Au deuxième jour de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le Sénat a adopté l’une des principales mesures fiscales prévues par le gouvernement : la surtaxe sur les hauts revenus. Le dispositif voté par les élus, tel que présenté par l’exécutif à l’article 3 du projet de loi, crée une imposition minimale de 20 % sur une durée de trois ans pour les contribuables dont les revenus annuels sont supérieurs à 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 euros pour les couples en imposition commune. Selon les estimations du gouvernement, cette contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) devrait concerner 24 300 foyers pour un rendement estimé à 2 milliards d’euros en 2025.
Le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a défendu la nécessité de garantir un niveau d’imposition minimale à des contribuables qui, en raison de leurs revenus, ont la possibilité d’avoir recours à certains mécanismes d’optimisation fiscale. Au regard de la situation des finances publiques, la majorité sénatoriale de droite et du centre a fait le choix de soutenir cette contribution, mais elle n’a pas manqué de critiquer un dispositif toujours miné, selon les élus, par de nombreuses possibilités de dispenses.
« Cette contribution prendra la forme d’un filet de rattrapage fiscal. La situation de nos finances publique impose en effet de trouver de nouvelles recettes, pourvu qu’elles soient ciblées et temporaires », a rappelé Jean-François Husson (LR), le rapporteur général du budget. « Il s’agit d’un dispositif complexe, peu lisible pour ne pas dire illisible », a-t-il fustigé. « Il ne comprend pas moins de quatre dispositifs de lissage d’entrée dans l’impôt et prend en compte le retraitement de dizaines de dépenses fiscales sans que cela soit d’une très grande clarté ».
« Il faut exiger un peu plus des gens qui sont bien dotés »
Même inquiétude à gauche de l’hémicycle : « À force d’ajouter des exonérations, des possibilités d’échapper par des niches fiscales, est-ce qu’à l’arrivée on va avoir les deux milliards ? Ou peut-être un, voire la moitié d’un », a épinglé le sénateur RDSE Christian Bilhac. « Il faut bien comprendre les parlementaires que nous sommes. Eau chaude, chat échaudé. On nous avait promis des rentrées fiscales sur les énergéticiens, et nous ne les avons pas eues, on nous avait demandé des rentrées fiscales importantes sur les pétroliers, on ne les a pas vues… Comprenez le doute qui s’installe », a alerté le communiste Pascal Savoldelli. Cet élu a fini par dénoncer « un symbole, sans effet levier pour les finances de l’Etat ».
Au cours de la discussion, les différents groupes de gauche ont tenté de renforcer l’assiette d’imposition à travers une vingtaine d’amendements, soit en élargissant la tranche de revenus concernés par la CDHR, soit en essayant d’y inclure d’autres gains financiers. « J’ose faire une petite provocation : vous-mêmes, parlementaires, vous ne percevez pas ces sommes et vous n’y serez pas assujettis. […] Il faut exiger un peu plus des gens qui sont bien dotés », a pointé le socialiste Victorin Lurel, ancien ministre de François Hollande.
« Les supers riches échappent largement à l’impôt. Pourquoi ? Parce qu’ils se reversent peu de revenus, préférant accumuler leurs richesses dans des holdings où elles restent très peu taxées », a rappelé la sénatrice PS Florence Blatrix-Contat. « Les milliardaires français contribuent deux fois moins que les autres contribuables », a-t-elle encore déploré.
D’autres élus ont tenté de pérenniser le dispositif qui, en l’état actuel, ne s’appliquera qu’aux revenus des années 2024, 2025 et 2026. « La justice fiscale ne peut être temporaire, il n’est pas acceptable que l’impôt des 24 300 foyers les plus aisés n’atteigne pas durablement au moins les 20 % », a défendu, en vain, le communiste Pierre Barros.