Budget : la France doit se préparer à un « effort très substantiel », prévient Pierre Moscovici

Face à la commission des finances du Sénat, le président de la Cour des comptes a considéré que l’année 2023 serait « une année blanche » en termes de redressement des finances publiques. Il a encouragé les parlementaires à se pencher sur la qualité de la dépense, mais aussi sur le niveau des niches fiscales.
Guillaume Jacquot

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Nouvelle série de mises de garde de la Cour des comptes devant des parlementaires. Quelques jours après la remise de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, l’institution de contrôle a une fois encore alerté sur la nécessité « d’assainir nos finances publiques ».

Auditionné par la commission des finances du Sénat ce 5 juillet, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a expliqué ce qu’impliquera la trajectoire définie au gouvernement au printemps dernier dans le programme de stabilité. Selon ce document transmis à la Commission européenne, le gouvernement vise une réduction du déficit public à hauteur de 2,7 % du PIB en 2027. « Ramener le déficit à moins de 3%, c’est un objectif atteignable, mais au prix d’un effort très substantiel sur la dépense publique », a prévenu Pierre Moscovici. Lequel a également épinglé « l’optimisme » du scénario économique du gouvernement – les prévisions de croissance en premier lieu. Un scénario qui pourrait être « à la merci d’une déception », selon le président de la Cour des comptes.

L’ancien ministre de l’Économie et des Finances note que la limitation de la progression des dépenses publiques à 0,4 % par an, sur les années à venir, se manifestera par « 10 à 12 milliards d’euros d’économies nettes », chaque année, « et ce, alors que de nouvelles dépenses ont été annoncées ». Et « plutôt que 12 que 10 milliards », a-t-il souligné. Le 19 juin, lors des Assises des finances publiques, le gouvernement affirmait avoir identifié au moins dix milliards d’euros d’économies potentielles. Au total, d’ici la fin du quinquennat, 50 à 60 milliards d’euros sont à trouver, au total. Redoutant un « risque de divergence » de la France vis-à-vis de l’économie des principaux Etats membres de la zone euro, Pierre Moscovici a répété qu’il était « impératif » d’adopter une loi de programmation des finances publiques. Reportée depuis l’absence de majorité au Parlement sur cette loi en décembre dernier, cette loi devrait être « ambitieuse » et « précise » sur les réformes à entreprendre à partir de l’exercice 2024.

La Cour des comptes recommande une « contre-expertise » systématique sur les études d’impact

Très attaché à ce que cette loi soit enfin adoptée dans les plus brefs délais, Pierre Moscovici a prévu que l’absence de ce texte de référence poserait « un problème juridique, éventuellement majeur ». « Le Haut Conseil des finances publiques pourrait – ça dépend de son président, mais pas que de lui –dire qu’il n’est pas en état de rendre un avis pertinent, et le Conseil constitutionnel pourrait considérer que l’absence d’avis du Haut Conseil des finances publiques pose des problèmes au regard de la constitutionnalité des lois de finances. »

En matière d’efficacité de la dépense publique, le président de la Cour des comptes a plaidé pour une « grille d’analyse de la qualité ». « Ciblage plus pertinent » des dépenses, objectifs plus clairs, chasse aux dispositifs redondants, et évaluation systématique des nouvelles dépenses : la Cour des comptes a multiplié les conseils aux parlementaires, à quelques mois d’une nouvelle séquence budgétaire. Pierre Moscovici a également défendu l’idée d’une « contre-expertise systématique des études d’impact par un organisme issu du monde académique ». « On va essayer d’en faire usage et de s’en inspirer » lui a répondu le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR), évoquant un « kit complet du prêt à bien et mieux dépenser ».

Pierre Moscovici plaide pour que la revue de dépenses publiques s’engage « dans la durée »

Quant à la revue de dépenses que veut engager le gouvernement, le président de la Cour des comptes a indiqué qu’elle pouvait être « un instrument puissant », si « elle est menée dans la durée, avec détermination » et « si elle porte sur un périmètre large ».

Dans le prolongement de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes publiera ce jeudi une série de neuf notes thématiques d’analyses sur les dépenses et leur qualité. La rue Cambon va notamment se pencher sur les dépenses fiscales, les aides aux entreprises, l’éducation, le logement, la médecine de ville ou encore les forces de sécurité.

En fin d’audition, Pierre Moscovici s’est permis de donner un aperçu des recommandations de la Cour sur l’étendue des niches fiscales, dont le coût a atteint 94 milliards d’euros l’an dernier, soit 2,8 milliards de plus que le montant prévu dans la dernière loi de finances. « Sans tout dévoiler, je dirais que nous tirons l’idée qu’il faut d’abord un plafond qui soit réellement contraignant pour les dépenses fiscales, qu’il faut en faire la revue régulièrement et qu’elles devraient être bornées dans le temps. Avoir des centaines de dépenses fiscales qui continuent, sans jamais être ni évaluées ni bornées, cela pose un très gros problème », a souligné Pierre Moscovici.

Sur l’année budgétaire en cours, l’ancien commissaire européen a constaté que le déficit public bougerait très peu et que la « décrue » serait donc repoussée à 2024. « Ça devrait être une année blanche en termes de redressement de finances publiques. Il n’y pas pas grand-chose à en attendre. »

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