à la façon de l’impôt sur le revenu. Aux côtés de l’abaissement de l’impôt sur les sociétés et de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), cette réforme avait été conçue dans l’objectif de favoriser le financement des entreprises et l’attractivité financière de la France.
Un impôt qui doit rapporter à l’État 7,3 milliards d’euros en 2025
Huit ans après, dans le contexte de l’élaboration d’un budget difficile et de la recherche de compromis avec le Parti socialiste qui réclame des gages en matière de justice fiscale, sa stabilité n’est pas garantie. Selon Politico et Les Échos, Matignon réfléchit actuellement à remonter le taux de la flat tax. Toutefois, « rien n’est arbitré », précise-t-on toutefois dans l’entourage du Premier ministre, qui a jusqu’à 7 octobre théoriquement pour présenter le projet de loi de finances.
Selon le quotidien économique, l’équipe de Sébastien Lecornu aurait approché des acteurs du monde économique pour les interroger au sujet d’un potentiel passage de la flat tax à 36 %. Selon le ministère des Comptes publics, dans une annexe au dernier projet de loi de finances, la flat tax devrait rapporter 7,3 milliards d’euros, soit deux fois plus qu’au moment de la première année d’application en 2018. Sur cette base, un relèvement de six points de cet impôt pourrait donc potentiellement rapporter près de 1,5 milliard d’euros supplémentaires.
« Si ça devait bouger, ça ne peut être qu’une évolution modérée », prévenait le ministre de l’Économie démissionnaire
Le sujet n’est pas nouveau et revient pour ainsi dire à chaque discussion budgétaire, remis sur la table par des amendements de gauche mais aussi issus du centre. Invité de France Inter le 6 janvier 2025, avant la reprise de l’examen du projet de loi de finances, le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard (aujourd’hui démissionnaire), avait estimé que la flat tax faisait « partie des sujets qui sont sur la table ».
Et d’avertir : « En tout état de cause, si ça devait bouger, ça ne peut être qu’une évolution modérée, parce que ça fait partie des sujets qui nous positionnent dans la compétition internationale », avait-il insisté. L’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) avait rappelé à cette occasion que beaucoup d’économies développées, ce taux se situe entre 30 et 35 %. « Donc, vous voyez qu’on aurait un peu de marge », avait alors conclu.
Une proposition majoritaire en commission des finances chez les députés, et également au Sénat
Une donnée est importante dans ce débat : une majorité existe déjà au Parlement pour relever le taux du prélèvement forfaitaire unique. Fin 2024, la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était prononcée pour le passage d’un taux de 30 % à 33 %, sur proposition d’un amendement du groupe Modem. Selon l’exposé des motifs, défendu par Jean-Paul Mattei, cette proposition s’inscrit « dans une perspective de long terme visant à durablement rééquilibrer la fiscalité du capital et du travail ».
La première partie du budget ayant été rejetée à l’Assemblée nationale (le volet des recettes), c’est la version initiale du projet de loi qui a servi de point de départ aux débats qui ont suivi au Sénat. Si la gauche a échoué à faire adopter ses amendements visant à revenir à la situation antérieure à 2018 en matière de fiscalité des revenus du capital, un amendement identique à la proposition du Modem à l’Assemblée nationale a, lui, réuni une majorité de voix. Déposé par le groupe RDSE (à majorité radicale), dans un esprit de « compromis », il visait lui aussi à relever la flat tax à 33 %. L’amendement a été adopté par 174 voix contre 167, avec les voix de l’Union centriste, la plupart du RDSE et les trois sénateurs du RN.
La mesure n’a toutefois pas été conservée dans le texte voté en fin de parcours par le Sénat, car une deuxième délibération a été demandée sur cet article par le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin. « Le paquet global de fiscalité au sein duquel le PFU est inséré a permis, j’en suis convaincu, d’accroître le volume d’investissements dans notre pays », avait-il motivé.
À noter que les sénateurs socialistes avaient tenté en vain d’obtenir une augmentation du taux de la flat tax de 10 points, sans succès. Fin août, le parti à la rose avait proposé un relèvement de la flat taxe à seulement 32 % (relire notre article). Lors des débats de l’automne dernier, ses orateurs avaient fait valoir que le gain de niveau de vie était « concentré entre les mains des plus aisés, soit 10 % des Français, ce qui aggrave fortement les inégalités ».
La France reste parmi les « pays avec le taux d’imposition moyen des revenus du capital le plus élevé »
En 2023, le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, sous l’égide de France Stratégie (organe placé sous la responsabilité de Matignon), avait par ailleurs estimé que le coût budgétaire de la flat tax « serait annulé les premières années si l’on tient compte de l’augmentation induite des dividendes ». Ce dernier avait été évalué par le Trésor à 1,4 milliard d’euros en 2018.
La même étude de France Stratégie, basée sur des données de l’OCDE, avait également noté que la France restait « parmi les pays avec le taux d’imposition moyen des revenus du capital le plus élevé ».
Le refus du précédent gouvernement d’augmenter la flat tax s’explique probablement par l’existence dans le budget actuel de la contribution différentielle sur les hauts revenus, qui s’applique aux foyers les plus aisés (revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros pour une personne seule). Instaurée en réponse à la concentration croissante du patrimoine, et notamment des revenus du capital dans les niveaux de revenu les plus élevés, cette disposition aboutit déjà de fait à une flat tax plus élevée. La flat tax à 30 % se compose en effet d’un impôt sur le revenu, à hauteur de 12,8 %, et de prélèvements sociaux, à hauteur de 17,2 %. Or la contribution différentielle prévoit un impôt sur le revenu plancher de 20 %, ce qui aboutit donc à une flat tax pour les contribuables redevables de 37,2 %.
La semaine dernière, le président des députés Modem, Marc Fesneau avait ouvert la porte à une remontée de la flat tax, sous condition. « On peut aussi envisager une hausse limitée de la flat tax, en prenant toutefois garde à ne pas superposer les dispositifs. »